pelissier (christophe) (P.Lahalle/L'Equipe)

«Franc», «loyal», «encore amateur dans l'âme»... Christophe Pélissier raconté par ceux qui l'ont côtoyé

De retour en Ligue 1 avec un Lorient séduisant l'an dernier, Christophe Pélissier continue petit à petit de se construire une carrière dans l'élite. Ceux qui l'ont croisé, en National, L2 ou L1 racontent ce personnage attachant et franc du collier.

Issa Cissokho* : «Il y a désormais la patte Pélissier»

«Le premier souvenir que j'ai, c'est un coach avec une belle allure. Quand je suis arrivé à Amiens, je ne le connaissais pas spécialement. Je connaissais son CV avec ses montées avec Luzenac et Amiens. Je garde un bon souvenir de la saison que j'ai passée avec lui. La gestion qu'il a eu a été la bonne. C'est quelqu'un de bien entouré. Ils ont une véritable cohésion avec ses adjoints, c'est une vraie force ça. C'est un entraîneur aujourd'hui qui est différent des autres. J'adore le style de jeu qu'il propose. Regardez, même dans un club comme Lorient où il y a eu la patte Gourcuff, eh ben, il y a désormais la patte Pélissier. Ce qu'on avait à Amiens, il l'a ramené en Bretagne. Des contres fulgurants, pas de calcul pour les joueurs offensifs. Nous les latéraux derrière, on avait des consignes restrictives, un qui monte, un qui reste mais j'ai bien aimé la saison avec lui.

C'est du jeu, c'est du plaisir, on défend bloc bas ensemble... Humainement, j'ai eu quelques petites difficultés avec lui dans l'approche au départ, il faisait souvent des réflexions sur mon jeu mais au fur et à mesure, on a appris à se connaître. Et j'ai appris comment lui souhaitait que j'évolue. Une fois que le process était lancé, à partir de ce moment là, j'ai pris du plaisir. Humainement, il parle aux joueurs, c'est quelqu'un qui arrive à éteindre le feu quand ça ne va pas. Entre temps, il a dû prendre encore plus de bouteille.» - E.G.

*Joueur à Amiens (2017-18)

Nicolas Dieuze* : «Il a gardé ce côté amateur mais dans le sens noble du terme»

«Le premier mot qui me vient : authentique. Il ne bouge pas, il sait d'où il vient, où il veut aller, avec ses valeurs... Y'a rien de tordu chez Christophe. Ses valeurs : l'honnêteté, le rapport à l'autre, sa capacité à fédérer, attaché aux valeurs humaines, avec un discours toujours emprunt d'humain. Il est sans arrière-pensée et sans préjugés. Il te donne envie de partager ses aventures, partout où il est passé. Ce n'est pas simplement une bonne personne, ça ne suffit pas en Ligue 1 ou en Ligue 2, c'est aussi un bon entraîneur. Quelqu'un qui aime le jeu, ancien numéro 10, ça ne s'oublie pas ça, mais il est très pragmatique. Il a toujours su s'adapter à la division où il a entraîné. Cinq ans en National, il a pris la stature de la division, avec son jeu de transition, mais il a toujours été capable par exemple d'assumer le jeu à domicile, pareil à Amiens et Lorient. Il aime le jeu mais il aime aussi la gagne. Ce n'est pas quelqu'un qui va mourir avec ses idées mais qui va vivre pour les faire évoluer.

Le système dépend des hommes qu'il a à sa disposition. Il aime le 4-4-2 avec cette volonté d'aller agresser, presser, aller au plus vite dans la surface adverse. Du jeu avec de l'enthousiasme. Il insuffle ça en permanence. Ce qui m'a le plus marqué, c'est son management très responsabilisant, consensuel. Christophe n'est pas directif, il ne joue pas à l'entraîneur tout-puissant. Par contre, il est capable de te recadrer, mais il sait bien le faire. Il n'est pas blessant, il est juste. Et quand t'es juste, t'es obligé d'accepter tout ça en tant que joueur.

