Molina of Getafe celebrating a goal during the Copa del Rey. King's Champ, football match between Getafe and Valencia on January 22th, 2019 at Coliseum Alfonso Perez in Getafe, Madrid, Spain. *** Local Caption *** (Irina R.H./AFP7/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Du coeur et du talent : avant Getafe-Real Madrid, zoom sur la surprenante équipe espagnole

Quatrième de Liga, Getafe joue les trouble-fêtes, bien aidé par son imperméabilité défensive, son style destructeur et sa diabolique efficacité offensive. Un cocktail qui lui permet d'être virtuellement qualifié pour la prochaine Ligue des champions.

Dans la sphère du football madrilène, les locomotives du Real et de l'Atletico attirent toutes les lumières, qu’elles viennent d'Espagne ou d'Europe. Pourtant, à une dizaine de kilomètres au sud de la rayonnante Puerta Del Sol, existe un autre club local qui, lui aussi, fait causer cette saison : Getafe. Plus qu’une cité-dortoir de la capitale, c’est une ville de foot qui pourrait rejoindre, pour la première fois, le casting 2019-2020 de la Ligue des champions par l'intermédiaire de son club, le Getafe FC, crée en 1983. Remontés de la deuxième division en 2017, les Azulones ont, par leurs résultats positifs, surpris aux prémisses de la saison, puis confirmé en tenant le rythme. Ils effraient désormais des cylindrées comme Valence, Séville et le Betis, qu’ils devancent en pointant à la quatrième place. Un rang qu’ils n’ont encore jamais savouré en 36 ans d’histoire.

Derrière l'ascension fulgurante du club, se cache un homme providentiel : José Bordalas

Derrière cette virtuelle qualification pour la C1 et l’ascension fulgurante du club, se cache un homme providentiel : José Bordalas. Arrivé sur la pointe des pieds en septembre 2016, l’ancien coach du Deportivo Alavés a hérité d’un groupe aux abois, relégable en D2 et qu’il a fallu rebâtir de fond en comble pour le relever.... Avant de l’élever. Une montée en Liga en 2017, une huitième place inespérée en 2018 et une course pour un ticket européen plus tard, le technicien originaire d'Alicante, aujourd’hui dans le viseur de Séville, a posé sa patte sur le club et tutoie désormais les sommets.

Non-possession, contre-attaque et efficacité maximale

Cette identité de jeu, mûrie depuis trois ans maintenant, prend le contre-pied du critère majeur de qualité en Espagne : la possession. Seulement 43,3 % de moyenne pour les Azulones, qui préfèrent laisser le ballon à l'adversaire pour mieux le contrer. Le dernier match contre Séville (victoire 3-0) en est la quintessence : Seulement 35% de possession, 260 passes (contre 465 pour les Sévillans) et trois tirs cadrés pour trois buts. Plutôt que de faire tourner la balle, les Getafiens préfèrent attendre la récupération puis opter vers des transitions ultra-rapides. Tout en verticalité, avec l'apport d'un ancien de L1 dans le couloir droit, Dimitri Foulquier. Un style direct qui induit beaucoup de déchets techniques (63,9 % de passes réussies en moyenne par match) et qui empêche souvent le club de la banlieue de Madrid de se retrouver en position de frappe. Getafe est même l’équipe qui tente le moins de tirs en Liga (10,3 en moyenne). «À quoi ça sert de faire 30 passes dans ton camp sans parvenir à avancer ?», questionnait par ailleurs José Bardalas dans El Mundo début 2018.

Pas faux. Car, même sans un Lionel Messi, Antoine Griezmann ou Karim Benzema dans son escouade, le club peut compter sur une doublette offensive composée par les doyens Jorge Molina (37 ans) et Jaime Mata (30 ans), respectivement auteurs de 13 et 14 buts en Championnat cette saison. Des noms moins ronflants mais pourtant terriblement efficaces, car capable de scorer sans possession ni construction préalable. Parfois même sans action. Et qui, sous la houlette de Bardalas, continuent de courir vite et longtemps, malgré leur âge avancé. «Le premier jour à Getafe, le coach m’a dit que je devais retrouver le poids que j’avais il y a dix ans à Elche, confiait, cette semaine, Jorge Molina dans les colonnes d’El Mundo. Il nous pèse tous les matins, il est implacable sur cet aspect. (...) Je l’ai donc écouté.»

Une rigueur quasi militaire

Le foncier est la clé de leur succès. Quand ils n’ont pas le ballon - la majeur partie du temps - les Bleu Marine s'emploient à faire déjouer leur adversaire, à le mettre mal à l’aise et à le forcer à prendre des risques. Pour appliquer cette stratégie, Jose Bardalas réclame une extrême rigueur défensive, un respect des zones du terrain et un pressing à haute intensité. Ce qui oblige chaque individualité à vivre à travers un collectif soudé et bien huilé. S’effacer pour briller, voilà le crédo du coach espagnol qui transforme ses joueurs en véritables guerriers dans un 4-4-2 ultra strict et exigeant. Nourris au goût de l’effort, les Getafiens se délectent des équipes qui opèrent par du jeu au sol et qui aiment conserver le ballon, comme en témoigne les doubles victoires contre Séville (0-2 et 3-0) et le Bétis (2-0 et 1-2).

Getafe est d'ailleurs la troisième meilleure défense en Espagne (29 buts concédés) et n’a jamais encaissé plus de deux buts cette saison. Seuls Lille et Valence font aussi bien dans les cinq grands Championnats. Un secteur défensif tenu à bout de bras par la révélation de la saison en Liga, Djéné Dakoman. Le robuste défenseur central togolais brille par son sens de l’anticipation, sa puissance athlétique et sa capacité à gagner tous ses duels. Ce qui lui vaut d’être activement pisté par Séville et Leicester. «Djéné est admirable depuis que je l'ai signé, déclarait récemment José Bordalas, élogieux, en conférence de presse. Il est capable de museler Luis Suarez, Cristiano Ronaldo ou Diego Costa.»

Un style destructeur

Toujours désireux d'annihiler les ambitions adverses, les hommes de Bordalas savent aussi se montrer roublards, jouant avec les règles. Avec 99 cartons jaunes et 7 cartons rouges reçus cette saison, ils se classent même avant-dernier du classement du fair-play. Une statistique peu reluisante mais qui compte pour tenir un résultat, déstabiliser un bloc adverse et qui témoigne d’une forme d’intelligence. «Il faut avoir de l’estime et du respect pour toutes les façons de jouer. [...] L’important, c’est qu’une équipe sache quelle est sa propre force», estimait Diego Simeone en 2012 sur ABC Punto Radio dont l’influence dans le 4-4-2 de Bordalas ne peut être niée.

Il faudra d'abord accrocher le glorieux Real Madrid dans un bouillant derby local

Tous ces assemblages et principes permettent aux Azulones, malgré un effectif limité, de désormais rêver d’Europe. Une qualification raviverait qui plus est le souvenir de la plus grande aventure de sa récente histoire, lorsque les hommes de Michael Laudrup éliminaient Tottenham et Benfica en Coupe de l’UEFA 2008, puis tenaient tête au Bayern en quart, avant d’être plombés par seize minutes de temps additionnel et d’être éliminés par l’impitoyable règle des buts à l’extérieur (5-5 après la double confrontation). Pour regoûter aux vertiges des soirées européennes, il faudra d’abord accrocher le glorieux Real Madrid, ce jeudi soir, au Coliseum Alfonso Perez, dans un bouillant derby local au parfum prémonitoire de Ligue des champions...

Augustin Audouin