larsonneur (gautier) (J.Prevost/L'Equipe)

Gautier Larsonneur (Brest) : «Marin pêcheur, c'est un art de vivre»

À 22 ans, Gautier Larsonneur découvre la Ligue 1 avec Brest, lui qui a fait son entrée il y a très peu de temps dans le monde pro. Mais il reste surtout un enfant du coin, marqué par une enfance rythmée par la mer et la pêche. Et qui ont forgé son caractère. Le gamin du Conquet raconte plusieurs épisodes forts de sa vie et de sa carrière.

Le jour où il a démarré le foot, à l'AS Plougonvelin
«J'avais eu droit à une dérogation pour commencer un peu plus tôt le football tellement je bassinais ma famille pour aller y jouer. J'ai des souvenirs de mes premiers matches sur les terrains de benjamins, en travers. C'est là où tout a commencé. J'étais surclassé avec des plus grands. Je connaissais pour la première fois des buts en dur, avec des poteaux et une barre. C'est au cours de l'un de ces matches que j'ai vraiment pris goût au métier de gardien. Ça m'a donné l'envie de continuer. J'aime beaucoup aller dans le champ, participer au jeu. Mais, dès le début, je savais que je voulais être gardien. Cela a commencé lors de repas de famille où j'avais des grands cousins, plus vieux de 10-15 ans, qui n'avaient jamais de gardien (dans leur équipe). Du coup, ils mettaient un plus jeune, et c'était moi. J'y ai pris goût. Des modèles ? Fabien Barthez m'a beaucoup marqué et inspiré de par sa classe et ses performances. J'aimais beaucoup le jeu de Pascal Olmeta, et ce qu'il dégageait. Quelqu'un qui a un peu révolutionné le métier de gardien.»

Le jour où il a encaissé un but casquette étant plus jeune
«Comme je le disais, j'aime beaucoup participer au jeu donc il m'est arrivé parfois de prendre le ballon et d'essayer de dribbler. Je me suis fait prendre le ballon une ou deux fois. On a pris quelques buts. Ça m'a un petit peu marqué et je me suis calmé par la suite.»

«Quand ton père part en mer à deux heures du matin...»

Le jour où il a rejoint le Stade Brestois
«Je devais avoir dix ou onze ans. Je jouais à l'AS Plougonvelin et il y avait un des dirigeants de Brest qui venait de la commune. On m'a demandé d'aller faire un essai. Je l'ai fait durant deux ou trois rassemblements. Puis un tournoi. Tout a été concluant et j'ai du coup pu rejoindre le Stade Brestois. Je devais être en sixième. Mais pendant deux ans, je ne me sentais pas prêt comme garçon à partir à Brest pour rejoindre un internat. Peu d'enfants se sentent prêts à cet âge-là. C'était à trente minutes de là où j'habitais. J'ai fait les voyages trois fois par semaine pour aller m'entraîner. Avec mes parents qui mettaient ça en œuvre pour que je puisse y aller. Et, en quatrième, j'ai rejoint l'internat.»

Le jour où il a imaginé suivre les traces de son père, marin pêcheur
«Tous les étés, plus ou moins, je suivais son métier. Durant la trêve qu'on avait, je possédais un petit bateau de pêche avec lequel j'allais pêcher en me levant à six heures. Je faisais ma vie de pêcheur amateur. C'est un métier qui m'a façonné, qui me façonne encore, qui me fascine, aussi. C'est un art de vivre. C'est important aussi de garder ça en tête. Quand tu rentres la nuit d'un déplacement où tu as perdu, et que tu vois que tout s'effondre, tu te dis que ce n'est peut-être pas le plus important quand ton père part en mer à deux heures du matin. C'est un métier qui est toujours en moi. Durant mes études, je m'étais fixé des objectifs. Quand j'ai eu mon bac ES, je me suis donné deux à trois ans pour devenir footballeur professionnel. J'avais plus ou moins mis les cours de côté, même si je travaillais par exemple l'anglais avec des cours adaptés à côté. Le métier de mon père me plaisait mais j'avais essayé de tracer mon chemin par les études. Au départ, je voulais devenir kiné, avant de mettre ça de côté pour le football. Mais aujourd'hui, j'ai toujours la pêche en moi. Cela m'arrive de temps en temps d'y retourner.»

