Fabrice Bryand a été le médecin de Nantes et des Bleus. (Martin/L'Equipe)

Fabrice Bryand à propos de la blessure de Neymar : « Ça peut aller jusqu'à la fracture»

Fabrice Bryand , l'ancien médecin du FC Nantes et des Bleus, explique que, dans l'absolu, un joueur peut évoluer avec la blessure dont souffre Neymar. Mais cela comporte des risques.

«On entend tout et son contraire depuis plusieurs heures. Peut-on jouer avec une fissure du 5e métatarsien ?
Je serais tenté de dire oui. On est en face d'êtres hors norme. Qui peuvent passer au-dessus de cette douleur. Vous et moi, je ne répondrais pas la même chose. Donc si la question, c'est, est-ce qu'il peut jouer ? Oui, mais l'autre question, c'est : est-ce qu'il doit ?
 
Concrètement, quels sont les risques encourus ?
On va différer la cicatrisation. En cas d'entorse, les ligaments sont distendus, lésés, si on continue à faire travailler la cheville, forcément, on sollicite les ligaments. Clairement, ça va retarder la cicatrisation.
 
Et pour la fissure ?
En tout état de cause, ça peut aller jusqu'à la fracture. Il faut en être conscient et transparent par rapport à cela. Ensuite, dans le cas de Neymar, il y a un autre facteur. Il faut différencier une fissure du 5e "méta" des autres. Notre pied a trois points d'appui principaux. Il faut l'imaginer comme un trépied : le talon, le 1er "méta" et le 5e "méta". Quand le 5e est touché, c'est un axe d'appui qui est touché.

«Il y a des gens qui ont joué avec des fissures dans ces délais»

S'il joue, ce sera donc forcément diminué et sous infiltration...
Oui, à travers un travail de contention, on peut moins solliciter les ligaments, je dis bien moins, car ils le seront. Ensuite, à travers une infiltration ou un travail de mésothérapie (injections locales et superficielles de doses faibles de médicaments), on envoie le message au cerveau que la douleur n'existe pas. On trompe le cerveau. Même s'il ne le sent pas, inconsciemment, il saura qu'il a quelque chose. Et de fait, sera diminué. Il faut aussi considérer les délais de cicatrisation. Il y a des joueurs qui cicatrisent hyper vite, d'autres moins (*).
 
Le fait que Neymar soit léger ( 68 kg) change-t-il quelque chose ?
Dans l'absolu, oui. Mais dans le cas de Neymar, la cinétique entre en compte. Son jeu est fait d'appuis, de contre-appuis, son jeu, c'est de la vivacité, de la vitesse, ce sont donc des zones qui sont très sollicitées.
 
Estimez-vous que jouer serait un risque considérable pour la santé de Neymar ?
L'enjeu est considérable. L'important donc, c'est d'être transparent. De lui exposer les faits, les risques. Il y a des gens qui ont joué avec des fissures dans ces délais. Le sport est un milieu où on voit des choses qu'on ne voit pas ailleurs. Qui aurait dit en 1998 que Ronaldo jouerait quelques heures après une crise d'épilepsie ? Il y a des choses qui sont faites et qui ne sont pas dans l'ordre médical.»
 
(*) Neymar a vite cicatrisé lors de ses dernières blessures.