Gaëtan Charbonnier a marqué pour Brest. ( - ) V.Michel L'Equipe (V.Michel/Lâ?™Equipe)

Gaëtan Charbonnier, meilleur buteur de Ligue 2 avec Brest : «On m'a souvent reproché d'être caractériel, d'être hautain»

Meilleur buteur de Ligue 2 avec un Stade Brestois qui a validé sa montée, Gaëtan Charbonnier réalise la meilleure saison de sa carrière. Il le dit dans une interview sans filtre et instructive sur un attaquant qui a retrouvé du plaisir en Bretagne.

«Brest a validé sa montée vendredi dernier. On vous imagine plus détendu...
Plus détendu, oui. On a enfin atteint le Graal. Après, on n'était pas non plus stressé par rapport à la fin de saison. On ne s'est pas senti essoufflé. On était sûr de nos forces, de ce qu'on avait fait depuis trois ans. C'est l'aboutissement de tout un travail.

Racontez-nous cette soirée de la montée. Forcément festive ?
Oui, festive, plus longue pour certains que pour d'autres. C'était une très bonne soirée. Émotionnellement, c'était vraiment fort de vivre ça avec tout le monde, nos familles, nos supporters.
 
Avez-vous senti que ce club avait attendu trop longtemps avant de retrouver la Ligue 1 ?
Oui, il a attendu longtemps. Mais les deux saisons précédentes, le club avait craqué dans les dernières journées. L'année dernière, on n'avait pas su sortir des play-offs. Là, on avait à cœur de ne pas aller aux play-offs, c'est chose faite.
 

«C'est la meilleure saison de ma carrière, je ne vais pas le cacher»

Qu'est-ce qui a changé en 2018-19 ?
Le groupe a appris de ses erreurs, il n'a pas beaucoup changé, il a pris en maturité et ça nous a fait gagner des rencontres. Il y a des matches où on était moins bien. On a su faire le dos rond et contrer. C'est là où on avait peiné les années précédentes, surtout la saison dernière face aux "petites" équipes à domicile. Une montée se gagne aussi à domicile, on a quasiment fait un sans-faute avec deux défaites et un nul il me semble (NDLR : Treize victoires, quatre nuls et deux défaites pour être précis).
 
Lire :
Prof d'histoire, pirates, Mohamed Henni, nudiste, chasseur, Patrick Sébastien, 3,14 : Haris Belkebla présente les joueurs du Stade Brestois

Samedi dernier, Haris Belkebla nous a présenté le vestiaire et le groupe du Stade Brestois. On a alors senti une vraie bonne entente. Ça aussi, cela fait des différences...
Oui, humainement, c'est un groupe qui vit très bien. Ce groupe mérite amplement cette montée. Mais ce n'est pas que le groupe de cette année, c'est dans la continuité des années précédentes. C'est à l'image de notre staff, et de notre coach.

Si la saison de Brest a été faste collectivement, elle l'a également été pour vous individuellement. Comment jugez-vous votre saison ?
Je ne peux que la juger exceptionnelle. C'est la meilleure saison de ma carrière, je ne vais pas le cacher. Mais comme je ne cesse de le répéter, on ne fait jamais rien tout seul. S'il n'y a pas toutes ces personnes au quotidien, qu'on n'est pas mis dans les meilleures conditions, on n'a pas forcément le même rendement. Je viens apporter ma pierre à l'édifice par rapport à tout ce qu'il se fait depuis deux ou trois ans au quotidien. De l'intendant, toutes les personnes qui gèrent le vestiaire, à tout le groupe.
 
