cazorla (santiago) (S. Thomas/L'Equipe)

Espagne : Après deux ans de calvaire, Santi Cazorla s'épanouit de nouveau à Villarreal

Gravement blessé avec Arsenal il y a deux ans, Santi Cazorla a longtemps été éloigné des terrains, sans savoir s'il pourrait de nouveau taper dans un ballon. Le milieu de terrain a retrouvé la joie de jouer au football à Villarreal.

19 octobre 2016. Arsenal se balade tranquillement contre la modeste équipe de Ludogorets en Ligue des champions. Santi Cazorla vient d'offrir un but - le quatrième des Gunners - à Mesut Özil. Mais dans la foulée, Wenger décide de remplacer l'Espagnol «par précaution». En réalité, c'est le début d'un véritable calvaire : on ne le reverra plus jamais avec ce maillot rouge et blanc. Cazorla va enchaîner les coups durs. En tout, il subit onze opérations, dont huit pour tenter de soigner une blessure récurrente à la cheville. Si son contrat prend fin en juin 2017, Arsenal veut encore croire à son retour et le prolonge pour une année supplémentaire. A ce moment-là, l'espoir est encore permis. En vain. Les semaines et les matches passent pour les Gunners, les bonnes nouvelles, elles, sont rares. L'incertitude plane sur la nature réelle du problème. La gravité de la blessure, son caractère «exceptionnelle» au sens le plus strict du terme appelle à la plus grande méfiance. C'est le joueur lui-même qui décide finalement de briser le silence dans Marca, en novembre 2017. «Les médecins m'ont dit que c'était bon, le problème c'est que la plaie n'a pas cicatrisé correctement et qu'elle s'est infectée [...] On m'a expliqué que j'avais une énorme infection et qu'elle avait mangé une partie du tendon d'Achille (qui a diminué de huit centimètres, NDLR), expliquait-il alors. Ils m'ont dit : “si tu arrives à marcher avec ton fils dans le jardin, sois satisfait.”»

Cazorla traîne cette blessure à la cheville depuis 2013. A l'origine, c'est un coup pris lors d'un match amical avec la Roja contre le Chili qui a fissuré un os. Depuis cet épisode émane de la douleur, sans répit, tous les jours. Et puis en novembre 2015, le premier drame. Il se blesse aux ligaments du genou et se fait opérer. Son genou réussit à récupérer, mais sa cheville, en revanche, ne retrouve pas la pleine possession de ses moyens. Plus tard, ce fameux match contre Ludogorets sonnera comme l'ultime avertissement. La douleur est trop forte depuis si longtemps : il est temps de dire stop. Au Guardian, il racontait en septembre sa souffrance : «Les mi-temps me tuaient, parce que ça refroidissait, et après la pause, la douleur était de plus en plus forte.» La lente agonie du joueur se poursuit inlassablement. Il suit sa convalescence à Salamanque et est accompagné par le Docteur Mikel Sanchez, un habitué des footballeurs.

«Les mi-temps me tuaient, parce que ça refroidissait, et après la pause, la douleur était de plus en plus forte.»

Villarreal le remet sur pied

Il y aura quand même une éclaircie dans cette longue traversée du désert. Symboliquement, il foule la pelouse de l'Emirates Stadium dix-huit mois après, juste avant la demi-finale entre Arsenal et l'Atlético Madrid en Ligue Europa la saison dernière. «J'ai demandé si je pouvais parce que je ne savais pas si j'allais rejouer un jour. Ce n'était pas grand-chose. [...]. Mais juste de sentir l'accueil du stade, c'était merveilleux», a-t-il avoué au Guardian. Comme un dernier baroud d'honneur aux supporters...