Il lit pas mal de bouquins sur la psychologie humaine, le management. Il fait office de confident et il joue pas mal sur les discussions privées. Là, il est bon. Il a la fibre éducateur. C'est un vrai. Je me souviens d'un retour de victoire dans un bus en National. Il dansait, on sortait les packs de bières, c'était la belle époque. Il vient de ce milieu amateur, il a envie de partager les bons moments, de vivre proche de ses joueurs. Il a gardé ce côté amateur mais dans le sens noble du terme. C'est une connerie d'entendre qu'il ne sait pas gérer les égos comme je l'ai parfois vu dans des débats à la télé. Pour moi, il peut encore aller plus haut. Ce qui lui manque aujourd'hui, c'est qu'on lui donne l'opportunité. Comment on peut parler sans qu'il n'ait eu sa chance dans un gros club de Ligue 1 ? Il a peut-être un déficit d'image. Il est en train de travailler sur ça.» - J.T.

*Joueur à Luzenac (2012-2014)

Joachim Eickmayer* : «C'est un mec franc, il va te dire les choses en face»

«Je l'ai eu à Luzenac et puis il m'a fait venir à Amiens alors que je jouais en CFA à Arras. C'est quelqu'un de fidèle. C'est un bon entraîneur. Il ne m'a pas trop fait jouer mais l'équipe tournait, c'est comme ça. J'étais plus un réserviste qu'un remplaçant. Mais il gérait bien son groupe. Tout était cadré. Très professionnel. Il est fin psychologiquement. Je me souviens que nous, les anciens de Luzenac qui débarquaient à Amiens, il nous injectait à petites doses pour ne pas créer de conflits dans le groupe et que tout le monde se dise que c'est une espèce d'invasion...

J'ai moins joué la deuxième saison et après de remplaçant, je suis allé en réserve. En Ligue 2, il m'a clairement dit qu'il ne comptait pas sur moi. C'est un mec franc, il va te dire les choses en face. Il aime bien travailler avec les personnes qu'il connaît. Il a une bonne analyse, généralement ce qu'on regardait à la vidéo en début de semaine, ça se passait régulièrement le week-end. L'analyse de l'équipe adverse, c'est son point fort. Ça nous permettait de bien travailler la semaine en toute sérénité.» - E.G.

*Joueur à Luzenac (2014) et à Amiens (2015-2017)

Serge Gakpé* : «C'est un coach très proche de ses joueurs»

«J'aimais bien ses discours d'avant-match. Il arrivait à trouver les mots justes pour motiver son équipe. Il a réussi à tirer le maximum de son groupe. On arrivait chacune de différents horizons mais la mayonnaise avait pris directement. Il savait trouver les mots pour qu'on soit à 200%. Il échangeait bien avec les joueurs. Souvent en individuel. Ça permettait aussi au groupe de vivre bien. C'est un coach très proche de ses joueurs.

Notre jeu était basé sur la transition. On avait une équipe qui allait vite en contre. On jouait la plupart du temps en 4-4-2. Avec Kakuta, Konaté devant, ça jouait au ballon... Il insistait beaucoup sur le repli défensif. Dans ce système-là, t'es obligé de faire l'effort sinon c'est difficile pour tes milieux. Combien de fois m'a-t-il demandé de revenir défendre ?» - E.G.

*Joueur à Amiens (2017-18)

Olivier Lagarde* : «Un gros respect de l'être humain»

«Christophe, c'est un grand curieux, un grand travailleur, un grand passionné. Même dans les résultats positifs, et bien qu'on en ait eu en onze ans de travail commun, il ne s'est jamais endormi. On a commencé à Luzenac, en pensant que ça n'allait durer qu'une saison, mais on s'est maintenu. Et dès l'intersaison, il a essayé de passer des paliers, et d'en faire passer au club et au staff, que ce soit sur le plan sportif ou humain. Il vous emmène dans son sillage et c'est à vous d'être à la hauteur. Il met un cadre, des règles, et c'est à vous d'apporter votre pierre à ce cadre avec vos qualités, en essayant de gommer au maximum vos défauts, pour que tout ce tout ce qu'il a décidé aille au mieux. Vu comment ça fonctionne dans le monde pro, il met de plus en plus de distance par rapport aux joueurs. Mais il est quand même très proche d'eux, parce qu'il aime dialoguer.