Personnellement, qu'est-ce qui a pu changer ?
Rien n'a vraiment changé. Je n'ai pas changé grand-chose. Je vis dans un groupe où je me sens comme chez moi. Il n'y a pas un jour où je ne suis pas content d'aller voir mes potes. Ça, ça change complètement la donne. C'est aussi la qualité du jeu proposé par le coach, ce sont ses principes de jeu, les personnes qui m'entourent. C'est un tout. Aujourd'hui, j'ai trouvé en ce groupe et en ce coach ce qui m'allait le mieux au niveau sportif. C'est tout de suite beaucoup plus plaisant. J'avais à cœur de faire au moins mieux que la saison dernière (NDLR : neuf buts). J'ai vite atteint mon objectif. Même si Pado (NDLR : Michel Padovani, entraîneur-adjoint) m'en avait fixé un autre...

«Il n'y a pas un jour où je ne suis pas content d'aller voir mes potes»

«Furlan ? Les joueurs, on trouve ça illogique»

Lequel ?
Quinze buts. Même à la trêve, c'était déjà fait. Je lui ai dit, "écoute, on continue, on verra jusqu'où cela nous mène". Ça nous a mené là-haut, tant mieux.
 
Vous disiez avoir trouvé ce qui vous allait le mieux. En quoi ?
Le coach, par ses principes. Il a un staff qui l'épaule parfaitement. Le coach l'a déjà dit, je me laisse "naviguer" avec mes humeurs. Pado est aussi là pour amener du liant à tout ça. Le coach en fait beaucoup aussi. C'est un tout. C'est une osmose totale qui fait que je suis très bien comme ça. Il faut savourer parce que, malheureusement, c'est sûrement la fin de cette histoire.
 
Vous parlez de Jean-Marc Furlan (NDLR : L'interview a été réalisée mardi dernier, la veille de l'officialisation du départ de Brest par Jean-Marc Furlan) ?
Oui, sûrement...
 
Que pensez-vous de cette situation ?
Nous, joueurs, on ne la comprend pas. On trouve ça illogique, de part le travail effectué depuis trois ans. Depuis trois ans, les résultats sportifs sont meilleurs d'une année à l'autre. Et, surtout, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il a ramené une identité au club, à laquelle tout le monde s'attachait. On était en symbiose totale avec tout ça, on l'a montré la saison dernière et cette saison. Le coach a raison quand il dit qu'on vient au stade pour vivre des émotions. C'est ce qu'il se passe.

Pensez-vous qu'il paye une certaine étiquette au sujet de ses résultats moyens en Ligue 1 ?
Peut-être qu'il l'a paye. Mais tout le monde apprend avec les années. Je pense qu'il a les qualités pour entraîner là-haut. Ce groupe tout entier avait les qualités pour aller plus haut.

Comment avez-vous envie de nous décrire sa méthode ?
On s'entraîne beaucoup. C'est beaucoup axé sur le jeu, essentiellement sur le jeu offensif, les relations entre nous, le jeu sur les côtés. C'est quelqu'un de réfléchi. Sur le terrain, on ne fait jamais rien à la va-vite, on a des schémas de jeu qu'on met en place et qu'on travaille tout au long de l'année. Quand on arrive le week-end, c'est beaucoup plus facile.

Au sujet de vos humeurs, Haris Belkebla disait de vous que vous pouviez être ronchon. Diriez-vous que vos humeurs sont une force ?
Je l'ai toujours pris comme une force. Mais certains coaches ont pris ça comme des défauts.

Qu'avait-on pu vous reprocher ?
On m'a souvent reproché d'être caractériel, d'être hautain. On ne peut pas juger quelqu'un sur ce qu'on voit comme ça. Il faut apprendre à connaître. C'est là, aussi, où je me sens très bien. Ce coach m'a beaucoup apporté là-dessus, il me parle beaucoup, ça m'aide aussi.