Car cette fois, Arsenal ne reconduit pas son contrat : après 180 matches, Cazorla quitte le nord de Londres. Un de ses amours d'antan lui offre la possibilité de revenir. Villarreal, qui est comme une deuxième maison pour lui, l'annonce officiellement début juin. Il y était déjà passé entre 2003 et 2006 puis entre 2007 et 2011. Pour sa seconde pige, il évoluait aux côtés de joueurs comme Cani, Marcos Senna, Giuseppe Rossi, Nilmar ou Robert Pirès. Ce dernier est resté très proche de l'Espagnol, toujours le «chouchou» des supporters des Gunners : «C'est mon petit poulain. C'est mon ami. C'est avant tout un super mec qui a vraiment été apprécié de tout le monde à Arsenal, raconte à FF.fr le champion du monde 1998. Dès qu'il passe quelque part, il est aimé. Il est naturel, il a la joie de vivre. Il n'a pas joué pendant dix-huit mois, tu le retrouves sur le terrain, et il a son sourire. Il t'apporte de la gaieté dans un vestiaire. Et c'est pour ça que tout le monde l'apprécie énormément. Que ce soit à Villarreal, Arsenal ou en sélection, il a marqué tout le monde.»

«Il ne voyait jamais la fin du tunnel, constate encore Pirès. Dès qu'il pensait qu'il allait récupérer, il rechutait. Après avoir effectué beaucoup, beaucoup d'efforts, il est récompensé. Et c'est bien qu'un club comme Villarreal lui propose une autre chance. Il a démontré qu'il pouvait revenir avec un certain mental. Il l'a fait !» Désormais libéré de ses contraintes physiques, délivré d'une lente et rude convalescence, de retour parmi les siens, Santi Cazorla peut laisser derrière lui toutes ces galères. Aujourd'hui, avec de la peau du bras sur la cheville et de la peau de la cuisse sur le bras suite à une greffe de peau, il s'amuse d'être «un petit puzzle avec des membres un peu partout». Interrogé après l'interview de Cazorla dans Marca, Arsène Wenger avait commenté : «C'est la pire blessure que j'ai jamais vue», avant d'éluder une question sur la possibilité de revoir jouer Cazorla un jour : «Ne parlons pas de cela, mais j'espère que vous vous trompez.» Finalement de retour pour de bon à Villarreal, le petit magicien revit. Sagna : «On ne peut qu'être content pour lui.»

Jérémy Docteur

Villarreal prévoit une présentation originale pour le retour de l'enfant prodigue. Assisté d'un magicien professionnel, il est placé dans une capsule en verre au centre du terrain. Cazorla apparaît dans un nuage de fumée et avance sur la pelouse devant les quelques 4000 supporters venus assister à son retour. «Il est simple, souriant, il reste positif même avec les galères qu'il a eues, reconnaît, admiratif, Bacary Sagna, qui l'a côtoyé à Arsenal entre 2012 et 2014. Il a toujours l'espoir, le sourire. Il dégage une image positive. Tout le monde n'aurait pas pu rebondir comme il l'a fait. C'est son état d'esprit, il amène des ondes positives et dans un groupe, ça fait du bien.»

Cazorla a su convaincre les dirigeants espagnols qu'il avait encore le niveau pour leur filer un coup de main. Le 17 juillet, Villarreal affrontait Hercules en match de préparation. A cette occasion, il retrouvait les terrains 363 jours après. Depuis, sa vie reprend doucement son cours. Il a disputé sept rencontres de Liga et deux en Ligue Europa. Contre le Spartak Moscou, il a même égalisé sur penalty au bout du temps additionnel. Sa joie était alors indescriptible : il a pris le ballon, a tapé très fort au fond des buts, puis une deuxième fois, l'a repris pour envoyer une chandelle le plus haut possible dans le ciel de Moscou. Son dernier but remontait à septembre 2016 face à Southampton... sur penalty. Un signe.

«Il ne voyait jamais la fin du tunnel. Dès qu'il pensait qu'il allait récupérer, il rechutait. Après avoir effectué beaucoup, beaucoup d'efforts, il est récompensé.»