sylvinho (A.Martin/L'Equipe)

Deuxième partie de notre long format sur Sylvinho : un entraîneur jusqu'au-boutiste sur le banc de l'OL

Sylvinho a fait ses débuts sur le banc de l'OL la semaine dernière. A l'occasion, France Football revient, en deux épisodes, sur sa carrière de joueur puis d'entraîneur. Deuxième partie cette semaine avec le coach Sylvinho, un entraîneur exigeant mais pas dogmatique pour autant.

Posé dans un coin du terrain d'entraînement, regard vif et cahier bien en place sous le bras, Sylvinho guette, observe, analyse. «Je note des noms, des concepts, des tâches défensives, des choses sur comment attaquer, des choses de réunion, des idées... Je les oublierais si je ne les notais pas, dit-il à propos de ce bloc-notes, journal intime du nouvel entraîneur de l'Olympique Lyonnais. C'est une partie de ma vie. Et même ma femme ne touche pas ce cahier !» L'ironie se conjugue avec la décontraction du début de saison, mais si un trait de caractère a marqué les prémices du protectorat de Sylvinho, c'est bien son sérieux. Rien de nouveau, même si «il faudra que le groupe s'adapte à ses exigences, juge Peter Luccin, ancien coéquipier de Sylvinho au Celta Vigo. Lui aussi, il faudra qu'il s'adapte. Non seulement à son groupe, mais aussi à la ville, à la culture...»

Mais pas de quoi s'en inquiéter. L'ancien international brésilien, fort de son parcours de joueur, sait déjà comment cela fonctionne, même s'il revient cette fois-ci en Europe avec le costume d'entraîneur. Dès que l'OL a pointé le bout de son nez, Sylvinho s'est mis à tout éplucher : l'effectif, l'environnement lyonnais, la langue française. Patrizia Panico, sélectionneuse des U15 italiens, a passé ses diplômes d'entraîneur avec “Sylvi” en fin de saison dernière. «Nous avons parlé de beaucoup de choses, du football actuel, masculin comme féminin, de l'équipe féminine de l'OL que je connais très bien, se remémore-t-elle. On a confronté nos arguments sur de nombreux sujets, c'est une personne intéressée par le football à 360 degrés, indépendamment de l'âge, du sexe ou de la nationalité.» Un été studieux avant une rentrée des classes réussie, la semaine dernière face à Monaco (victoire 0-3).

«Nous avons parlé de beaucoup de choses, du football actuel, masculin comme féminin, de l'équipe féminine de l'OL» (Patrizia Panico, sélectionneuse des U15 italiens, qui a passé ses diplômes avec Sylvinho)

Pourtant, dans sa carrière de footballeur, le Brésilien a pu donner l'image de quelqu'un d'introverti, sérieux jusqu'à l'ennui, parfois même l'air un peu sévère. Sa discipline en tant que coach est la même, mais son visage en conférence de presse et à l'entraînement tranche avec son portrait de joueur. Sylvinho est plutôt bon client avec la presse, n'hésite pas à plaisanter avec ses joueurs et à prendre part aux séances. Mais à la différence d'autres entraîneurs, l'ancien latéral a définitivement tiré un trait sur son passé et ses gloires d'antan. Hors de question que cela vienne empiéter sur son nouveau métier. Il faut dire que Sylvinho s'est pas mal cherché, au sortir de sa carrière de joueur. Commentateur, agent, directeur sportif... La voie d'entraîneur ne s'est pas immédiatement imposée comme la marche à suivre. «Le pire, c'est la décision de quitter les terrains. Peu de sportifs savent quoi faire, expliquait-il à Globo en 2012. Généralement, vous cessez juste d'être un sportif et vous avez l'étiquette d'ancien sportif. C'est très compliqué parce qu'on ne sait pas toujours où aller.» Jusqu'au coup de fil de Vagner Mancini...

Dans l'analyse dès le début

La vocation, si elle n'a pas immédiatement sauté aux yeux du principal intéressé, s'est imposée assez naturellement après des victoires de prestige crampons aux pieds. «Ça ne me surprend pas qu'il soit devenu entraîneur car il aimait le football et analysait déjà tout», rappelle Miguel Angel Lotina, son entraîneur à Vigo. Même si, d'un autre côté, son jusqu'au-boutisme est tel qu'il aurait pu en être handicapant. Gilles Grimandi, qui l'a côtoyé à Arsenal, rembobine : «Je ne pensais pas qu'il puisse entraîner parce qu'il était tellement exigeant envers lui-même. Je ne croyais pas qu'il puisse rentrer dans ce costume d'entraîneur parce que je me disais qu'il serait déçu, qu'il ne comprendrait pas pourquoi certains n'auraient pas le même esprit que lui, qui ne seraient pas capables d'autant s'investir, de travailler autant. Il a une telle passion pour le foot que ça l'emporte sur tout le reste.» Mais quand Vagner Mancini, qui s'apprête à prendre en main Cruzeiro, lui trace les contours d'un poste d'adjoint à l'occasion d'un match de bienfaisance, l'ex-latéral gauche reconverti fonce tête baissée. «On a discuté et, deux semaines plus tard, je l'ai pris comme adjoint, se souvenait pour FF Vagner Mancini. Il m'aidait sur le terrain mais aussi dans l'observation. Il avait déjà une grande maîtrise tactique, et du relationnel avec les joueurs. Il était respecté grâce à sa magnifique carrière mais aussi par le contenu de son discours

