honorat (franck) (J.Prevost/L'Equipe)

Franck Honorat (Brest) : «Je ne savais pas que je pouvais marquer autant !»

Arrivé avec l'étiquette de transfert le plus cher de l'histoire de Brest, Franck Honorat retrouve son ancien club, l'ASSE. Pour FF, le milieu droit des Bretons s'est arrêté quelques minutes pour parler de la situation sanitaire, de sa pensée positiviste et de son coach Olivier Dall'Oglio.

«Comment vivez-vous cette période pour le moins anxiogène ?
C’est un peu compliqué. On passe des tests PCR chaque semaine, depuis deux matches, on joue sans supporters... Ça commence à devenir pesant pour tout le monde, surtout depuis l’annonce du reconfinement. En tant que footballeur, on aimerait bien que nos supporters reviennent. Quand on dit que c’est le douzième homme, bah c’est la vérité. Si on fait match nul ou qu’on doit tenir un score, ils nous aident à pousser et à faire les efforts à la fin. C’est triste cette période... J’espère que ça va vite se terminer.
 
Vous dites ça pour leur faire plaisir non (rires) ?
Non pas du tout. Je l’ai vécu un peu à Saint-Etienne avant le premier confinement. Ca faisait presque six mois que je n’avais pas fait de match. Arrivé à la 60e minute, je commençais à avoir des crampes, à ressentir une vraie fatigue, celle qui te fait mal à l’intérieur. Et quand t’as tout le public qui te pousse... T’as le ballon, tu sens tes jambes tirer et tout mais franchement, ça te donne des ailes. Tu as un petit truc en plus et ce n’est pas une légende.

Et en tant qu’homme et citoyen, vous réfléchissez souvent à cette situation sanitaire ?
Je pense que le gouvernement prend de bonnes décisions pour nous. La santé, c’est le plus important alors on va faire avec et on espère que ce virus va vite disparaître pour qu’on reprenne nos vies normales. Parce que c’est vrai… On n’a plus la même vie. Porter le masque H24 par exemple. C’était marrant au début, mais ça commence à être compliqué pour tout le monde. Mais tout ça, c’est pour notre bien à tous, alors faisons les efforts nécessaires.

Vous en parlez beaucoup ensemble dans le vestiaire ?
Au début oui, on en parlait beaucoup. Maintenant, on essaie de faire un peu la part des choses et on se force à ne plus trop y penser parce que si on commence à en parler dans les vestiaires, en plus des repas de famille, des infos à la télé... Ça te bourre la tête. On essaie au max de ne pas en parler et on se sent mieux de ne plus trop y penser parfois. De sortir de tout ce côté anxiogène.

«Le coach Dall'Oglio est très pointilleux sur les placements»

Côté sportif, c’est un bon bol d’air pour vous cette arrivée à Brest. Deux buts, une passe décisive… Vous le jugez bon ce début d’aventure en Bretagne ?
Oui, sauf au tout début lors de mes premiers matches. J’étais un peu moyen. Je me suis blessé et l’équipe a bien tourné. Le coach n’a pas changé son onze, ce qui est normal. Et puis, j’ai réussi à enchainer. Je reste sur deux matches titulaires, je suis content de moi, de toute l’équipe. Parce qu’on va dire que notre début de saison était un peu mitigé. On gagne, on perd... Après, on est bien conscient qu’on a une équipe jeune, il y a beaucoup de nouvelles recrues. Il faut le temps de s’acclimater à un nouveau club, une nouvelle tactique… Maintenant, on se connait un peu plus et on commence à trouver les automatismes. On sait ce que le coach nous demande et on sent du mieux depuis les deux derniers matches. Il faut laisser le temps au temps. Quelques petits détails restent à gommer comme par exemple le manque de concentration.

C’est-à-dire ?
Des fois, j’ai l’impression qu’on oublie qu’un match ça dure 95 minutes. Et même si on est une équipe jeune, on ne peut pas se permettre d’avoir des sautes de concentration sur coups de pied arrêtés. Mais depuis, on a retrouvé de la solidité défensive et ça, c’est de bon augure pour la suite.