«Je pars du principe, aussi, que j'ai sûrement fait des choses qu'il ne fallait pas»

Vous avez 30 ans, cette saison est-elle une revanche sur le passé ?
Non, j'ai déjà dit que je n'étais pas revanchard sur ce qu'il s'était passé avant. Je pars du principe, aussi, que j'ai sûrement fait des choses qu'il ne fallait pas. J'ai aussi ma part de responsabilité. Après ma blessure (NDLR : en février 2017, au ligament croisé), j'avais surtout à cœur de retrouver un projet où j'allais prendre du plaisir, vivre avec un groupe qui allait me redonner énormément d'émotions et de plaisir au quotidien. C'est ce que j'ai trouvé ici, et je ne peux que les en remercier tous. Tout ça, c'est aussi grâce à eux.

Ce plaisir, l'aviez-vous perdu à Reims (2013-2017) ?
Oui, complètement. Il y avait ma blessure, mais il s'est passé beaucoup de choses en interne. Je ne vais pas m'étaler là-dessus, je ne suis pas là pour casser des œufs. Je n'oublie pas. C'est quelque chose qui fait aussi grandir. On fait tous des erreurs, il faut savoir aussi se regarder dans une glace et se dire que j'apprends et qu'on avance, c'est tout.

Par le passé, à Montpellier, la comparaison avec Olivier Giroud vous agaçait. A Reims, on vous disait souvent que vous étiez nonchalant. De tout ça, finalement, est-ce la preuve qu'un footballeur peut aussi mûrir pour parvenir à être en pleine possession de ses moyens à 30 ans ?
Oui, on peut dire ça. J'ai avancé à mon rythme, sans m'occuper du reste. Concernant les comparaisons... Comparer, dans le football, je ne sais pas si c'est vraiment une bonne chose. Vous, la presse, vous êtes bien obligé de comparer, c'est aussi votre travail... Il y a plein de comparaisons qui sont faites mais qui n'ont pas forcément lieu d'être. C'est une étiquette qui m'avait été collée et on m'attendait sur un registre qui n'était pas le mien. Ça fausse tout. Les gens lisent, se font des idées sur ce qu'ils lisent et attendent... C'est comme ça, j'ai fait avec, aujourd'hui je suis content d'avoir retrouvé un coach qui me donne la pleine possession de mes moyens.

Aujourd'hui, où vous sentez-vous le plus à l'aise sur un terrain ?
Il y a jouer numéro 9, rester devant et attendre devant ; et jouer numéro 9 tout en allant participer au jeu sans qu'un coach ne te dise non là-dessus. Je joue numéro 9. Mais j'ai une totale liberté offensivement. Je peux aller à droite, je peux aller à gauche, je peux revenir dans le cœur du jeu. Je ne suis pas là à rester devant à attendre. Et j'ai aussi les joueurs, autour, qui font aussi que je peux me décaler, puisqu'ils peuvent prendre ma place dans l'axe. Au niveau sportif, depuis que je suis arrivé, ce sont mes meilleures années.

«Le Trophée UNFP du meilleur joueur ? Avec la saison j'ai envie de dire oui»

Dimanche ont lieu les Trophées UNFP. Gaëtan Charbonnier meilleur joueur, c'est possible ?
Avec la saison, j'ai envie de dire oui. Ce sont les joueurs qui ont voté, on verra bien ! Quoiqu'il arrive, ça n'enlèvera pas ma saison.

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Tous les nommés des Trophées UNFP

Désormais, puisque vous êtes en train, selon vos mots, de réaliser la meilleure saison de votre carrière, le prochain challenge est-il de pouvoir confirmer ça en Ligue 1 ?
La priorité n'est pas forcément de faire ma meilleure saison en Ligue 1 mais de pérenniser le club en Ligue 1. Comme je l'ai dit, il va sûrement y avoir un nouveau coach, il va donc falloir sûrement s'adapter à un nouveau discours. Est-ce que je ferai ma meilleure saison en Ligue 1 ? Je ne sais pas. Il faudra voir à la reprise comment cela va se passer, tout simplement.

Allez-vous rester à Brest ?
J'ai trois ans de contrat, donc je suis parti pour rester à Brest. Après, vous savez, ça va tellement vite dans le football...»

Timothé Crépin