«Quand je l'ai vu comme adjoint, je me suis dit : “bien sûr !”, sourit aujourd'hui Gilles Grimandi. C'est l'adjoint parfait, vous ne pouvez pas vous tromper. C'est un travailleur hors norme, une personne intègre, quelqu'un avec plein de connaissances.» Sylvinho répète ses gammes et entretient ses rêves de numéro 1. Avec patience, car en attendant le jour J, c'est le technicien italien Roberto Mancini qui lui passe un coup de fil pour rejoindre l'Inter. «J'ai hésité, Mancini m'a demandé de venir, puis j'ai accepté en attendant la fin du Championnat du Brésil», racontera Sylvinho à son arrivée chez les Nerazzurri. Benoît Cauet, ancien recruteur de l'Inter, le décrit maintenant «comme un gros travailleur, dans un groupe de deux-trois entraîneurs.» Une expérience idoine dans un club européen, surtout auprès de Roberto Mancini. «Il a travaillé avec Guardiola en tant que joueur, Tite ou Mancini comme entraîneur adjoint, souligne Marcelo Djian. Donc il a eu d'excellents professeurs !»

«Il m'aidait sur le terrain mais aussi dans l'observation. Il avait déjà une grande maîtrise tactique, et du relationnel avec les joueurs» (Vagner Mancini, ancien entraîneur de Cruzeiro, dont Sylvinho était l'adjoint)

Adjoint, rôle «parfait»

C'est dans ce rôle d'ajoint que Sylvinho, néo-coach, (re)découvre le monde de l'entraînement et du management. Il en endossera le costume à Cruzeiro, donc, avant Recife, Náutico et surtout Corinthians, où il rejoint son ancien club mais surtout Tite, alors futur entraîneur de la Seleçao brésilienne et qui remportait, en 2011, la Copa Libertadores. Au Brésil, sa réputation n'est plus à faire. «Tous les professionnels ont un avis positif sur lui, explique Marcelo Djian, ancien recruteur de l'OL au Brésil. C'est quelqu'un de très sérieux dans son travail, très rigoureux. (...) Ce qu'il a de particulier, c'est qu'il a une personnalité très forte, avec toujours l'envie de faire mieux. Il est jusqu'au-boutiste. Il fait attention aux détails, essaye de faire des petites choses en plus avec les joueurs, qu'ils comprennent tous leurs missions sur le terrain.»

Ce n'est pas pour déplaire à Sylvinho, qui a beaucoup appris de son passage en Serie A aux côtés de Mancini. Rien d'anodin non plus si le Brésilien a passé ses diplômes d'entraîneur au sein de la fédération italienne de football. «Ca lui a permis d'apprendre davantage sur le football italien, de porter encore plus d'attention aux détails de la ligne défensive», croit savoir Patrizia Panico. Si Sylvinho a affiché sa volonté de construire depuis l'arrière lors des matches de préparation, il a affiché un visage beaucoup plus prudent lors de sa grande première à Monaco. L'héritage de sa formation et de ses années italiennes. Parfois, il faut savoir gagner sans panache. Surtout, le Brésilien est loin d'être dogmatique. «On a parlé plusieurs fois de nombreux aspects tactiques, poursuit Panico. Ce qui m'a plu, c'est qu'il ne considère pas ses idées comme invincibles. Il est toujours prêt à écouter les autres.» Pas de doute, sur le plan purement football, Sylvinho est fin prêt. «Mais le poste de numéro 1 est très différent, met en garde Grimandi. Il y a beaucoup de paramètres supplémentaires. Il y a des moments de pression, il y a des moments où il faut être politique, des moments où il faut faire semblant de ne pas voir.» Un challenge à la hauteur du personnage, en somme.

«Il a travaillé avec Guardiola en tant que joueur, Tite ou Mancini comme entraîneur adjoint. Donc il a eu d'excellents professeurs !» (Marcelo Djian, ancien recruteur brésilien de l'OL)

Aux côtés de Mancini, Sylvinho a parfait ses connaissances du métier d'entraîneur. Et en a appris davantage sur l'aspect tactique, ô combien important en Italie. (Claudio Villa/Getty Images)

Collaborateur privilégié de Tite

Un de ceux-là va lui accorder une confiance aveugle. De Corinthians, où il s'est fait une réputation de gestionnaire hors-pair façon Didier Deschamps et «logique de groupe», Tite est appelé par le fédération brésilienne pour prendre la tête d'une Seleçao post-Mondial 2014. Les démons du match face à l'Allemagne sont toujours dans les coeurs et dans les têtes. Et le technicien a l'ambition d'offrir une renaissance au Brésil. Avec Sylvinho. «Leur relation a commencé en 2013 à Corinthians, et Sylvinho était déjà l'adjoint. Il voyait Tite comme une super référence, analyse Bruno Andrade, journaliste brésilien pour Goal. C'était logique qu'il arrive à Corinthians, il est une idole, et sa prise de fonction par la suite avec la Seleçao était logique.» L'ambition, forte, se conjugue avec les exigences du football international. Sylvinho passe aussi de joueurs de seconde zone - pas tous - à certaines stars mondiales. «Il a gagné le respect de tous, poursuit Andrade. Il a la langue du joueur, comme on dit, il parle terrain, parle jeu, et tout le monde l'aimait bien. Il avait la responsabilité du travail tactique, notamment défensif et en début d'entraînement, pour préparer avant Tite.» Résultat, le Brésil change quelque peu de visage. Un peu de joga bonito, plus de pragmatisme.

«Le poste de numéro 1 est très différent. Il y a des moments de pression, il y a des moments où il faut être politique» (Gilles Grimandi, son ancien coéquipier à Arsenal)

Antoine Bourlon et Antonin Deslandes