capelle (pierrick) (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Coronavirus : Le gros coup de gueule de Pierrick Capelle, «Le Français n'est pas au niveau du monde»

Présent sur la liste «Solidarité, Écologie, Modernité pour un développement harmonieux de Saint-Léger-de-Linières» dans le Maine-et-Loire, le joueur du SCO Angers a vu cette liste l'emporter en recueillant 60,4% des voix. Sauf que Pierrick Capelle n'a pas vraiment envie de sourire. Le gaucher pousse un gros coup de gueule face à l'indiscipline française devant le coronavirus.

«Comment avez-vous accueilli cette victoire dès le premier tour ?
Pour moi, c'est inutile d'évoquer les élections dans le contexte tel qu'il est aujourd'hui. Je préfère qu'on fasse des gros titres de prévention ou de discipline sanitaire. C'est un bon moyen de rappeler aux gens qu'il faut qu'ils restent chez eux !
 
Vous avez certainement vu certaines photos ou vidéos à Paris, notamment dimanche...
Notamment. Et j'imagine que c'est partout en France. Le Français ne prend pas la mesure. Moi le premier : la semaine dernière, je ne prenais pas la mesure. Là, on arrive à un stade où ce n'est plus possible de jouer comme ça avec la santé nationale. Si chacun est discipliné, c'est seulement comme ça qu'on peut essayer de faire baisser la contamination et réussir à s'en sortir. Les chiffres et les prévisions des épidémiologistes sont terribles. En France, il y a 5 000 postes de réanimation respiratoire avec 5 000 appareils. A un moment donné, s'ils sont blindés, comment fait-on pour le reste de la population ? Il peut y avoir énormément de morts. C'est catastrophique. Ça fait flipper. Les élections, oui, c'est bien, super, on a été élu au premier tour. Mais, là, pour le moment, ce n'est pas parce que je suis conseiller municipal que le coronavirus va s'arrêter.

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-Elections municipales : Les résultats des footballeurs et ex-footballeurs engagés sur une liste

Vous n'avez pas vraiment célébré ça dimanche soir...
Rien ! C'est impossible. Puisque les élections municipales étaient maintenues, des personnes ont fait le dépouillement, etc, mais ça fait du rassemblement de personnes, et ce n'est pas logique. C'est vraiment de la conscience personnelle et de la discipline sanitaire pour ne pas prendre ça à la légère. Ne pas se dire : "Ouais, mais ça n'arrivera pas jusqu'à chez nous. De toute façon, on ne l'attrapera pas, je suis en bonne santé, je suis en forme."
Vous avez deux enfants : comment leur avez-vous expliqué la situation ?
On explique qu'il y a un virus dangereux, il circule par les personnes... Je ne peux même pas expliquer réellement. On dit juste qu'il y a des mesures qui sont prises et que le programme des prochains jours est de s'amuser à la maison.

«Les infos à la télé, il faut en prendre et en laisser»

Y a-t-il un programme chez les Capelle ?
Il y a un programme. Justement, on a essayé d'établir un planning comme si c'était un emploi du temps de l'école. Une matinée, ce sera telle activité, etc. Au début, on avait inclus une petite balade, mais maintenant, non. On ne voit plus personne et puis voilà... On va ressortir tous les livres qu'on peut avoir et qu'on n'a pas lus depuis longtemps avec les enfants.
 
La télé va rester éteinte ?
Ce sera rare. On essaie plutôt d'avoir des informations auprès de personnes qui sont un peu plus concernées comme notre médecin. Parce que, pour moi, les informations à la télé, il faut en prendre et en laisser.
 
Vous n'allez pas passer vos journées devant BFM TV...
Oh certainement pas !

Parlons tout de même de votre métier de footballeur professionnel : comment gérez-vous cette situation ?
Pour le moment, je n'y pense même pas en fait. On est des sportifs de haut niveau donc on se dit qu'il va falloir s'entretenir un minimum, faire des séances de fitness à la maison, du gainage, de la musculation... Mais c'est tout.
Vous mettez votre métier entre parenthèses...
Là, c'est complètement le cas. On ne sait absolument pas, on a aucune date de reprise. On ne sait pas du tout comment ça va se passer. S'il faut rester en forme pour reprendre la compétition au mois d'août, il y a le temps. Le club a fermé ses portes, même les bureaux. La semaine dernière, on partait sur un programme individualisé, mais il n'y en a même plus parce qu'on devait passer au centre d'entraînement pour récupérer nos GPS. Il n'y a plus rien de tout ça. Chacun continue chez soi, et il n'y a pas d'autres mesures à prendre. C'est logique. Je prêche la bonne parole mais il faut que tout le monde se rende compte que c'est la seule réaction à avoir.

«Je prêche la bonne parole mais il faut que tout le monde se rende compte que c'est la seule réaction à avoir.»

Gagner une élection municipale, est-ce comme gagner un match de football ?
Rien à voir ! C'est satisfaisant, mais le contexte actuel atténue un peu le plaisir. L'équipe est contente, des choses vont essayer de se mettre en place dans la commune, donc c'est bien. Mais il faut d'abord gérer le problème numéro 1. Je préfère mille fois gagner ou perdre un match de foot et que la santé du monde se porte bien.»

«J'ai un peu envie de revendiquer le manque de discipline du Français»

On vous sent agacé.
J'ai un peu envie de revendiquer le manque de discipline du Français qui n'est vraiment pas au niveau du monde. Les Chinois sont extrêmement disciplinés : ça a commencé chez eux, il y a eu confinement, point final, il n'y a pas eu de fioritures. Les Italiens, qui sont beaucoup plus proches que nous, c'est pareil, ils sont confinés, et ça a l'air d'être vachement bien respecté. En fait, j'ai l'impression qu'il faut à chaque fois arriver à un état d'urgence pour se dire "Ohlala, mince, j'ai le feu aux pieds, il va falloir peut-être que je me barre." Mais trop tard ! Ça m'agace un peu.
 
Vous aviez peut-être aspiré à un contexte plus calme pour profiter de cette élection municipale...
Ce sont des personnes que j'apprécie, que j'ai appris à connaître depuis que je suis arrivé ici et avec qui je m'entends très bien. On avait pour idée de faire des petites choses pour la commune. Ça passe par le conseil municipal donc, oui, pourquoi pas, mais ça ne change rien par rapport à ma profession. C'est comme une personne qui veut s'investir un petit peu dans sa commune, tout simplement.

«Je préfère mille fois gagner ou perdre un match de foot et que la santé du monde se porte bien.»

Timothé Crépin