dagba (colin) (N.Luttiau/L'Equipe)

Colin Dagba, singulière ascension du National au PSG

Très bonne surprise de Thomas Tuchel cette saison, Colin Dagba avance à petits pas et prétend à un statut de supersub loin d'être gagné à l'avance. FF retrace son parcours, aussi bien particulier que formateur, des pelouses du National au Parc des Princes.

«Je ne sais pas si c'est très intelligent de le dire ici, mais je l'aime. Vraiment, c'est un gars incroyable. Il est fiable. Il fait des entraînements avec le même niveau et un bon état d'esprit.» Thomas Tuchel se lance rarement dans des tirades adoratrices. Qui plus est avec ses jeunes ouailles, encore en quête de temps de jeu et de développement. Exception faite avec Colin Dagba. Du haut de ses 20 ans et de son mètre 70, le natif de Béthune, cité logée en plein coeur du Pas-de-Calais, a conquis son entraîneur. «Simple, bosseur et humble», comme le confie en privé l'un des titis de la post-formation parisienne, mais aussi tout en discrétion. «C'est quelque chose de familial, par rapport à l'éducation, narre Yann, l'un de ses cousins. Les Dagba, on est comme ça.» Les petits pas du gamin ont cependant commencé bien plus au Nord que Paris. Lillers, puis La Roupie Isbergues, deux clubs de «chez lui», avant de taper dans l'oeil du RC Lens. Sa vocation. «Colin a toujours kiffé le foot, poursuit Yann Dagba. Plus jeune, il venait à la maison, mais comme j'étais danseur professionnel, j'étais souvent en déplacement. Il venait aux fêtes et sinon, on jouait à la console. Des jeux de foot, forcément...»

L'échec à Lens, le rebond à Boulogne

L'ascension peut commencer... ou presque. Après trois ans à Lens, et peu avant de fêter son quinzième anniversaire, les Sang et Or recalent le jeune latéral. Question de niveau, paraît-il. Pas de quoi se décourager, cependant, afin de trouver un nouveau pointe de chute à Boulogne-sur-Mer. «Il était assez jeune, retrace Stéphane Le Mignan, entraîneur qui l'a connu à cette époque. Quand je suis arrivé, il devait jouer avec les U15, il arrivait de Lens où il n'avait pas été conservé. Il avait 17 ans à l'époque. On travaillait en forte coopération avec les éducateurs et les équipes de jeunes, ce qui permettait de suivre l'évolution des joueurs.» Les matches s'enchaînent, comme les semaines d'entraînement, et c'est à cet instant que les cinq lettres de son patronyme font leur apparition dans les petits papiers de l'équipe une.

Le Mignan complète : «On voyait déjà qu'il avait de grosses qualités : physiques, même s'il n'est pas massif, il a de très bons appuis ; dynamisme et explosivité ; technique, avec des facilités balle au pied mais sans jamais en rajouter. Colin jouait simple, avec humilité, sans jamais chercher la complication. Faire les choses les plus simples, c'est souvent ce qu'il y a de plus compliqué...» Son match face aux U17 nationaux du PSG - un hasard, pour le coup - finit de convaincre les décideurs de l'USB, et c'est avec la réserve puis l'équipe première que Colin Dagba fait ses gammes. Un parcours loin des standards des grosses écuries, mais qui n'effraie pas le jeune. Tranquille, comme d'hab'. Le PSG, lui, toque à la porte et recrute, à l'été 2016, celui qui deviendra une option crédible dans le couloir droit.

Personnalité réservée et intégration parfaite

Au club, c'est sa personnalité qui frappe en premier lieu. «C'est comme s'il était arrivé dans une classe à l'université, on fait connaissance et personne ne voit la concurrence avant tout, sourit aujourd'hui Alexis Giacomini, qui fut son coéquipier en U19. Colin a été intégré du mieux qu'on le pouvait. On a tout de suite vu que c'était un bon gars, pas du genre à mettre des coups lors des premiers entraînements. Il était gentil, posait des questions, s'intéressait, rigolait.» Intégration parfaite pour «Dagbiche», surnom tout trouvé par la bande à Timothy Weah et Cie qui, toute bienveillante, lui trouvait aussi le pseudo de demi-titi, référence à son arrivée tardive. Niveau état d'esprit, pas de changement, ne serait-ce que d'un iota.

