(L'Equipe)

Emilio Butragueño (Espagne), nouvel épisode de nos 100 joueurs qui ont marqué l'histoire de la Coupe du monde

20 mars - 14 juin : dans exactement 85 jours, débutera le Mondial 2018 en Russie. Jusqu'au coup d'envoi, FF vous livre, par ordre alphabétique, sa liste des 100 joueurs qui ont marqué l'histoire de la Coupe du monde. Seizième épisode avec Emilio Butragueño.

Son histoire avec la Coupe du monde

En comptabilisant 69 sélections avec la Roja, l'ancien buteur du Real Madrid Emilio Butragueño a participé à deux Coupes du monde, celle de 1986 au Mexique, puis celle quatre ans plus tard en Italie. Mais ce sont ses performances dans le rendez-vous aztèque qui lui permettent de laisser sa marque dans l’histoire de la plus prestigieuse des compétitions. Buteur lors de sa première sélection deux ans plus tôt face au Pays de Galles lors des éliminatoires, l’attaquant madrilène et ses compatriotes abordent cette compétition dans la peau du vice-champion d’Europe en titre. Placée dans le Groupe F en compagnie du Brésil, de l’Irlande du Nord et de l’Algérie, l’Espagne réussit à se qualifier pour les huitièmes de finale (deuxième derrière la Seleçao), avec notamment un but de Butragueño dès la première minute de jeu face aux Nord-Irlandais (2-1). Mais il explose aux yeux du monde le 18 juin 1986 en inscrivant un incroyable quadruplé face au Danemark (5-1), qui qualifie facilement son pays pour les quarts. L’aventure s’arrête pourtant là pour Butragueño et la Furia Roja, éliminés par les Belges aux tirs au but, "El Buitre" réussissant pourtant le sien. Quatre ans plus tard, ces grands moments mexicains sont déjà loin pour Butragueño, qui ne parvient pas à inscrire un seul but lors du Mondial italien de 1990, où son pays échouera en huitièmes de finale face à la Yougoslavie (1-2 a.p.). Comme la plupart des grands joueurs espagnols, il met un terme à sa carrière internationale en 1992 avec un seul regret, celui d’avoir un palmarès vierge en équipe nationale.

Le moment marquant

Incontestablement ce quadruplé dantesque du joueur face aux Danois du tout jeune Michael Laudrup. Après l’ouverture du score scandinave sur penalty, Butragueño égalise juste avant la mi-temps grâce à une incroyable erreur défensive (43e). Il donne l’avantage à son équipe au retour des vestiaires en jouant les renards de surface sur corner (56e), et parachève le succès espagnol en contre-attaque (80e), puis sur penalty (88e), son coéquipier Jon Andoni Goikoetxea ayant inscrit le troisième but de la Roja (68e). Cette superbe performance lui permet d’obtenir une renommée internationale, et met en lumière ses qualités premières : sa vivacité, son sens de l’anticipation et son extraordinaire sérénité face au but. Ce jour-là, après la rencontre, le héros semble dépassé par les événements, comme il l’a confié sur le site de la FIFA en 2006. «En termes de popularité, ç’a été le point culminant de ma carrière. On s’est retrouvé en huitièmes de finale contre le Danemark, incontestablement l’une des meilleures équipes de l’époque. Tout le monde les donnait favoris. […] Et j’ai marqué quatre buts. C’était incroyable. Inscrire quatre buts en Coupe du monde, je n’avais jamais envisagé ça. La réalité a dépassé tous mes rêves d’enfant». L’attaquant réitérera cet exploit face à l’Albanie, lors des éliminatoires de l’Euro 1992.

Le chiffre : 5

Comme son nombre de buts inscrits lors du Mondial mexicain. Son quadruplé contre le Danemark et son premier but marqué en phase de poule quelques jours plus tôt face à l’Irlande du Nord lui permettent de terminer deuxième meilleur buteur de la compétition, en compagnie de Diego Maradona et Careca, mais derrière Gary Lineker (6 buts).

L'archive de FF

Quelques jours après le quadruplé de l’attaquant espagnol, FF est revenu sur la révélation Butragueño : «On lui explique qu’il vient d’entrer dans l’élite des footballeurs mondiaux et qu’il n’y peut rien. Que répond-il ? "Il y a des Maradona, Platini et Zico. Tours les autres sont derrières et moi avec. Je suis très largement inférieur à eux". Il ne dit quand même pas qu’il le prouvera. Il dit simplement : "Du moins, c’est ce que je pense sincèrement". On lui parle des quatre buts marqués et des distinctions auxquelles il aura droit, peut-être, en guise de récompense. Surtout s’il confirme. Et pour un peu, il casse le coup encore une fois. Ecoutez-le : "Je n’ai jamais marqué quatre buts en un seul match, c’est donc une grande satisfaction. Mais franchement, ça ne va pas bouleverser ma vie. Plus tard, je dirai : c’était un jour béni pour l’équipe d’Espagne et j’y étais. C’est tout". Des déclarations qui mettent en lumière la naissance d’un futur grand attaquant européen. Mieux vaut se satisfaire simplement, de la révélation d’un attaquant, la denrée la plus périssable du football européen. Et passer avec lui les mérites de son équipe à qui il doit tout, et ses inquiétudes sur l’avenir. "De la gloire au fracas, dit-il à peu près, il y a vraiment peu de chemin à parcourir…". On surnommait Emilio Butragueño le Corbeau. Les journalistes mexicains l’ont carrément transformé en "Vautour". Il n’est pourtant que de la chair tendre et fraîche qui ne sait pas griffer. Sinon un ballon pourvu qu’il soit rond».

Joffrey Pointlane