griezmann (antoine) (P.Lahalle/L'Equipe)

Grizou, le gros coup de mou : focus sur les inquiétudes autour d'Antoine Griezmann avec l'équipe de France

Comptablement parfaite, la Coupe du monde de l'équipe de France comporte néanmoins quelques points d'inquiétudes. À commencer par l'état de forme d'Antoine Griezmann. Décryptage de notre envoyé spécial en Russie auprès des Bleus.

Didier Deschamps a osé. Pour la deuxième fois en autant de rencontres, le sélectionneur a rappelé prématurément Antoine Griezmann sur le banc face au Pérou (1-0). Ces gestes ne sont jamais anodins avec l’entraîneur français, surtout envers un leader. DD a bien essayé d’enlacer son «Grizou» sur le bord de la pelouse d’Ekaterinbourg. Mais la star tricolore avait la tête dans le gazon. Ces deux signaux successifs ne sont pas bons. Il n’est pas sorti à vingt, puis dix minutes du terme à deux reprises pour être ovationné. La vedette de l’Atlético était énervée dans l’Oural, comme à Kazan. Contre Deschamps un peu, probablement. Contre lui, plus sûrement. L’attaquant est assez lucide et fin connaisseur du jeu, de ce qu’il peut et sait faire, pour s’en vouloir. Tout le monde l’a vu. Ses partenaires l’ont aussi souligné après l’Australie alors qu’il avait été curieusement élu «Homme du match». Mais pas de nouvelle blague de la FIFA contre les Péruviens qui ont bien «maté» offensivement le leader tricolore.

Débat : Faut-il s'inquiéter des performances d'Antoine Griezmann ?

Une influence qui a décliné

Replacé derrière Olivier Giroud dans le 4-2-3-1 relancé par Deschamps, il a pourtant vite essayé de jouer entre les lignes en début de match. Sa complicité retrouvée avec l’attaquant de Chelsea n’a duré qu’un bon quart d’heure avec deux frappes, une bien cadrée et la suivante dévissée, sur deux remises du numéro 9 tricolore. Son influence a ensuite décliné malgré une déviation opportune pour Lucas Hernandez, son compère de l’Atlético Madrid, juste avant la pause.

Le leader technique a donc été incapable de passer la seconde pour accélérer le jeu offensif des Bleus surtout en deuxième période. «Le petit regret est de n’avoir pu mettre un but de plus en première période, a souligné Deschamps. Il nous aurait sans doute permis de mieux gérer la suite. Mais on a eu trop de mal à ressortir. Ça nous a obligés à défendre. Mais j’ai senti que toute l’équipe était impliquée. Après, Antoine et Olivier ont eu tellement l’habitude de jouer ensemble, que l’un fasse marquer l’autre. Ils se connaissent bien. Ils utilisent leurs qualités au profit de l’autre. Olivier en pivot et Antoine qui tourne autour.»

Griezmann n'est pas encore entré dans sa Coupe du monde

Mais le satellite de Giroud s’est évanoui en avançant dans la rencontre. Contrairement à son acolyte offensif, bien dans son jeu que ce soit lors de son entrée face à l’Australie ou la titularisation qui vient de suivre face au Pérou, Antoine Griezmann n’est pas encore entré dans son Mondial sinon son penalty – qu’il s’était toutefois procuré et qu’il a parfaitement transformé – face aux Kangourous. «Grizou» n’est pas dans le coup avec ses deux prestations largement en dessous de sa moyenne habituelle. «Mais Antoine a eu une longue saison qui a été éprouvante, l’a défendu Olivier Giroud après le Pérou. Il a joué énormément de matches (61 à ce jour). C’est vrai qu’il se sent peut-être un peu moins bien physiquement. Quand on a un peu moins de jambes, c’est moins évident d’être à l’aise sur le terrain. Mais il reste très important pour nous avec son intelligence de jeu et son sens de la passe. Il aurait même pu marquer face au Pérou avec un peu plus de réussite. Mais il sait se gérer. Il va revenir en forme pour la suite de la compétition. Je pense, j’espère qu’il va monter en puissance. Ça avait déjà été le cas à l’Euro. Je ne me fais pas plus de soucis pour lui. »

Pour le moment, le fantôme du maître à jouer tricolore ne soutient pas la comparaison avec les autres cadres dans le coup que sont Lloris et Varane en défense ou Kanté et Pogba au milieu. On se souvient alors comme un retour de boomerang de ses paroles au début du printemps dans lesquelles il repoussait «le rôle de leader». À 27 ans, 56 sélections pour 21 buts, il doit pourtant assumer. Le côté rassurant de cette situation est que son début d’Euro 2016 avait également été poussif avant que «Grizou» refasse les quatre cent coups. DD l’avait aussi piqué au deuxième match en le mettant sur le banc face à l’Albanie à Marseille (2-0). Il était alors entré et avait marqué pour enchaîner sur un titre de meilleur buteur (six réalisations) et joueur de l’épreuve.

«Il reste très important pour nous avec son intelligence de jeu et son sens de la passe. Il aurait même pu marquer face au Pérou avec un peu plus de réussite.» Olivier Giroud sur Antoine Griezmann.

Sa prolongation à l'Atlético a brouillé son image

Ce Championnat d’Europe à domicile lui avait donné une autre dimension. Le personnage avait pris plus d’épaisseur. Sauf qu’en Russie, on le voit plus en dehors des clous sur le petit écran que sur le rectangle vert. Ses mises en scène autour de son avenir ont plus brouillé son image que renforcé l’influence du joueur dans la maison bleu. Le timing était mal choisi tout comme cette mise en scène que Didier Deschamps a curieusement laissé faire. Son documentaire «La Decision», passé en prime time en Espagne, a été suivi par sa signature officielle au sein du camp de base d’Istra entre les deux premiers matches du premier tour. D’après l’entourage tricolore, DD aurait ouvert la porte aux dirigeants de l’Atlético Madrid pour que son leader ait l’esprit plus libre en régularisant définitivement sa prolongation (jusqu’en 2023 à hauteur de 20M€ par saison) avec les Colchoneros. Mais il n’a pas été beaucoup plus convaincant face aux Péruviens...

Remplacé par un "coiffeur" face au Danemark ?

Le 4-2-3-1 devrait pourtant lui être plus favorable surtout avec Giroud. On est curieux de voir ce que va décider DD pour la dernière rencontre contre le Danemark. Les Bleus sont d’ores et déjà qualifiés pour les huitièmes de finale mais ils peuvent aller chercher la première place de ce Groupe C. Le sélectionneur tricolore pourrait laisser souffler «Grizou» au profit de Nabil Fekir en meneur, voire remettre Thomas Lemar en selle. Mais ce choix pourrait être mal interprété par le joueur. La caravane médiatique relancerait également un débat délicat au sein même du groupe France. Actuellement, celui qui reste néanmoins le vrai leader technique des Bleus a surtout besoin de confiance. Il ne peut pas être remplacé par un «coiffeur». Avant la Coupe du monde, il est déjà passé par le salon. Il s’est rasé les cheveux de près comme pour aller à la guerre en Russie. Mais sur ses deux premiers matches, la France l’attend encore à la pointe du combat.

François Verdenet, à Ekaterinbourg