(VANDEVILLE ERIC/L'Equipe)

De Jésus à Judas, Edinson Cavani a marqué l'histoire de Naples bien au-delà de l'aspect sportif

Mardi, lors de Naples-PSG en Ligue des champions, le stade San Paolo va retrouver l'une de ses anciennes idoles. Entre amour fou, trahison et symboles forts, Edinson Cavani ne laisse pas la ville indifférente.

Trois saisons (2010-2013), 104 buts, Edinson Cavani a marqué de son empreinte le club de Naples sur le plan purement footballistique. Mais l'attaquant uruguayen a également laissé une image très importante qui va au-delà de l'aspect sportif. «Il représentait beaucoup de choses pendant ces trois ans, il était l'une des idoles du San Paolo. C'était le parfait soldat pour les supporters.» Voilà comment le décrit Mirko Ioime, grand connaisseur du club napolitain. Le quotidien d'un joueur à Naples n'est pas celui d'un joueur dans la capitale française selon lui : «À Naples, on ne peut pas avoir une vie comme celle qu'on a à Paris. Sortir boire un café, aller au restaurant, ce n'est pas possible. Pour Cavani, c'était un degré supérieur par rapport à ses coéquipiers, il ne pouvait pas passer deux minutes dans la rue sans signer des autographes.» Pour Romain Molina, auteur de la biographie El Matador, l'attaquant de la Celeste était «ultra adoré» mais son image n'était pas celle d'un Lavezzi : «À l'époque, c'était l'équipe des trois ténors avec Hamsik et Lavezzi, estime-t-il. S'il était populaire, Cavani n'avait pas l'amour qu'avait pu avoir un Lavezzi, plusieurs Napolitains me l'ont confirmé. Peut-être parce que Cavani avait un côté moins proche des gens, du moins c'est ce qu'il pouvait dégager.» Lorsque «Pocho» Lavezzi a quitté le club pour le PSG (2012), les Tifosis n'avaient d'yeux que pour l'Uruguayen dont l'image prenait un second souffle. Même si le joueur a toujours eu cette réputation de machine et que les supporters le voyaient intrinsèquement supérieur à Ezequiel Lavezzi.

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«Le départ à Paris a été considéré comme une trahison»

C'est à travers cette image très symbolique que Romain Molina qualifie le changement d'Edinson Cavani après son départ pour le PSG (2013). Alors qu'il certifiait qu'il ne partirait jamais du club, ce changement soudain n'est pas vraiment passé à l'époque. Mirko Ioime confirme que sa cote d'amour a été entâchée, les supporters n'ayant pas vraiment compris : «Le départ à Paris a été considéré comme une trahison parce qu'il faut être honnête, le Championnat de France est considéré en Italie comme une Ligue de seconde zone et que ce départ n'avait pas forcément à voir avec le sportif.» La communication, très floue, a également contribué au malaise entre les supporters et le joueur : «Ça s'est mal passé au niveau des fans parce que la communication n'a pas été bonne. Le président De Laurentiis a tout fait pour dire que Cavani était avide d'argent alors qu'il était bien content d'avoir ce transfert», lance Romain Molina. Un an après son départ, son image a complétement été modifiée et lors du match amical entre Naples et le PSG en août 2014, Edinson Cavani a été conspué sur chaque touche de balle. «Il a eu quelques signes d'agacements avec des gestes démonstratifs comme la main sur l'oreille», raconte Mirko Ioime. Rappelons également que ce match avait été décalé en raison de la colère des supporters suite au transfert de leur attaquant...

Quand les supporters débarquent à l'aéroport pour accueillir Cavani

Malgré tout, son image a changé depuis cette histoire et tout s'est nettement apaisé. La raison est simple, si Cavani était considéré comme un traître, le transfert de Gonzalo Higuain du côté de la Juventus (2016, contre 90 millions d'euros) a totalement fait oublier cette signature dans un club étranger. «Même s'il est passé de Jésus à Juda, ce qu'il s'est passé avec Higuain a totalement changé l'opinion des gens, il y a du respect pour Cavani, pas pour Gonzalo», certifie Romain Molina. Pour appuyer ses propos et prouver que l'image de Cavani est redevenue forte, une folle anecdote montre l'amour toujours fusionnelle avec les tifosis. C'était juste après la Coupe du monde, une journée tranquille se présentait du côté de Naples avant qu'une folle rumeur ne traverse la Méditerranée : Cavani serait de retour. En apprenant cette information, des dizaines de supporters se précipitent à l'aéroport pour accueillir le Matador.

Si la rumeur s'éteint aussi rapidement qu'elle était apparue, voici la preuve que l'attaquant est toujours désiré par les supporters. «À Naples, les gens savent très bien que si Cavani doit revenir, il devra baisser rigoureusement son salaire ou venir libre», avoue Mirko Ioime. Cette possibilité est loin d'être utopique, car Edinson Cavani a toujours de grosses attaches avec la ville puisque son ex-femme et ses enfants vivent toujours là-bas.

Sa femme et ses enfants vivent toujours à Naples.

Une image digne de Maradona ?

Beaucoup ont estimé qu'Edinson Cavani était une idole, comme dans les plus belles années de Maradona. «Incomparable» pour Romain Molina, tandis que Mirko Ioime estime que «Maradona est inégalable. On lui a retiré son numéro 10, il a fait gagner Naples à lui tout seul à une époque particulière. On peut par exemple comparer Cavani à un Antonio Careca (célèbre attaquant brésilien entre 1987 et 1993), que ce soit au niveau des buts ou de son image à l'époque.» Malgré tout, plusieurs symboles ont été érigés pour l'attaquant dans la ville. Une statue, un rond point Edinson Cavani, et même une pizza ont été inventés pour le joueur. Cette dernière avait la forme d'un chapeau de Matador. Une autre anecdote illustre également la relation entre la ville et Cavani. Un soir, sur un scooter, deux jeunes "travaillant" certainement pour la mafia, dérobaient une montre à une femme : la compagne de Cavani. Si cette dernière a bien évidemment porté plainte auprès de la police, les forces de l'ordre recevaient quelques jours plus tard une lettre anonyme indiquant où retrouver la montre avec des excuses à l'appui car la mafia était une grande fan du Matador... C'est dire.

Florian Gregoire