rulli (geronimo) (N.Luttiau/L'Equipe)

Geronimo Rulli, dernier grand cru de l'Hérault

Dix jours à peine après ses débuts sur la pelouse de Bordeaux (1-1), Geronimo Rulli va connaître son premier choc face à Lyon ce mardi. Mais qui est donc ce néophyte de la Ligue 1, bien connu des adeptes de Football Manager et premier gardien étranger à porter les couleurs de Montpellier ?

A Montpellier, la saison sportive touchait à peine à sa fin que l’on ne se faisait guère plus d’illusion quant au devenir de Benjamin Lecomte. Lorgné par le Barça, le néo-Monégasque sortait de deux exercices de haute volée dans l’Hérault, s’ouvrant même les portes de l’équipe de France. Mine de rien, débusquer une relève digne de ce nom n’était pas chose aisée, et la difficulté de combler un tel vide explique sans doute l’attentisme de la cellule de recrutement jusqu’au mois d’août. Bruno Carotti a exploré moult pistes (Olsen, Livakovic, Didillon), avant d’opter pour Geronimo Rulli. Un choix logique si l’on prête une oreille attentive à l’entraîneur des gardiens Teddy Richert, questionné par le Midi Libre : «Notre priorité était de prendre un gardien expérimenté et de haut niveau». Et le MHSC s’est en effet offert un garçon rompu aux joutes de la Liga, Rulli comptant 150 rencontres sous la tunique de la Real Sociedad.

A Anoeta, Rulli n’était pourtant plus en odeur de sainteté. La faute à Alex Remiro, nouvel arrivant en provenance du voisin bilbayen. Directeur de Radio Marca, Yon Cuezva détaille : «La Real Sociedad avait conclu l’opération Remiro fin 2018, à un moment où Rulli était dans une très mauvaise passe. Remiro était gratuit et a un fort potentiel, les dirigeants ont estimé qu’il était préférable de miser sur lui.» Invité à faire ses cartons, l’Argentin se tient à l'affût des offres concrètes. Et si ses prétendants sont de prime abord d’un autre acabit que Montpellier (Porto, Benfica, Monaco), le joueur préfère temporiser. «Il est parti tard parce qu’il voulait faire la pré-saison avec Luis Llopis (entraîneur des gardiens de la Sociedad, ndlr). C’est un homme qui a beaucoup compté pour lui», enchaîne Yon Cuezva. Les Héraultais, flegmatiques, patientent jusqu’à se retrouver seuls sur le dossier.

Attaché à ses racines

Pour cet enfant de la Plata, à cinquante kilomètres au sud de Buenos Aires, le ballon rond est au coeur de la vie familiale. Et l'accompagnement paternel dans la progression du petit Gero est de tous les instants. Gabriel Lopez, proche des Rulli et journaliste argentin, ouvre la boîte à souvenirs. «Son père, Omar, est bénévole pour l'Estudiantes. Il s’occupe de l’encadrement des jeunes notamment. Forcément, Geronimo rêvait au plus profond de son âme de jouer en équipe première. Le Country de City Bell (centre d’entraînement de l’Estudiantes, ndlr), c’était sa deuxième maison.» Quand les gamins du quartier calquent les mimiques de Gabriel Batistuta ou Ariel Ortega, lui n’a d’yeux que pour le gardien local, Nicolas Tauber. «Peut-être que Rulli en a fait son idole parce qu’il était un miroir de ce à quoi il aspirait», songe Gabriel Lopez. Un attachement semblable à celui de l’enfant du club et actuel président, Juan Sebastian Veron.

A force de travail et de persévérance, Geronimo Rulli finit par incorporer le groupe professionnel, ses dix-neuf bougies juste soufflées. Trois saisons durant, il fait la pluie et le beau temps du quadruple vainqueur de la Copa Libertadores. «Il s’est très rapidement adapté à l’équipe première, à tel point qu’on avait l’impression qu’il y avait passé toute sa vie, s’engoue Marcelo Salinas, entraîneur des gardiens à l'Estudiantes. Malgré tout, c’est un garçon arrivé à maturité tardivement, autant sur le plan physique que technique.» Suffisant, tout de même, pour que des émissaires du Vieux Continent lui fassent les yeux doux. En 2014, il passe deux mois à Maldonado en Uruguay, qui le prête illico à la Real Sociedad. Rulli ne reposera jamais le pied en Amérique Latine.

«Il s'est très rapidement adapté à l'équipe première, à tel point qu'on avait l'impression qu'il y avait passé toute sa vie» (Marcelo Salinas, entraîneur des gardiens à l'Estudiantes)

Un gardien qui divise en Espagne

Si le portier finit par s’établir durablement au Pays basque, c’est qu’il devient entre temps un dernier rempart de choix d’une formation cantonnée au ventre mou depuis le départ de sa superstar Antoine Griezmann. Titulaire inamovible jusqu'en 2018, il paye ensuite les pots cassés de la venue de Miguel Angel Moya, et la concurrence se fait plus rude. Malgré les vingt-sept matches de Liga disputés, sa dernière saison sous le maillot txuri-urdin laisse présager une fin de cycle. «Lors des premiers matches, il a commis énormément d’erreurs et a logiquement été envoyé sur le banc. Mais Moya s’est blessé en janvier, et il a ensuite été très bon lors des quinze derniers matches de Liga», précise Oscar Badallo, correspondant de Marca à San Sebastian.

En revanche, la personnalité de cet homme au grand cœur fait consensus. Et ce depuis sa plus tendre enfance. «Geronimo avait beaucoup d’amis, car sa bonne personnalité excédait les limites du terrain», narre Gabriel Lopez. «Il y a une histoire qui a beaucoup circulé sur Internet avec un petit garçon, Danel, que Xabi Prieto lui a présenté lors d’un entraînement. L’enfant avait un cancer, Rulli lui a donné son numéro de téléphone et ils s’appelaient régulièrement», poursuit Yon Cuezva. Reste que ce mardi, c'est sur le rectangle vert que le joueur aux deux sélections avec l'Albiceleste est attendu, face à une armada lyonnaise décidée à n'épargner personne. Gageons la même réussite que son compatriote de l'OGC Nice Walter Benitez, l'autre enfant de la province de Buenos Aires qui a fait son trou dans le petit monde de la Ligue 1.

Avec Geronimo Rulli, Montpellier tient en tout cas un gardien possédant un profil dans la continuité de son prédécesseur, Benjamin Lecomte. «Il est doté de très bons réflexes et a un excellent jeu au pied», assure Oscar Badallo. Pour preuve, l’an dernier en Liga, il était le troisième gardien avec le plus grand nombre de passes réussies, juste derrière Ter Stegen et Pau Lopez. Et Yon Cuezva de renchérir : «C’est un gardien très sûr, très réactif et agile sa ligne. Il parle énormément avec sa défense.» Co-rédacteur en chef du site Furia Liga, Benjamin Bruchet émet plus de réserves sur sa compatibilité avec la Ligue 1 : «Je mets un bémol sur sa lecture des ballons aériens, qui n’est clairement pas sa force première. Et quand on connaît l’importance des centres et des coups de pieds arrêtés en France... Sa réputation flatteuse tient de sa signature à City (où il n’a jamais joué, ndlr) et d’avoir été annoncé proche du Napoli, mais il était selon moi hors du classement des meilleurs gardiens de Liga l'an dernier.»

«Geronimo avait beaucoup d'amis, car sa bonne personnalité excédait les limites du terrain» (Gabriel Lopez, journaliste et ami de la famille)

Corentin Rolland