Soccer Football - 2018 World Cup Qualifications - Europe - Belgium vs Cyprus - Heysel Stadium, Brussels, Belgium - October 10, 2017 Belgium's Eden Hazard celebrates scoring their third goal with Thorgan Hazard REUTERS/Francois Lenoir (Reuters)

Coupe du monde 2018 : que vaut vraiment la Belgique d'Eden Hazard ?

Intouchables lors des éliminatoires (neuf succès, un nul), les Diables Rouges se sont qualifiés sans encombre pour leur deuxième Coupe du monde consécutive, démontrant une redoutable force offensive. Peut-on pour autant les placer parmi les favoris ? Entre méfiance et ambition, la Belgique hésite encore.

D’un match amical passé à courir après le ballon face à l’Espagne (0-2), en août 2016, à la tournée des frères Hazard, mardi face à Chypre (4-0) pour conclure une phase éliminatoire à la Coupe du monde 2018 quasi-parfaite (neuf victoires, un nul), il s’est passé beaucoup de choses au sein de la sélection belge. Traumatisés par l’élimination en quarts de finale de l’Euro 2016 face au Pays de galles (1-3) il y a quinze mois, les Diables Rouges ont su se relever, s’extirper sans trembler d’un groupe très abordable (Grèce, Bosnie, Estonie, Chypre, Gibraltar), tutoyer la force de frappe allemande (43 buts marqués chacun en dix matches)… et incarner un favori en puissance ?

«Le Belge n'aime pas du tout se mettre dans la peau du favori, rappelle en préambule Guillaume Gautier, journaliste pour Sport/Foot Magazine. Il préfère que ce soit les autres qui disent qu’il a une bonne équipe, de peur qu'on se moque de lui s'il échoue. Et puis il y a eu un refroidissement général après les éliminations en quarts de finale à la Coupe du monde 2014, puis à l’Euro 2016. Le public et les journalistes restent prudents, voire méfiants, mais les joueurs, eux, visent une demi-finale.» Un objectif plus que raisonnable selon Ludovic Butelle, gardien de Bruges : «Pour moi, c’est clairement un favori. Cette sélection fait peur, parce qu’elle est devenue redoutable et a trouvé la bonne formule.»

La révolution Martinez

La petite révolution belge porte donc un nom : Roberto Martinez. Avec l’ancien manager d’Everton, les Diables Rouges se sont dotés d’un coach neuf (ou d’un coach tout court, selon certains), qui a instauré un système très ambitieux misant non plus sur les exploits individuels, mais sur une vraie force collective. Ce 3-4-2-1 a fait des ravages en éliminatoires, et présente l’avantage de mettre les éléments majeurs de l’équipe dans leur position préférentielle, à commencer par Eden Hazard et Kevin De Bruyne. «La méthode anglaise correspond bien aux joueurs, comme le système d'ailleurs, qui est utilisé par la plupart des équipes où évoluent les éléments majeurs de la sélection», précise Butelle.
 
Contraint à l’exploit individuel sous Marc Wimots, le capitaine et son lieutenant ont désormais une multitude de possibilités autour d’eux. «Auparavant, la tactique était plutôt sommaire, donc il y a pas mal d'évolutions à ce niveau-là, confirme Guillaume Gautier. Martinez a rapidement mis en place cette défense à trois qui a très bien fonctionné. Mais le gros avantage de ce système, c'est que ça sublime Hazard, le meilleur joueur de l'équipe, et que ça permet de l’associer dans de bonnes conditions à De Bruyne, Mertens, Lukaku et Carrasco... Autant de joueurs qui sont des garanties d’occasions de but.» Et ça paye, puisque les Diables ont marqué toutes les 21 minutes en moyenne lors de cette campagne de qualifications.

Nainggolan, victime populaire

Et pourtant, Roberto Martinez est loin de faire l’unanimité en Belgique. Curieux ? Pas tant que ça, le technicien espagnol s’étant un peu coupé du peuple en utilisant à fond la langue de bois, mais surtout en laissant de côté Radja Nainggolan, pilier de la Roma et chouchou du public. «C’est le sujet principal dans les médias», révèle Butelle. «Il y a un vrai débat ici, parce que la victime majeure de tout ça, c'est Nainggolan, et il a une grosse cote de popularité, reprend Gautier. Mais il n'a pas trouvé sa place dans le système de Martinez. Le coach a besoin d'un joueur devant la défense qui contrôle, qui reste en place, comme Witsel ou Fellaini. Selon lui, Nainggolan ne sait pas remplir ce rôle, et je suis assez d'accord parce que c'est un joueur porté vers l'avant, un peu trop indiscipliné. C’est un choix sportif que les gens ne comprennent pas, notamment parce que la communication à ce sujet est un peu floue. Le public a l'impression qu'on lui cache quelque chose.»

À lire, cette semaine dans France Football, le portrait de Radja Nainggolan : «Tortueux Ninja»

Ce qui saute aux yeux, en revanche, c’est l’autre sujet d’inquiétude autour du style Martinez. En utilisant des latéraux ultra-offensifs comme Thomas Meunier et surtout Yannick Carrasco, la Belgique s’expose sur les côtés. Face à une opposition relevée, le risque d’explosion tactique demeure. «Notre ligne défensive est faite pour jouer haut, donc le projet est cohérent, mais dès qu'un contre est bien mené, on se retrouve vite en difficulté», note le journaliste belge, qui ne s’inquiète pourtant pas outre-mesure : «Le repli défensif de Carrasco est pointé du doigt, mais il apporte tellement offensivement qu'il est plus un danger pour ses adversaires que pour son équipe. Avant de chercher l'espace dans son dos, ils réfléchissent d'abord à la façon de l'empêcher de créer des solutions avec Hazard ou De Bruyne...»

«Quand on a un joueur comme Hazard...»

Pour vérifier la solidité du bloc belge, il faudra donc vraisemblablement patienter jusqu’à l’été prochain, même si l’arrière-garde emmenée par Courtois, Vertonghen ou Alderweireld n’a encaissé que six buts lors des éliminatoires (dont trois dans un match décousu en Bosnie, alors que la qualification était déjà acquise). «Ce système correspond à la philosophie de l’entraîneur, coupe Ludovic Butelle. Il fait ses choix, si ça ne marche pas on pourra polémiquer, mais là ça joue bien et ça gagne ! Pour moi, le danger serait plutôt de croire que ce sera facile contre une équipe a priori plus faible. On l’a vu à l’Euro face au Pays de galles. Ils avaient déjoué, fait preuve de nervosité, mais je pense que ça leur a servi de leçon.»
 
«Comme le groupe de qualifications était faible, le refrain est toujours le même, précise Guillaume Gautier. C’est contre une grande nation qu’on pourra juger du niveau de cette équipe. Mais quand on a un joueur comme Hazard, on est obligé d’avoir des ambitions élevées. Il n’y aura pas cinq joueurs capables de faire autant de différences que lui à la Coupe du monde. En Bosnie, le terrain était embourbé, mais dès que le ballon lui arrivait dans les pieds, on avait l’impression qu’il jouait sur un synthétique !» Bref, il n’y a plus qu’à suivre le guide.

Cédric Chapuis