andre (benjamin) (F.Porcu/L'Equipe)

De Saint-Raphaël à Rennes : Itinéraire de Benjamin André, le maître à jouer du Stade Rennais

Constant depuis plusieurs saisons sous le maillot du Stade Rennais, Benjamin André est un joueur qui fait rarement la Une des journaux. Discret, le milieu de 28 ans préfère briller sur le terrain. Portrait.

«Il a toujours été dans les tout meilleurs de son équipe.» S'il est rarement dans la lumière des projecteurs, Benjamin André n’en reste pas moins un joueur performant, à la progression exponentielle. Né d’un père sénégalais et d’une mère française, c’est à Nice qu’il voir le jour. Mais ses premiers pas sur un terrain, il les effectue au sein du Stade Raphaëlois, club proche de Fréjus. «Benjamin, il était débutant au Stade Raphaëlois. C’était déjà un garçon talentueux qui savait ce qu’il voulait», raconte Gaëtan Laclef, responsable de la préformation du club. Né dans une famille biculturelle, Benjamin André a reçu une éducation très valeureuse. «Sa famille lui a donné une très bonne éducation, certaines valeurs très importantes dans le sport. Les valeurs de la vie, c’est les mêmes que dans le sport», explique Laclef.

La fiche de Benjamin André

Et dès son plus jeune âge, Benjamin André va mettre à exécution les mots que lui répétait son père : «Ce que tu fais, il faut le faire pleinement en prenant du plaisir.» Son ancien meilleur ami, Mickaël Le Bihan (OGC Nice), se souvient : « Nous déjà on était très très proches. On était vraiment meilleurs amis parce que tous les week-ends soit je dormais chez lui, soit il dormait chez moi. Vraiment tous les week-ends on était l’un chez l’autre.» L’actuel attaquant de Nice se souvient d’une anecdote sur les plages de Saint-Raphaël : «Il était toujours foufou (rires), très marrant. Je m’en rappelle quand on était à la plage, sur les criques, c’était le seul qui sautait. On avait des rochers, tout le monde avait un peu peur et lui il était là, il sautait tout seul. Il était vraiment foufou».

Education, foot et figure paternelle

Boute-en-train en dehors du terrain, Benjamin André n’est plus le même garçon une fois les crampons enfilés. «Ben a toujours été quelqu’un de combattant. On avait dix ans mais cette envie de toujours gagner et cette âme de combattant à cet âge-là, c’était vraiment impressionnant», poursuit Le Bihan. Un caractère qu’il s’est forgé dès ses 11 ans, après le décès de son père. Le jeune garçon a très vite dû endosser le rôle de chef de famille. «Je sais que lui, ça l’a renforcé. Ça lui a forgé un mental, un moral. Il avait peut-être 11 ans, mais il a été très costaud. Je pense que comme son père n'était plus là, c’était un peu lui l’homme de la famille. C’est de là qu’il a commencé à se dévoiler. Il a pris en maturité, c’est une évidence», explique Laclef. Une maturité que confirme Mickaël Le Bihan : «Je suis arrivé un peu après mais on sentait qu’il lui manquait un père de famille, il lui manquait son père. Mais ce qui a été impressionnant, c’est qu’à 10 ans, on avait l’impression que c’était l’homme de la maison parce qu’il y avait sa grande sœur et sa mère. Il parlait, il avait 10 ans, on avait l‘impression qu’il en avait 25.»

S'il a très vite pris ses responsabilités dans la vie, le Niçois de naissance les prenait aussi sur le terrain. «Dans le foot, il était vraiment serein, il dégageait une confiance en lui, c’était vraiment incroyable. Entre 10 et 15 ans, c’était celui qui était le leader de chaque équipe. Je me rappelle, à 13 ans, on perdait des matches dans les quartiers de Marseille où certains avaient peur que ça finisse en bagarre, lui il s’en foutait. S’il fallait tacler le mec, il le taclait. Il bougeait un peu tout le monde et à cet âge-là, c’est ce qui m’avait choqué», poursuit Le Bihan. «Il était déjà assez meneur. Il était aimé de ses coéquipiers, respectueux. Je ne dirais pas que c’était un leader avec la voix mais il en était un sur le terrain, naturellement. Quand je le voyais, il montrait automatiquement l’exemple. C’était un gars un peu comme Laurent Blanc. A cet âge-là, il n’avait pas besoin de parler», ajoute Gaëtan Laclef. Benjamin André avait certes un état d’esprit irréprochable, mais il avait aussi un talent au-dessus de la moyenne. Ce qui lui a permis, à 15 ans, d’être repéré par l’AC Ajaccio.

