09.04.2019, White Hart Lane, London, ENG, UEFA CL, Tottenham Hotspur vs Manchester City, Viertelfinale, Hinspiel, im Bild Tottenham Hotspur Goalkeeper Hugo Lloris // Tottenham Hotspur Goalkeeper Hugo Lloris during the UEFA Champions League quarterfinals, 1st leg match between Tottenham Hotspur and Manchester City at the White Hart Lane in London, England on 2019/04/09. EXPA Pictures © 2019, PhotoCredit: EXPA/ Focus Images/ Martyn Haworth *****ATTENTION - for AUT, GER, FRA, ITA, SUI, POL, CRO, SLO only*** (L'Equipe)

Décrié en Premier League mais encensé sur la scène européenne : le capitaine de Tottenham Hugo Lloris vu d'Angleterre

Auteur d'une partition remarquable face à Manchester City en quart de finale aller de la Ligue des champions, Hugo Lloris, après des débuts difficiles, se montre impérial sur la scène européenne. Pas forcément comme en Championnat. Et ça, la presse anglaise n'hésite pas à le pointer du doigt.

Au sortir d’une Coupe du monde réussie quasi de bout en bout - on se souviendra tout de même de son raté en finale contre la Croatie -, Hugo Lloris a vu, dans la nuit du 23 au 24 août 2018, son été de rêve prendre des allures de cauchemar. Pour avoir un peu trop bu, le gardien français avait été arrêté au volant de son véhicule par la police britannique avant d’être placé, durant sept heures, en garde à vue. La gueule de bois et sur le pré, l’ancien Lyonnais a eu quelques peines à s'en remettre. Absent pour le premier match de poules de C1 des siens face à l’Inter (défaite 2-1), le Français avait entamé son épopée européenne de la plus mauvaise façon possible. Une sortie mal maîtrisée en début de match face au Barca à Wembley, les quatre buts pris dans le buffet (2-4) et un carton rouge consécutif à une nouvelle sortie loupée et un tacle dangereux hors de sa surface face au PSV (2-2) lui valurent un déluge de critiques. Le Daily Mail avait même titré : «Loco Lloris perd la boule». Le Telegraph, lui, avait affirmé que le début de saison du Français avait des allures de «mauvais rêve».

Danger droit devant

S’il s’est vite remis de ses bourdes en Ligue des champions, en réalisant deux excellents matches face à Dortmund en huitièmes de finale de C1, Hugo Lloris peine à convaincre les observateurs en Championnat. Coupable sur le but de Pedro face à Chelsea le 27 février dernier (2-0) et auteur d'un loupé dans les derniers instants du match sur le terrain d’Anfield contre Liverpool le 31 mars dernier (2-1), l’ancien Lyonnais en a pris pour son grade. Sur Sky Sports, Paul Merson s’est généreusement gaussé de l’erreur de Lloris face aux Reds : «Liverpool a fait un bon résultat mais a eu de la chance le week-end dernier, avec ce gardien champion du monde qui a laissé filer un ballon que mon enfant de quatre ans aurait attrapé...».

Et comme si cela ne suffisait pas, le Niçois de naissance s’est attiré les blâmes de l’ancien des Spurs, Jermaine Jenas. Florilège : «Hugo a commis une erreur regrettable contre Liverpool. On a l’impression qu’il a laissé tomber son équipe. Il commet ce genre de bourdes depuis des années maintenant, a-t-il affirmé sur le plateau de la BBC. Il devrait être au maximum de ses capacités aujourd’hui, mais il paraît plus tendu que lorsqu'il est arrivé de Lyon il y a sept ans. Quand on parle des meilleurs gardiens du monde, son nom revient systématiquement. Mais, pourtant, je ne trouve pas que ses dernières saisons avec les Spurs reflètent ce statut. Lloris a une réputation basée sur ce qu’il a fait par le passé, mais elle est bien meilleure que son niveau actuel». De quoi pousser Mauricio Pochettino à changer de gardien ? Oui, rétorquait l’Anglais, qui aimerait voir Gazzaniga, concurrent de Lloris, plus souvent sur le pré : «À chaque fois que je le vois jouer, il est excellent. Si vous êtes à sa place aujourd'hui, vous vous dites forcément : "C'est le moment de me donner ma chance." Et je pense en effet que c’est le moment».