C’est marrant que vous parliez de l’aspect défensif parce qu’à Brest, c’est plutôt le côté offensif qui prime non ?
C’est ce qui m’a fait pencher pour eux lors de ma signature évidemment. En L2, ça jouait déjà bien au foot. Je me souviens de la saison dernière un match ici à Brest avec l’ASSE. On perd 3-0 à la mi-temps Euh… si on en prend 4 ou 5, c’est pareil. Ca jouait super bien, ça repartait de derrière, c’était top. Tout joueur a envie de jouer au foot et de prendre du plaisir en construisant patiemment de la défense et ne pas aller dans un club qui met le bus derrière avec des gars qui dégagent des longs ballons devant. Je me suis dit que je me plairais chez eux. Et puis le discours du coach m’a encore plus séduit.

Il y a vraiment une méthode Dall’Oglio ? Quelle est-elle ?
C’est quelqu’un qui est très calme. Il est beaucoup porté sur l’humain. Il travaille beaucoup sur les petits détails. Par exemple, sur les placements. Il est très pointilleux. Des fois, il suffit de deux ou trois mètres d’espace que tu ne prends pas ou que tu ne couvres pas. Nous, on se dit que sur un placement, deux, trois mètres, ça ne va rien changer alors qu’au final, c’est super important. Il appuie sur nos attitudes corporelles aussi. Comment on se place au niveau du pied pour tirer… Plein de petits détails qui paraissent anodins mais qui font que ça joue beaucoup.

Tout joueur a envie de prendre du plaisir en construisant patiemment de la défense et ne pas aller dans un club qui met le bus derrière.

« Claude Puel m'a amené à aimer défendre»

La tactique est un point central pour lui ?
On a des séances vidéo collectives après chaque match. Pour discuter des bonnes et des mauvaises choses, de ce qu’il faut améliorer. Même quand on gagne, on fait de la vidéo. Individuellement, il parle avec beaucoup d’entre nous : «Là, tu vois, ça, c’était pas bien ton placement». Même si le mec a fait un très gros match... Eh ben y a toujours des petits détails super importants. Ça permet au joueur de faire un match complet dans le futur et de toujours viser l’excellence. On n’a pas le droit à l’erreur et à des petites sautes de concentration. Pour le haut niveau qu’est la Ligue 1 ça nous sert. Et encore, nous, on joue le maintien. Mais si par exemple un jour, on veut jouer la Ligue des champions, ses conseils seront précieux. En L1, avec la petite erreur, tu prends pas forcément un but. En Ligue des champions, bah t’as pas le temps de retourner que tu as pris un but.
 
Vous ressentez une grosse progression vous concernant en si peu de temps ? La plus grosse de votre carrière peut-être niveau maturité ?
Je me sens bien oui. Mais là où j’ai beaucoup progressé, c’était à Clermont avec le coach Gastien. J’ai beaucoup appris dans les déplacements, sur comment bien me positionner sur un terrain. Il m’a permis de jouer une saison complète en L2, ce que je n’avais jamais fait auparavant. A Sainté, j’ai eu moins de temps de jeu, c’était un peu plus compliqué. Mais j’ai beaucoup appris grâce à des joueurs qui sont passés par l’équipe de France et qui ont une grande expérience et une belle carrière : Debuchy, Mvila, Ruffier, Cabaye… Tous ces grands joueurs. Chaque jour aux entraînements, on en apprenait beaucoup d’eux et franchement, ils étaient top. Ils prenaient toujours le temps de conseiller les plus jeunes. Avec Claude Puel aussi. Il m’avait fait signer mon premier contrat pro à Nice. En trois ans, on ne s’était plus vu et il a apprécié ma progression. Avec lui, c’était d’autres choses. Il m’a forgé sur le caractère, le mental et il m’a aussi amené à aimer défendre.

«Il faut que je sois plus malin dans mes déplacements pour arriver à m'isoler»

Honorat a joué attaquant de pointe, milieu et ailier gauche, milieu et ailier droit, piston droit et il porte le numéro 9 à Brest désormais. C’est quoi son vrai poste ?
Moi, c’est à droite. Après, vu que j’aime un peu plus défendre qu’auparavant, piston, ça ne me dérange pas car ça me laisse le couloir libre et je peux attaquer et défendre et ça me plaît d’être seul dans mon couloir. Au début, j’en ai bavé, parce que ça demande beaucoup d’efforts surtout en Ligue 1. En attaque, ça va, mais en défendant, tactiquement, c’est plus complexe. Mais j’ai pris l’habitude et j’aime bien. Je reste quand même un milieu droit.
 
