runarsson (runar alex) (A. Martin/L'Equipe)

France-Islande : Rúnarsson, ambassadeur de la terre de glace

Ce jeudi (21 heures), l'équipe de France affronte l'Islande. Une sélection qui compte dans ses rangs non seulement le Nantais Kolbeinn Sigthorsson, mais aussi le nouveau gardien du Dijon FCO, Rúnar Alex Rúnarsson (23 ans).

Ses compatriotes qui l'ont précédé en Ligue 1 n'ont pas laissé un souvenir impérissable en France. Eidur Gudjonhsen n'était plus que l'ombre du joueur qu'il était à Chelsea et Barcelone lors de son court passage à Monaco (2009-2010). Kolbeinn Sigthorsson, qui appartient toujours au FC Nantes, n'a jamais su s'imposer au sein de l'effectif des Canaris. Rúnar Alex Rúnarsson, lui, est arrivé avec le statut de titulaire en puissance à Dijon, qui cherchait un remplaçant à l'emblématique Baptiste Reynet, parti à Toulouse cet été.

Doté d'un excellent jeu au pied, l'Islandais se définit comme un gardien «nouvelle génération» et dit s'inspirer de Ter Stegen et d'Ederson. «Ils jouent haut sur le terrain, ils ont un bon jeu au pied. J'aime leur style, dévoile le gaillard d'un mètre quatre-vingt-cinq. Je veux faire partie du jeu avec le reste de l'équipe, l'aider à défendre haut, à anticiper. C'est le meilleur moyen de défendre : arrêter les attaques avant qu'elles arrivent.» C'est d'ailleurs pour ces qualités que le choix du staff dijonnais s'est porté sur celui qui gardait depuis deux saisons les buts du club du FC Nordsjælland, au Danemark. «C'est le rôle qu'on lui demande de tenir, confirme Laurent Weber, l'entraîneur des gardiens du DFCO. Anticiper, être haut, avoir ce rôle de libéro : c'est le but recherché.»

Un profil qui colle à l'ADN du club dijonnais, réputé depuis son retour en Ligue 1 à l'été 2016 pour développer un jeu attrayant. Une image qui a compté dans le choix du joueur de poser ses valises en Bourgogne. « J'ai choisi de venir ici parce que c'est un bon club, familial, qui évolue dans un des meilleurs championnats du monde. Je suis sûr à 100 % d'avoir fait le bon choix en venant ici », affirme-t-il. « Avant de venir, j'en ai parlé avec Martin Hermannsson (basketteur international islandais, passé par Châlons/Reims la saison dernière) : c'est un ami proche, on a joué ensemble quand on était adolescents, puis il a choisi le basket plutôt que le football. Lui aurait très bien pu être international dans les deux disciplines, mais il a choisi le basket, et c'était une bonne décision. Il vivait pas très loin : il m'a dit que la région était agréable, que les gens étaient gentils. »

«IJe veux faire partie du jeu avec le reste de l'équipe, l'aider à défendre haut, à anticiper.»

A l'image de son équipe

Son début de saison ressemble à celui de son équipe : convaincant en août, poussif depuis. Pas de quoi miner un jeune homme décrit comme «déterminé, perfectionniste, attachant et à l'écoute» par ses proches. «Le premier mois quand on a gagné trois matches de suite, c'était un départ parfait. Sur le terrain, en ce moment, c'est un peu plus délicat, mais c'est aussi intéressant : c'est un challenge qu'on doit surpasser ensemble», estime le principal intéressé. «On attend d'un gardien de but qu'il soit décisif, lui aimerait l'être, et pour l'instant, c'est moins le cas. Mais à force de travailler, la roue tourne et le positif reviendra», prophétise Laurent Weber. «Ce qu'on aurait aimé, c'est que la défense soit plus solide pour qu'il soit rassuré plus rapidement, ce qui n'est pas le cas. Je suis en train d'essayer de trouver un équilibre dans cette défense», reconnaît Olivier Dall'Oglio.