« En cours d'anglais, on galérait bien quand même et on rigolait bien. Et disons que j'étais meilleur lui... »

«On a vu que cette humilité, cette discrétion, c'était aussi dans la vie, confirme Stéphane Le Mignan. Il était à l'écoute, toujours respectueux, toujours humble. Il est aussi d'une grande intelligence, et ce qui est aujourd'hui peu commun, par rapport à d'autres jeunes joueurs, c'est qu'il a toujours envie d'apprendre et il écoute, en appliquant ce qu'on lui dit. Il est au top niveau, avec les meilleurs joueurs mondiaux, mais il se comporte avec Thiago Silva et Marquinhos comme lorsqu'il était avec les amateurs et les autres jeunes de Boulogne.» À Paris, Colin Dagba laisse de bons souvenirs à ses potes de la Youth League et des catégories de jeune. En salle de muscu, où il se retrouve souvent avec Antoine Bernede pour «parler de tout et de rien», comme en cours d'anglais. «On était que tous les deux, avec un prof qui ne parlait pas français, rappelle Alexis Giacomini à propos de celui qui décrochait son bac ES peu de temps après. On galérait bien quand même et on rigolait bien. Et disons que j'étais meilleur lui... (rires) Il était toujours de bonne humeur, il n'a jamais eu de problème.»

Une cuisse meurtrie, pas la motivation

Ni très costaud ni très grand, Colin Dagba peaufine sa palette, attendant patiemment sa chance et une possibilité de parapher un premier contrat professionnel au PSG. «Physiquement, c'est quelqu'un de base très rapide et très explosif, confie Yann, son cousin, devenu préparateur physique. Il a une explosivité de coureur de 100 mètres.» Son ex-coach à Boulogne-sur-Mer abonde : «Généralement, en jeunes, les plus performants sont ceux qui jouent dans l'axe. Les attaquants, les meneurs de jeu voire les défenseurs centraux, mais lui il était latéral. Ce qui sautait aux yeux, c'était son dynamisme. Il avait des appuis excellents alors qu'on jouait sur du synthétique.» Plusieurs pépins freinent malgré tout la progression du môme de Béthune. La cuisse est endolorie, une, deux, trois fois, et fait craindre un arrêt sans retour. «Quand vous vous blessez, souvent, surtout à ces endroits-là, ce sont des raisons qui peuvent empêcher de signer pro, souligne Giacomini. Pas avec Colin. Il s'est blessé, oui, mais il revenait toujours plus fort, et c'est comme ça qu'il est arrivé là où il voulait.»

Lors de la préparation estivale, Colin Dagba a su saisir sa chance. Mais aussi remporter le Trophée des Champions, son premier titre chez les pros. (A.Reau/L'Equipe)

QI, mental et capacité de travail

Une force de caractère, derrière une façade introvertie, qui trahit une autre facette de sa personnalité : le travail. «Ces blessures auraient pu l'empêcher de progresser, mais il est très bien revenu, décrypte Yann Dagba. Il ne va pas beaucoup parler, on ne va pas trop savoir ses sentiments car il veut toujours montrer que ça va et qu'il gère. “Ça va, ça va, je gère”, car il ne veut pas embêter les gens. Mais derrière ça, il taffe, il taffe, il taffe...» «Il faisait toujours les trucs à 100%, détaille de son côté son ancien acolyte du Camp des Loges Giacomini. Certaines thématiques d'entraînement, comme il est latéral, c'est un peu ingrat. Il travaillait comme tout le monde, sans jamais rouspéter. En dehors comme sur le terrain. Puis son intelligence lui permet de jouer à plusieurs postes. Je suis sûr qu'il pourrait jouer à gauche sans problème, en sachant comment s'orienter etc. Il a toutes les palettes à n'importe quel poste.» Tuchel l'a bien compris. L'essentiel du talent est mental. Capacité à analyser les espaces et à se mouvoir, aisance pour occuper différents postes, de piston à défenseur central d'une défense à trois : Dagba est précieux pour l'adaptabilité tactique de l'Allemand.

S'affirmer et confirmer

Pas étonnant qu'il le fasse rentrer à Old Trafford, en février dernier, en huitième de finale aller de Ligue des champions. «J'ai reçu des messages de partout, car il a su saisir sa chance», détaille Yann, pas peu fier du petit de la famille. Car tout est allé très vite. Après la blessure d'Alec Georgen, autre latéral du centre de formation, l'été dernier, c'est Dagba qui avait pris la place lors de la tournée estivale en Chine. 15 matches de Ligue 1 plus tard, le jeune homme apparaît désormais comme une option crédible.

Reste à savoir ce que prévoit le PSG pour son futur. «J'espère que le rêve continuera le plus longtemps possible pour lui, confesse Julien, observateur et habitué des jeunes de la capitale. Un mec très discret, humble, accessible, à l'écoute et avec une bonne mentalité. Je n'ai que des compliments à faire sur ce jeune homme.» Et à en croire Yann Dagba, qui partage encore des parties de jeux de société avec son jeune cousin, la notoriété ne semble pas être une problématique future. Car rien ne pourra vraiment changer sa façon d'être. «Ce n'est pas lui qui va se montrer, conclut en effet Giacomini. Il est pro, avec un très bon salaire, et il roule en Clio. Ce n'est pas le genre à être bling-bling, à s'acheter une Rolex ou autre. Il est très discret. Comportement, attitude, façon d'être : c'est un jeune comme tout le monde.» Plus totalement...

Antoine Bourlon