02.10.2018, Wirsol Rhein Neckar Arena, Sinsheim, GER, UEFA CL, TSG 1899 Hoffenheim vs Manchester City, Gruppe F, im Bild Coach Pep Guardiola Manchester City // during the UEFA Champions League Group F match between TSG 1899 Hoffenheim and Manchester City at the Wirsol Rhein Neckar Arena in Sinsheim, Germany on 2018/10/02. EXPA Pictures © 2018, PhotoCredit: EXPA/ Eibner-Pressefoto/ Michael Weber *****ATTENTION - OUT of GER***** (L'Equipe)

«Humilité, travail, équipe», «purisme et pragmatisme» : la philosophie Guardiola à Manchester City décortiquée par la presse anglaise

Leader invaincu de Premier League avec Manchester City, Pep Guardiola détonne toujours autant, par ses principes rarement reniés et ses excellents résultats. Avant son déplacement à Lyon ce mardi, FF fait le point sur sa cote de popularité et les analyses britanniques.

Il fascine, intrigue. Tant par le jeu qu’il met en place que par sa façon de gérer ses effectifs. Pep Guardiola, premier du Championnat d’Angleterre après 13 journées et vainqueur en titre, reste, pour beaucoup, un mystère. Que la presse anglaise essaye de percer alors que l'entraîneur catalan entame sa troisième année en club. «Il a non seulement élevé la barre en matière de football au cours des dix dernières années, mais il a apporté sa philosophie si différente avec sa culture de la victoire, lit-on par exemple sur le West Sussex County Times, petit média qui s’appuie sur les recherches de Damian Hughes, professeur en science du sport. Les recherches suggèrent que la culture de la victoire peut avoir 22% d’impact sur la performance. [...] Il (Guardiola, NDLR) s’articule autour de trois principes : l’humilité, le travail acharné et la priorité accordée à l’équipe. Et bien que le succès n’ait pas été instantané à City, les derniers temps montrent qu’il a réussi à instaurer son état d’esprit. Il convient de rappeler qu’il s’est tenu fermement à des principes mis à l’épreuve au cours de sa première saison, qui était une transition pour City. Il a refusé d’essayer une approche différente. “Je ne change pas”, faisait-il remarquer devant la presse. “Si les joueurs n’aiment pas ça, je pars”.»

Possession, pressing à la perte, recherche constante de l’homme libre : désormais, la mayonnaise a pris et Manchester City apparaît comme l’ogre du Championnat anglais, même si une marche en Ligue des champions reste à franchir. Le West Sussex County Times poursuit son analyse du succès : «Warren Buffet, l’investisseur le plus connu au monde, conseille aux entreprises d’appliquer un critère simple lors du choix d’un dirigeant : “Ils doivent posséder intelligence, énergie et intégrité. S’ils ont seulement les deux premiers, ne les prenez pas !” Et c’est cette troisième qualité - l’intégrité -, le courage de rester fidèle à ses idéaux qui fait la différence. Pep Guardiola l’illustre. Et il cherche à convertir le football anglais à sa manière.»

Dogmatique, vraiment ?

Pourtant, Pep Guardiola a travesti son jeu une fois cette saison. C’était face au Liverpool de Jürgen Klopp, bourreau de Guardiola ces dernières saisons, avec entre autres une élimination en quart de finale de Ligue des champions. «La tactique de Guardiola face à Liverpool, étonnamment conservatrice, aurait été validée par une victoire sans le penalty manqué par Riyad Mahrez, écrit le Telegraph, City devant se contenter du match nul (0-0). Dire que l’Espagnol “a garé le bus”, c’est pourtant aller trop loin. Néanmoins, après avoir prétendu qu’il ne changerait jamais sa philosophie, Guardiola a reconnu qu’il devait changer après les mésaventures précédentes face aux Reds.» Ce fut la seule et unique occasion de le faire.

Mais si le football de Guardiola se rapproche d’un beautiful game noble prôné par de nombreux fans, une chose est universelle au centre d’entraînement de l’Etihad Campus : l’exigence. «C’est le moment où le purisme rencontre le pragmatisme, où le bel art rencontre l’art plus sombre, poursuit par exemple le Telegraph. Le style de football de Manchester City est peut-être aussi envoûtant que tout ce que que l’on voit, mais leur succès repose également sur un cynisme soigneusement préparé.» De son côté, le Guardian confirme par les faits : «Pep Guardiola a averti ses joueurs qu’ils devaient conserver la bonne attitude à l’entraînement après une défaite, sinon ils auraient un “gros problème”. Il dit aussi qu’il n’y a pour le moment aucun problème à ce sujet, mais qu’il était clair que toute personne laissée de côté devait le prendre de manière professionnelle.»

Les fautes délibérées et l'«assassin souriant» Fernandinho

Homme au coeur du jeu, pierre angulaire de l’animation, Fernandinho excelle sous Guardiola. Il y a beau avoir Agüero, Sané, Sterling, les deux Silva ou Kevin De Bruyne, le milieu de terrain brésilien, replacé en sentinelle à la demande de “maître Pep”, est l'un des joueurs les plus importants du schéma tactique. «Aucun joueur de City n’a débuté plus de matches que Fernandinho cette saison, tandis que l’animation tourne autour de lui», écrit par exemple The Guardian à propos du soldat préféré du staff. Excellent dans ses transmissions et rampe de lancement parfaite aux nombreuses séquences de possession, Fernandinho a une place toute trouvée.

«Fernandinho est tellement bon pour City ces cinq dernières années qu’il est facile d’oublier qu’il a 33 ans. L’influence de Guardiola semble tirer le meilleur de Fernandinho», continue le quotidien anglais. Nouvelles consignes mises en place cette année, le milieu a aussi une nouvelle mission : bloquer les contre-attaques, peu importe comment. The Guardian : «Des suggestions ont été émises cette saison, notamment lorsque le coach demande à certains joueurs de rompre les contre-attaques adverses avec des fautes tactiques. Fernandinho, en particulier, s’est montré particulièrement doué pour faire ses petites fautes, d’autant plus qu’il a l’air toujours joyeux. Que pense-t-il d’être appelé l’assassin souriant ? “Je suis un gars sympa”, dit-il en riant.»

Informations confirmées par le Telegraph : «City est prêt à commettre des fautes délibérées pour tuer les contre-attaques adverses à la source s’il était incapable de récupérer le ballon normalement, afin de se donner le temps de se regrouper quand ils perdent la possession. L’ancien défenseur d’Arsenal, Martin Keown, avait identifié Fernandinho comme le principal responsable. Même Domènec Torrent, l’ancien n°2 de Guardiola, a semblé admettre au cours de l’été qu’il s’agissait d’une tactique délibérée dans les cas où City n’avait pas déjà récupéré le ballon dans les cinq secondes.»

Principe de base du système Guardiola, qui consiste à presser pour une récupération ultra-rapide, la règle des cinq secondes reste immuable. Comme d’autres et des centaines d’autres consignes, combinaisons et cours donnés à ses joueurs sur vidéo ou paperboard. Pas pour rien que, malgré ses défauts, Pep Guardiola se fait parfois appeler “professeur.”

Antoine Bourlon