Il faut dire que le jeune homme, qui a vécu en Belgique flamande où son père entraînait une équipe de foot pendant son enfance, doit encore s'adapter à un environnement qu'il découvre. Bien loin de la culture nordique de son pays natal et du Danemark où il avait posé ses valises depuis janvier 2014. «La vie ici est très différente de celle en Islande, décrit-il. Et pas seulement du point de vue de la météo. Ici, de midi à quatorze heures, tout s'arrête pour que les gens puissent manger, c'est vraiment très bien. Ca devrait être pareil en Islande ! J'aime la nourriture d'ici. J'ai aussi fait une dégustation de vin : c'était une expérience amusante. Du bourgogne, forcément.»

C'est dans ces moments que Bobby Allain, avec qui il partage la chambre lors des déplacements, intervient. «Quand il a besoin, il vient vers moi : c'est avec plaisir que je traduis», confirme le gardien numéro deux du DFCO, originaire d'Ecosse où il a joué pendant ses jeunes années. Maintenant, Alex apprend le français, et il apprend très vite !» Et pour cause : non seulement Rúnarsson parle l'anglais à la perfection, mais il maîtrise aussi l'islandais, sa langue natale, le danois, l'allemand, le suédois, le norvégien. En plus de pouvoir se faire comprendre en espagnol. Et avant de se mettre au français qu'il espère «vite parler de manière courante, pour pouvoir discuter avec tout le monde». «Il a l'oreille, observe Olivier Dall'Oglio. Il fait l'effort, déjà, d'essayer de faire des phrases en français. Tout ce qui est communication terrain, il n'y a pas de souci. Il connaît tous les mots de replacement, ''à gauche'', ''à droite'', ''avance'', ''recule''... Il a de la voix, il parle.»

Polyglotte

Très famille, c'est avec sa compagne qu'il s'est installé à proximité du centre-ville de Dijon. Avant chaque rencontre, il appelle ses parents. Entre les entraînements, les matches, celui qui se décrit comme une personne «facile à vivre» aime se promener avec son chien. Les mots «calme» et «paisible» reviennent régulièrement dans son discours et en disent long sur sa manière d'être. Un trait de caractère vite décelé par son entraîneur. «Il est discret, mais pas timide. J'ai encore besoin de le découvrir, mais il me semble avoir un grand sens du professionnalisme. Quand on le voit se préparer, on sent que c'est un garçon qui est très impliqué, très observateur. Il y a un peu la barrière de la langue, mais il parle couramment anglais. C'est une barrière qui, parfois, le gêne peut-être un petit peu pour vraiment rentrer plus en contact.»

«Tout ce qui est communication terrain, il n'y a pas de souci. Il connaît tous les mots de replacement.»

«C'est dans notre sang, nous sommes des guerriers»

Une fois le français maîtrisé, il pourra alors raconter à ses coéquipiers les raisons pour lesquelles son pays s'est imposé comme l'une des équipes-frisson du football mondial ces dernières années. Une petite île d'à peine 350 000 habitants où le sport est roi. «Pour moi, le secret, c'est que la plupart des enfants grandissent en faisant plusieurs sports. Quand vous êtes jeune, chez nous, vous pouvez jouer au hand, au basket l'hiver, et quand le printemps arrive, vous allez faire du foot, du golf ou je ne sais quoi d'autre. On habitue nos corps à la pratique du sport, à différents mouvements. Je pense que ça nous donne une base. Et les Islandais sont des guerriers. C'est dans notre sang : nous sommes des guerriers, on veut toujours gagner. On le montre sur le terrain.» Un héritage viking assumé. «Le coach nous répète toujours que c'est notre force : on fait partie de ces équipes où les onze joueurs jouent avec le même but, tirent dans le même sens, et ça nous rend meilleurs. Je ne pense pas qu'il y ait véritablement de secret à nos succès : juste du travail et de l'amitié sur le terrain, ça nous donne une certaine force collective.»

Benjamin Henry