(L'Equipe)

Dans la tête de Neymar : le dernier tacle à retardement de Julien Cazarre à lire en intégralité

Pendant la Coupe du monde, Julien Cazarre se met à la place d'un acteur de la compétition. Cette semaine, place à Neymar.

C’est quoi cette foutue manie qu’on a, nous les Brésiliens, de chialer tout le temps sans arrêt pour un oui ou pour un non ? On perd, on chiale, on gagne, on pleure, on entend l’hymne, on chouine, on se casse un ongle, on perd notre doudou, on se casse un talon et, bim ! on fait couler le rimmel. Ça va commencer à se voir les mecs. Tu mets vingt Brésiliens devant la Liste de Schindler, en mètres cubes de flotte, tu résous le problème de l’Afrique (non, pas le niveau de la CAN... la sécheresse). C’est quand même un peu con de parler portugais et de ne pas régler une bonne fois pour toutes ce problème de fuite d’eau.

En même temps, vous êtes marrants les gars, mais nous, on a un trop-plein d’émotion qu’on n’arrive pas à canaliser, on est comme ça, c’est la vie. Vous n’allez pas nous saouler parce qu’on est humains, qu’on ressent des choses et qu’on a un cœur ? Mais, merde, vous êtes qui pour juger ? Et puis, c’est toujours pareil avec vous, vous comprenez rien ! Vous êtes trop nuls ! Vous savez pas ce que c’est d’avoir ses règles à treize ans et d’être amoureuse ! (houlà, je suis en train de virer Sophie Marceau dans la Boum, là je craque complet). Pff, je sais pas d’où ça nous vient ce truc. C’est pas les origines portugaises, ça c’est sûr, les Portugais, c’est le contraire, tu sais jamais si le mec est heureux ou triste ou s’il vient de se brûler au cinquième degré. Il fait toujours la même tronche du gars qui sait que, malgré Magellan et Vasco de Gama, on le prendra toute sa vie pour un poseur d’enduit avec une fatalité déconcertante (pardon, une fatalidad...). C’est pas non plus les origines africaines, les gars sont tout le temps en train de se marrer là-bas. Quand tes stars sont Nakoulma, Diabaté ou Moukandjo et que tu fais la danse du soleil dans des stades blindés, c’est que t’as une certaine appétence pour la joie de vivre... Et je te dis pas avec Sadio Mané et Aubameyang, là, c’est carrément la quinzaine du smiley.

Ce qui est dingue, c’est qu’à peine plus au sud de chez nous, t’as les Uruguayens et les Argentins qui, pour le coup, sont vraiment pas des chialeuses. Déjà, l’Argentin quand il danse le tango, il est droit, il est fier, il a le visage fermé, ça en jette. Nous, tu mets un remix de Big Bisous, on peut pas s’empêcher de trémousser du cul en slip multicolore avec des plumes partout, et je dis bien partout. Ce qui nous a manqué, c’est peut-être une petite visite des Allemands dans les années 1940, ça nous aurait appris le contrôle des émotions... Bon, y en a eu, mais pas assez. Ceci dit la dernière visite des Allemands chez nous, on a encore chialé. Alors, ben ouais, c’est comme ça, on est des chouineuses. Messi, lui, il est argentin, il est chaud à l’intérieur, froid à l’extérieur, il est beau, il est noble, il ne montre aucune émotion. Faut le voir depuis le début du Mondial, pas une grimace, pas un rictus. Le gars, il prend 3-0 contre la Croatie, il se fait humilier, rien, pas une larme, pas une émotion... Ça, c’est un vrai mec... Ou c’est un pauvre type qui est en train de se dire que, malgré son palmarès et son fric, il ne sera jamais une idole dans son pays, comme Maradona... Qui, lui, a pleuré en 1990... On sait pas.

Nous, on a un trop-plein d'émotion qu'on n'arrive pas à canaliser, on est comme ça, c'est la vie.

Messi, le gars, il prend 3-0 contre la Croatie, il se fait humilier, rien, pas une larme, pas une émotion...

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