Dans le 4-4-2 à plat actuel du Stade Brestois, vous êtes donc dans du coton ?
Je suis content oui. On a fait beaucoup de vidéo pour en arriver là car on a essayé beaucoup de tactique depuis le début de saison : Un losange en 4-4-2, un 4-1-4-1… On s’est beaucoup cherché. Maintenant, j’ai l’impression qu’on a trouvé le juste milieu contre Lille et Rennes avec le 4-4-2 à plat. Sur le placement, le coach nous dit quoi faire, comment jouer sur nos qualités Et grâce à tous ces petits détails que je vous ai expliqués, on peut tous élargir notre palette.

Sur le papier, c’est un 4-4-2 à plat mais en réalité, vous ne mordez que rarement la ligne de touche ?
Le coach me demande beaucoup de jouer à l’intérieur. Ce qui permet à Ronaël Pierre-Gabriel de prendre à sa guise le couloir et à moi d’être plus proche du but. Je ne savais pas que je pouvais marquer autant (rires) ! Mon rôle, c’est de chercher des zones vides, entre deux lignes dans les demi-espaces. Je me place entre le défenseur central et le latéral gauche. S’il me suit, je repars côté. S’il n’est pas sur moi, je décroche et je me retrouve seul entre les lignes.

Ça demande d’autres acquis non ? Vous étiez loué plus jeune pour votre vitesse de pointe et votre vivacité.
Beaucoup de concentration surtout et il faut que je sois toujours plus malin dans mes déplacements pour arriver à m’isoler. Il faut sans cesse prendre des infos, savoir où est placé le défenseur adverse, jauger si on est seul ou pas. Moi, ça m’aide beaucoup. Et puis en ce moment, vu qu’il n’y a pas de supporters, j’entends beaucoup parler mes coéquipiers : «A droite ! A gauche ! Ça vient». J’ai l’impression d’apprendre plus vite. C’est peut-être le seul point positif du huis-clos.

«Dans la vie, il faut se contenter de peu parfois non ?»

A quelques heures de retrouver les Verts, vous êtes dans quel état d’esprit ?
Je ne suis pas revanchard. On a toujours envie de faire un bon match contre son ancienne équipe et moi, je suis un compétiteur. J’ai envie que mon équipe gagne. Je suis heureux de retrouver mes anciens coéquipiers car je suis régulièrement en contact avec eux que ce soit sur Snap, Instagram ou Whatsapp. Je garde de bons souvenirs de mon année à Saint-Etienne. 

Avec du recul et un peu d’autocritique, qu’est-ce qui vous a manqué pour passer le cut là-bas ?
J’ai eu des blessures mais il n’y a pas que ça. Je pense que ça me l’a aussi fait à Clermont et à Sochaux : Il faut que j’arrive à plus vite m’adapter à l’équipe au lieu de mettre cinq ou six mois. En un mois, je dois montrer plus de choses.
 
Psychologiquement ou physiquement ?
Les deux, j’ai été parfois en manque de confiance. La prépa ne s’était pas très bien passée et du coup, tu sais très vite que t’es pas trop dans les papiers du coach. Le premier match, on m’envoie en CFA et ça, ça te plombe la tête. Physiquement, tu bascules, tu te dis : «Putain, j’arrive plus trop à courir». Le foot, c’est dans la tête. Du moment où t’enchaines derrière après... 

Comment on se remet la tête au carré dans une telle situation ?
Moi je suis descendu voir ma famille et ils montaient me voir aussi. C’est important de se ressourcer, de se poser les bonnes questions. Et surtout, de garder les bonnes choses qu’on a faites depuis le début. SI on en est arrivé là, c’est pas pour rien. T’as des qualités, t’es un bon joueur, t’as prouvé des choses... La base, c’est aussi l’entraînement, on se remet en place, on se retrouve avec soi-même, on refait des bons trucs. Petit à petit. Il faut surtout ne pas tout jeter et broyer du noir dans son coin.

Vous êtes donc un défenseur de la pensée positiviste ?
Les idées noires, ce n’est jamais bon. Et c’est partout pareil, ça ne s’applique pas qu’au foot. Dans la vie de tous les jours, avec ta chérie, au travail, n’importe où, si tu te mets à penser négatif, c’est la catastrophe. C’est bien d’avoir une autocritique et de se dire : «Ca j’ai pas fait bien, ça c’est pas terrible». Mais il y a des moments où même quand tu fais des choses bien, tu te dis que ce n’est jamais assez. Ça veut dire quoi ? Que ce ne sera jamais assez au final. Dans la vie, il faut se contenter de peu parfois non ?»

Johan Tabau

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