Ce n'est pas que le sportif, avec lui. Il regarde aussi beaucoup l'humain. Un exemple tout bête : Thomas Monconduit a appris le décès de son père à Amiens. Christophe Pélissier ne lui a pas dit : "Dans 15 jours, tu reviens" ; il lui a dit : "Tu t'en vas, tu te reposes, et quand tu te sentiras prêt, tu reviendras". Voilà, c'est quelqu'un qui a un gros respect de l'être humain. Et que ce soit son staff, ses joueurs... Lui, c'est le respect. Il fait toujours en sorte de suivre cette phrase : "Pour que le sportif soit bon, il faut que l'homme soit dans les meilleures conditions". Dès qu'il sait qu'il y a un petit pépin, il va vers le joueur. Mais après, il se met des barrières parce que vous savez bien qu'un numéro 1 ne peut pas donner l'impression qu'il y a des passe-droits pour certains. Ça fait partie du cadre et des règles. Je pense que si on a de si bons résultats depuis onze ans, c'est en grande partie grâce à ce côté humain. Et par rapport à la première saison à Lorient, je le trouve plus serein, il dégage des certitudes. C'est la grosse évolution par rapport au Christophe Pélissier des débuts.» - T.T.

*Entraîneur des gardiens et adjoint de Pélissier à Luzenac (2009-2014), Amiens (2015-2019) et Lorient (depuis 2019).

Jordan Lefort* : «Il n'a jamais changé son fusil d'épaule»

«Le premier mot qui me vient à l'esprit, c'est réussite. Tout ce qu'il a touché, ça a marché. Et ç'a bien marché. C'est un coach qui utilise beaucoup la vidéo pour voir les difficultés de l'adversaire. On faisait tous les débuts de semaine, comme ça, on pouvait bien bosser tout le reste du temps. Les vidéos collectives, ç'a commencé en National. En Ligue 1, il misait plus sur le poste par poste (défenseurs, milieux, attaquants). Dans ses discours d'avant match, il parlait de l'aspect foot en premier lieu puis venait l'aspect psychologique. Je me souviens qu'à Amiens, il insistait beaucoup pour que l'on retranscrive sur la pelouse l'ADN de guerriers, de bosseurs, de la région d'Amiens et de ses supporters. Je crois que ç'a bien fonctionné. Il a toujours la même ligne directrice. Il est droit dans ses bottes, il n'a jamais changé son fusil d'épaule, même dans les périodes de moins bien. C'est une force chez lui.

Je me souviens qu'en National, il nous laissait trois ou quatre jours après les victoires, ça arrivait de faire la même chose en Ligue 1 aussi, ce qui est très rare. Il aura toujours ce coté amateur qui reste en lui. Je me rappelle aussi d'une engueulade. J'étais jeune en National. On prend 4-0 contre Boulogne-sur-Mer. Il me dit le lundi ou le mardi : "Ce sera dur que tu reviennes dans l'équipe, je te le dis. Là, tu vas payer pour comprendre !" Le week-end qui suit, je suis titulaire direct (rires). J'étais jeune putain, j'ai flippé toute la semaine... Au final, c'était un bon nul à Châteauroux derrière et c'était vraiment parti pour mon aventure amiénoise.» - J.T.

*Joueur à Amiens (2015-2019)

Julien Outrebon* : «Sa vidéo nous avait pris aux tripes»

«Luzenac, ç'a été difficile à avaler pour lui. C'est quelqu'un qui est vraiment dans l'humain. Il a pris un sacré coup sur la tête. Sa force, c'est d'expliquer ses choix, d'être honnête, franc, loyal. Il a la capacité de rester au contact des joueurs, d'échanger avec eux. Il est toujours clair et franc. Il travaille beaucoup ses causeries. Ce ne sont jamais les mêmes. C'est un très bon coach dans la gestion humaine. Tout est préparé, c'est un grand pro. Je me souviens tout particulièrement d'une causerie : celle de la montée en L2 avec Luzenac. Il avait fait faire une vidéo pour nous. Ça ne se faisait pas tant que ça à l'époque.

C'était extraordinaire, ça nous avait pris aux tripes. Un moment marquant, très fort. Il y avait nos proches, c'était beau, c'était tout ce qu'on avait vécu, la passion autour de cette histoire de famille qu'était Luzenac. Il cultive la fibre du club familial. Il sait d'où il vient et il le véhicule vachement bien. Je sens toujours l'amateur en lui et c'est vraiment une force. Tout le monde se sent concerné et bien avec Christophe. Il laisse beaucoup de place, il est facile d'accès. Il sait gérer, créer une dynamique de groupe. Sa gestion et son management fait qu'il y a quelque chose qui se crée entre joueurs staff et clubs, au-delà des qualités tactiques, c'est sa force.» - E.G.

*Joueur à Luzenac (2013-14), Amiens (2015) et adjoint à Lorient.