Le jour où il est parti en mer avec son père
«Quand j'étais plus jeune et que j'avais des vacances d'écoliers, j'y allais deux ou trois fois. On partait à deux heures du matin, on revenait vers 17-18 heures. Des moments magnifiques. Tu es un peu seul au monde. Tu découvres ce que ton père fait. J'avais ça en moi. Cela représente la valeur du travail. Sans travail, on ne peut arriver à rien, surtout quand tu es gardien. C'est aussi beaucoup d'abnégation. Le travail et la force mentale me sont dûs à cet entourage que j'ai. Ça permet de conserver les pieds sur terre, ne pas oublier de là où tu viens et les valeurs importantes dans la vie pour ne pas faire n'importe quoi.»

«En mer, tu es un peu seul au monde. Tu découvres ce que ton père fait»

«Faussurier commence à devenir un bon pêcheur»

Le jour où il a pris un 0 en dictée
«Malheureusement, j'en prends toujours, parce que je suis très, très mauvais en orthographe. C'est un de mes gros défauts, je suis toujours obligé de faire vérifier. J'étais bon dans ce qui était mathématiques ou économie. Mais en orthographe, oui, j'en ai pris des zéros.»

Le jour où il a pêché son plus gros poisson
«Ce n'était pas le plus gros mais c'était ma plus grande fierté : j'étais en train de pêcher pendant que mon père rentrait de mer et avec ma canne à pêche, j'avais remonté un bar à la ligne sur le port. Tous les clients de ma mère (NDLR : Après la pêche du père, c'est la mère de Gautier Larsonneur qui vend les produits sur le port), qui étaient en train d'acheter des poissons, me regardaient. J'étais tout petit, et donc très fier de moi. Aujourd'hui, le soir, souvent, quand on n'a pas entraînement l'après-midi, je passe au port voir mes parents. Et s'il y a nécessité pour vendre, j'aide. Mais c'est aussi pour prendre l'air : c'est un bol d'air, de fraîcheur et d'ondes positives quand je rentre au port du Conquet.»

Le jour où il a emmené des coéquipiers à la pêche
«Il y en a un qui a bien accroché et qui a même acheté une maison au Conquet : c'est Julien Faussurier. Lui aussi, il est au port tous les soirs pour aller voir mes parents et les aider si besoin. Et, ça va, il commence à devenir un bon pêcheur (il sourit). Il faut qu'on y retourne pour remettre les choses au clair et voir qui est le meilleur. D'autres ? Quelques-uns ont accroché dans le vestiaire dans les années précédentes. Certains aiment bien découvrir et voir le mode de vie que c'est.»

Le jour où on lui a dit qu'il n'était pas fait pour le haut niveau
«Ce sont certaines personnes au centre de formation ou certains dirigeants de l'époque qui m'avaient plus ou moins dit que ça allait être compliqué. Qu'il fallait s'accrocher et que je n'étais peut-être pas fait pour le haut niveau. Mais j'ai cru en moi. J'ai montré des facultés que d'autres n'avaient peut-être pas forcément. Mais j'avais réussi à signer professionnel en tant que troisième gardien. On m'a dit que je ne pouvais pas jouer en CFA 2, je l'ai fait ; On m'a dit que je ne pouvais pas jouer en Ligue 2, j'ai joué en Ligue 2. Certaines personnes n'ont pas cru en moi, d'autres oui. Ces dernières m'ont donné du courage et m'ont fait croire en moi.»

«Les Jeux Olympiques, un bel objectif»

Le jour où il a saisi sa chance en professionnels pour ne plus jamais être délogé, le 8 août 2017 lors d'un premier tour de Coupe de la Ligue face au Paris FC
«On ne m'a plus ou moins jamais dit que j'allais jouer (il sourit). On n'était plus que deux à l'entraînement avec le gardien du centre de formation. Julien (Fabri) s'était déplacé et Donovan (Leon) était en négociation pour un contrat. Le dimanche matin, on m'a dit que j'allais débuter. Je me suis dit que c'était parti et que c'était peut-être ma seule et unique chance de jouer en professionnels. On fait 0-0, j'ai la chance d'arrêter deux tirs au but mais on a malheureusement été éliminés. Pour moi, c'était un grand moment. Il marquera ma carrière au Stade Brestois. La saison dernière, le soir de la montée en Ligue 1, je crois que j'avais validé mon 77e match de rang ! Si c'est compliqué à gérer ? Oui et non. Oui parce que ce sont des matches que tu n'as jamais joués auparavant et que tu découvres. Ensuite, non, parce qu'il n'y avait pas de réflexion à avoir ; Il fallait que je fonce. On ne m'attendait pas là, j'avais tout à gagner.»