«Je sais qu'il adore la Corse»

Après avoir conquis sa terre natale, Benjamin André s’envole donc pour la Corse. Gaëtan Laclef explique comment le jeune milieu de terrain s’est retrouvé à l’AC Ajaccio : «C’est tout simple. Il était en sélection, on a fait une triangulaire entre Ajaccio, une sélection et le club de Saint-Raphaël et ce jour-là, il a crevé l’écran. En U15, il avait un éducateur qui s’appelle Sylvain Goulard, qui a été très important pour lui, qui l’a bien guidé, qui l’a bien soutenu aussi.» Après trois ans passés au sein des équipes jeunes de l’ACA, Benjamin André est lancé dans le grand bain par Gernot Rohr face à Sedan, en 2008-09. Ludovic Guerreiro, qui l’a côtoyé à Ajaccio, se souvient d’un gamin très concerné : «C’était un travailleur et avec ses prestations, il a été encore plus intégré. Parce qu’un jeune qui arrive, qui est bosseur, qui est à l’écoute et performant, il s’intègre rapidement au groupe. On oubliait même que c’était un des plus jeunes de l’équipe. Pour nous, c’était devenu un titulaire et il n’y avait pas d’âge qui comptait.» Très performant, il s’impose sans surprise comme un cadre de l’effectif ajaccien. «C’était vraiment quelqu’un dont on sentait qu’il voulait, malgré son âge, être important dans l’équipe. Ça ne me choquait pas car il avait une attitude irréprochable. Et ses performances étaient dans la lignée logique de son comportement», ajoute Ludovic Guerreiro.

Arrivé en Corse en pleine adolescence, Benjamin André est tout de suite tombé amoureux de cette terre qui l’a vu mûrir. Aujourd’hui encore, à 28 ans, le capitaine du Stade Rennais retourne sur l’Ile de beauté lorsqu’il doit se ressourcer. «Je sais qu’il adore la Corse. La dernière fois qu’on a vraiment parlé, je lui ai dit "je ne te vois pas beaucoup à Saint-Raph" et il m’a dit "franchement, dès que j’ai du temps libre, je ne retourne pas trop à Saint-Raph, je rentre plutôt en Corse". Donc je sais que la Corse lui a énormément plu. Quand je suis parti à Lorient, le moindre week-end de libre, je rentrais à Saint-Raphaël et lui, voilà, il restait en Corse. Il était vraiment bien là-bas. Et c’est tant mieux pour lui», raconte Le Bihan.

«Plus posé», «performant» mais «sous-coté»

Pourtant, Benjamin André ne fera pas toute sa carrière en Corse. En 2014, en fin de contrat et après la relégation de l’ACA en Ligue 2, il décide de franchir un cap et de s’engager avec le Stade Rennais. Bien lui en a pris parce qu’en quatre saisons passées en Ille-et Vilaine, le joueur s’est imposé comme l’un des tout meilleurs milieux de Ligue 1 d'après ceux qui l’ont côtoyé. «Ça ne me surprend pas de le voir à ce niveau. J’irais même plus loin, Rennes, c’est un bon club, mais je pense qu’il peut prétendre à un club plus huppé», abonde Gaëtan Laclef. «Après Rennes, je pense qu’il n’a rien à envier pour jouer dans un club comme Marseille, Lyon ou Monaco, même si Rennes est un club ambitieux», complète Ludovic Guerreiro. Steven Moreira, défenseur du TFC, avec qui Benjamin André a partagé deux saisons, ajoute : «Je pense que c’est un joueur sous-coté.» Pour Mickaël Le Bihan, la clé de sa régularité se trouve dans son attitude. «Je pense qu’il s’est calmé. Quand je le vois, je le sens beaucoup plus posé. Il était beaucoup plus foufou quand il était jeune. Ça lui permet d’être vraiment concentré pendant 90 minutes. Il n’est pas discret mais posé. Il sait ce qu’il veut, il sait ce qu’il fait.»

Gaëtan Laclef, qui a vu grandir Benjamin André, conclut : «Quand je le vois aujourd’hui, je ressens de la fierté parce que j’ai encore l’image en U9 quand on était allé faire un plateau. On avait pique-niqué avec son papa. Son papa lui a transmis un message. Il doit être heureux son père là-haut, sa sœur et sa mère aussi, mais plus le papa. Il n’a pas eu le temps de voir tout ça, mais il lui fait honneur. Il a bien bossé pour en arriver là et je pense que son père, du ciel, lui a donné cette force.»

Damien Irié