varane (raphael) (R.Martin/L'Equipe)

Coupe du monde, France-Croatie : comment Varane s'est émancipé de Sergio Ramos

Parfois critiqué pour ses performances sans Sergio Ramos, Raphaël Varane profite de cette Coupe du monde comme d'une formidable vitrine. Celle pour enfin laisser paraître le vrai défenseur, leader, patron et pour le moment irréprochable.

«Raphaël se réfugie encore trop derrière la personnalité forte de Sergio Ramos, son compagnon de la charnière. On aimerait le voir s'imposer comme un leader, notamment quand Sergio n'est pas là et qu'il est accompagné de Nacho ou de Vallejo. On attend de lui qu'il soit le patron.» Ces mots-là sont ceux d'un interne du Real Madrid, relatés par L'Equipe en avril dernier, juste avant la rencontre décisive entre les Merengue et la Juventus, futur fief de Cristiano Ronaldo. À l'époque, la vox populi est unanime sur ce point : Varane manque de leadership, de poigne.

D'autant plus avec les Bleus, alors qu'il se retrouve orphelin de l'alpha mâle Sergio Ramos, capitaine charismatique et influent du Real. Depuis, pourtant, la donne a bien changé. Comment ? Pourquoi ? Nul ne le sait très exactement. Raphaël Varane n'a jamais été mauvais, tout l'inverse même, mais la logique voulait que sa vitrine à trophées surchargée lui permette de se muer en leader. Ah, ce fameux leader... Lloris ? Pogba ? Varane ? Griezmann ? Aujourd'hui, alors que l'équipe de France s'apprête à jouer la troisième finale de Coupe du monde de son histoire, ils semblent l'être un peu tous. Et au milieu de la mêlée, trône un peu plus chaque jour un certain défenseur passé par Lens.

Air Varane

On connaissait sur le bout des ongles sa vitesse, son aisance dans les duels, son sens de l'anticipation et ses qualités dans le domaine aérien. Et c'est sur ce dernier aspect que Raphaël Varane éblouit lors de cette Coupe du monde russe. Son match face à la Belgique en est la plus belle démonstration, alors qu'il fallait se coltiner Romelu Lukaku, Marouane Fellaini ou Vincent Kompany. Là, "Raph" a répondu présent, notamment en fin de match. Impérial au duel, sur les coups de pied arrêtés et appliqué sur son timing de saut, sa technique, son agressivité et son vice, on l'a senti à l'aise. Assez pour insuffler cet état d'esprit à tout le groupe, aux jeunes comme aux moins jeunes. Les 180 minutes d'invincibilité de l'équipe de France, dont le dernier but encaissé remonte au huitième face à l'Argentine, n'y sont évidemment pas étrangères. Le trio Lloris-Varane-Umtiti, bien aidé par les performances XXL de Pogba, Kanté et cie, semble parfois insubmersible. Pis, Raphaël Varane s'est aussi imposé dans les airs face à l'Uruguay, cette fois-ci dans l'autre surface, pour ouvrir le score et permettre aux Bleus d'entrevoir les demi-finales. Une domination aérienne qui caractérise en grande partie le Mondial du défenseur madrilène. Et qui en impose. Quand le dernier rempart est rassurant, tout va souvent pour le mieux.

Il ne force pas sa nature, il l'impose désormais

Et si c'est évidemment via son jeu qu'on sent un Raphaël Varane au pic de sa forme, loin des critiques et de sa collaboration avec Ramos, c'est aussi par sa personnalité qu'il est en train de faire rêver tout un pays. Il ne sera jamais un aboyeur, un meneur d'hommes, c'est une évidence. À l'inverse, un peu comme Hugo Lloris peut l'être, il est l'incarnation d'un leadership taiseux, calme et limpide. Un soft-power version défense centrale qui fait grand bien aux Bleus, alors que Paul Pogba semble avoir pris le pouvoir, par ses prises de parole et son niveau, d'un autre discours, celui-ci plus enthousiaste et affirmé. Raphaël Varane, lui, semble se plaire dans ce rôle. Il n'a pas besoin de crier, d'encourager à tout va alors que d'autres en sont bien plus capables. Et alors que Sergio Ramos l'est au Real, et que Varane n'a pas besoin de se mettre en avant, c'est avec les Bleus qu'on le sent cette fois un peu plus libéré. Sans y ajouter une once de pression supplémentaire, il est peut-être devenu ce leader insoupçonné par la force des choses et des résultats, mais la France peut désormais compter sur un taulier en charnière centrale. Et quel luxe d'avoir un taulier d'à peine 25 ans, qui a toutes les cartes en main pour devenir un très grand. Et sur ce chemin-là, se dresse évidemment une Coupe du monde, qu'il va tenter, dimanche, de remporter.

Antoine Bourlon