Le jour où il a été appelé en équipe de France Espoirs
«C'était pour aller au Kazakhstan et au Monténégro. Quand je l'ai appris, c'était un peu bizarre parce que je savais que j'allais être appelé en équipe de France mais pour les U20. Au dernier moment, je suis passé chez les Espoirs. J'étais étonné, mais super content. Ça m'a permis de découvrir des joueurs de Ligue 1, mais aussi l'exigence internationale. Maintenant, il y a les Jeux Olympiques en fin de saison. C'est un bel objectif qui va me pousser à me surpasser pour aller chercher cette convocation (NDLR : L'équipe de France olympique concerne les joueurs de 23 ans et moins)

Le jour où il a commencé à baisser les shorts des gens*
«(Il rit) Malheureusement, j'ai pris l'habitude d'Anthony Weber (NDLR : ancien coéquipier à Brest, depuis parti à Caen) qui me l'a fait plusieurs fois. À la fin, ça m'a un peu turlupiné donc je faisais ça aux autres. Et ça m'est arrivé de le faire en sélection. Ce n'était pas passé inaperçu. Ç'avait été pris à la bonne rigolade par beaucoup de personnes. C'est pour chambrer. Tu fais ça aux personnes que tu apprécies. Pas à n'importe qui non plus... Je vous rassure, je ne vais pas le faire au sélectionneur (il éclate de rire)

*Anecdote soufflée par Paul Bernardoni, son ancien coéquipier en équipe de France Espoirs. Les deux portiers sont restés proches.

Gautier Larsonneur lors du dernier Euro Espoirs. (P.Lahalle/L'Equipe)

«Brest-Rennes ? Monsieur Turpin a eu la lucidité et l'intelligence de savoir se déjuger».

Le jour où lui et ses coéquipiers ont fait pression sur Monsieur Turpin*
«Déjà, le débat n'aurait jamais eu lieu si le boulot avait été fait en temps et en heure d'un point de vue arbitral. Monsieur Turpin ne savait pas ce qu'il s'était passé, il demandait l'aide de la VAR. Et je ne pense pas qu'ils ont vérifié les choses. Ça ne l'a pas aidé. Ç'a fait un imbroglio : but refusé, puis accepté, puis refusé. On n'a pas du tout fait pression, on voulait simplement voir que l'action avait été vue. Le souci n'est pas la décision de Monsieur Turpin mais les décisions en amont qui n'ont pas été faites dans le bon ordre. Monsieur Turpin a eu la lucidité et l'intelligence de savoir se déjuger. C'est tout à son honneur. La VAR fait partie du football moderne. Il faut que ce soit fait de manière plus intelligente. Les gardiens, on nous dit de ne pas avancer de notre ligne sur un penalty. Hier (NDLR : L'interview a été réalisée mercredi dernier), un penalty a été arrêté, le gardien était 1,50 mètre devant la ligne (NDLR : Ter Stegen, à Dortmund).

Tous les arbitres n'ont pas le même bouquin, je ne sais pas... Les mêmes règles ! La VAR est une très bonne chose, mais toutes les décisions doivent être harmonisées et sur une même base de réflexion.»

*Le week-end dernier, lors de Brest-Rennes, un imbroglio a eu lieu après un but rennais. Certains reprochant aux Brestois d'avoir fait pression sur le corps arbitral pour que ce dernier aille consulter la VAR.

Le jour où son Stade Brestois se maintiendra en fin de saison
«On ira au Penalty (NDLR : Un bar brestois) fêter ça avec les supporters ! Pour l'instant, on n'a perdu qu'un match, on est invaincu à domicile même s'il n'y a que cinq journées de disputées. On sait que la saison sera très longue, avec des matches couperets qui pourraient nous faire basculer dans le bon wagon du Championnat. Il faudra surtout ne pas perdre nos valeurs. La preuve, contre Nîmes, on en a perdu certaines et on a pris 3-0. Si on arrive à garder notre identité et notre force collective, je pense qu'on peut réaliser de belles choses et aller décrocher ce maintien tous ensemble en fin de saison.»

Timothé Crépin