«Il devrait être au maximum de ses capacités aujourd'hui, mais il paraît plus tendu que lorsqu'il est arrivé de Lyon il y a sept ans.» (Jermaine Jenas sur la BBC)

Hugo Lloris est critiqué pour ses performances en Championnat, à mille lieues de ses prouesses en Ligue des champions. (Photo : Simon Stacpoole/Offside)

Mais les critiques acerbes ne s’arrêtent pas là. Pendant que le Times se lâchait en assurant que le Français n’était plus digne de la «loyauté» de son coach, l'ancien joueur Tony Cascarino n’y allait pas de main morte au moment de donner son avis sur le capitaine des Bleus sur TalkSport : «Oui, il a gagné la Coupe du monde. Il était derrière une très bonne équipe de France. En finale, il a fait une ignoble erreur. Je pense qu'il en fait plus souvent que la plupart des gardiens de haut niveau. Est-ce que je pense que Lloris est un gardien capable de soulever trophée sur trophée ? Je ne l'ai jamais pensé et le dis depuis des années maintenant. Il n'a jamais été assez bon pour gagner la Premier League». Le ton est dur et Lloris doit composer avec une horde de sulfateuses venues l’assaillir. Et malgré tout, le Français a su rebondir, offrant à ses détracteurs une riposte à la hauteur de son talent.

L'Europe comme échappatoire

Excellent face à Dortmund en huitièmes de finales, Hugo Lloris a de nouveau frappé un grand coup la semaine passée lors du quart de finale aller de Ligue des champions opposant, dans leur nouvel antre, les Spurs à Manchester City. Impérial sur sa ligne, le Français s’était mué en mur et s’était montré à son avantage face aux ouailles de Pep Guardiola. Rassurant, concentré, il avait même détourné le penalty de Kun Agüero en début de rencontre. Lui, si décrié dans cet exercice, a réussi la prouesse de stopper les trois penalties auxquels il a fait face sur l’année 2019. Et après s’être fait dézingué en bonne et due forme, Lloris a reçu les félicitations de ses coéquipiers. «C’est un très grand gardien. On peut toujours compter sur lui», martelait Lucas après la victoire 1-0 des Londoniens. De son côté, Fernando Llorente abondait dans le sens du Brésilien : «Son a marqué un joli but, je suis content pour lui. Mais je voudrais vraiment remercier Hugo Lloris, car il a été décisif». Après l’avoir allègrement critiqué, la presse anglaise s’est ravisée et a applaudi des deux mains la performance du champion du monde. Le Daily Mirror l’a élu homme du match et le Daily Mail a affirmé que «ses grosses erreurs sont oubliées après son arrêt brillant» sur le penalty d’Agüero.

Lire : Les notes de Tottenham - Manchester City avec le mur Lloris

De son côté, Lloris n’a pas voulu ajouter de l’huile sur le feu, assurant qu’il était passé à autre chose depuis bien longtemps : «Dans une saison, il y a des hauts et des bas. Il faut faire avec. Je ne fais pas vraiment attention à ce que les gens disent. Je me concentre uniquement sur mon travail et je pense que j’ai fait preuve de beaucoup d’investissement envers mon club et mes coéquipiers. Personne n’est parfait, on peut faire des erreurs et la meilleure chose, c’est la réaction à avoir. Ce n’est pas une réponse à ce genre de personnes». Le constat est clair. Hugo Lloris a digéré cet amas de remarques acides sur son niveau. Pochettino, lui, n’avait jamais douté du Français, lui assurant une confiance de tous les instants. Le 2 mars dernier, il affirmait que son capitaine «n’avait rien à prouver». Capitaine qu’il avait décrit un mois auparavant «comme l’un des meilleurs gardiens de la planète».

Lloris a prouvé qu’il pouvait encaisser les coups. Encore et encore. Ce qu’avait prédit l’ancien gardien des Spurs, Tony Parks. «Les meilleurs gardiens sont les plus forts entre leurs deux oreilles. Ils ont la résilience face aux erreurs, soulignait l’Anglais dans les colonnes du Sun. Comme Ray Clemence ou Hugo Lloris, ils sont un cran au-dessus. Si vous regardez à travers l'histoire, vous verrez Ray Clemence, Peter Shilton, Gordon Banks, Lev Yashin, tous les grands ont fait des erreurs. Il sera comme eux. Il fait bien plus d'arrêts et fait plus de bien». Et face à City, Lloris n’a pas failli à sa réputation. Celle d’un gardien de talent sur sa ligne capable de coups d’éclats. Le Français est finalement à prendre avec ses qualités et ses défauts. A 32 ans et plus de 250 matches sous le tricot de Spurs, il a démontré de belles choses. Et si Cascarino soulignait le palmarès quasi vierge du Français, celui qui dispute le deuxième quart de finale de C1 de sa carrière a tout de même participé à une finale d’Euro et a remporté un Mondial. Et à ce que l’on sache, comme face à City, il n était pas étranger au résultat final.

«Les meilleurs gardiens sont les plus forts entre leurs deux oreilles. Ils ont la résilience face aux erreurs. Comme Ray Clemence ou Hugo Lloris, ils sont un cran au-dessus.» (Tony Parks dans The Sun)

Mehdi Arhab