jullien (christopher) (F.Lancelot/L'Equipe)

Christopher Jullien (Toulouse) : «J'ai envie de devenir infranchissable»

Au bout d'une saison 2018-19 bien compliquée, Toulouse va se sauver. L'heure est au bilan pour Christopher Jullien qui ne se cache pas dans une interview sans filtre. Le défenseur des Violets révèle également ses envies de Premier League. Et pourquoi pas dès cet été.

«Christopher, quel bilan peut-on faire de la saison de Toulouse au niveau collectif ?
Collectivement, le bilan est dur... Il peut être encore pire si on venait à perdre ce week-end (NDLR : à Dijon). Le club a un standing à garder, et si tu finis entre la 14e ou 17e place, c'est complètement différent (NDLR : Le Téfécé est pour le moment quinzième avec trois longueurs d'avance sur la 17e place). Notre saison n'est pas bonne, il faut se le dire. Il faut donc limiter un peu les dégâts et essayer de bien finir cette saison. On aurait bien voulu le faire, déjà, à domicile, mais cela a été compliqué (NDLR : défaite 5-2 face à l'OM lors de la 37e journée). On se doit, au moins, de gagner ce week-end. Donc c'est un bilan mitigé...

Et individuellement ?
Mitigé aussi sur la première partie de saison. Très dur. On avait bien démarré. On avait un style de jeu qui nous correspondait bien. J'étais bien dedans. Au fur et à mesure des matches, on a commencé à avoir de plus en plus de difficultés. Et mes difficultés sont arrivées. Sur la fin décembre, j'ai commencé à avoir une blessure au tendon qui m'a causé beaucoup de pépins. J'ai pu m'en séparer entre mi-janvier et fin janvier, ensuite, cela a tout de suite été mieux. Là, sur cette fin de saison, ça va, j'essaie d'enchaîner les bonnes performances. Je suis quand même satisfait car, déjà, je n'ai plus de pépins physiques. J'essaie de faire du mieux que je peux.

«On ne s'est pas tous remis en question»

En début de saison, le jeu toulousain était loué, était même plaisant. Comment expliquez-vous que cela ait pu changer diamétralement ?
La cohésion, on l'a toujours eu depuis le début de l'année. Dans une saison, on sait qu'il y a des hauts et des bas. Pendant notre période où on a eu des bas, je pense qu'on ne s'est pas tous remis en question. Peut-être qu'on a essayé de changer ce style de jeu ou d'adapter un style de jeu qui nous ne correspondait pas trop. Il y a eu un peu de tout. Avec aussi la confiance qui a fait qu'on est tombé dans une spirale vraiment négative et on a vraiment eu du mal à en sortir. Il fallait relever la tête, prendre le taureau par les cornes et changer de dynamique. Des fois, c'est ce qu'il nous a manqué. Le match qui nous a fait le plus de mal a été celui de Saint-Étienne, à domicile (NDLR : défaite 2-3). On avait le match en main et, moi-même, je fais une première bourde. Dans le match, je crois qu'on leur donne trois buts. Ce match nous a fait mal.

On commençait à se poser des questions, si notre façon de jouer était bonne ou pas. Je pense que Saint-Étienne a vraiment été la première équipe à s'ajuster à notre jeu. Ils nous ont cernés. Je pense qu'on s'est tous demandé si c'était notre limite et c'est à ce moment-là qu'on a peut-être commencé à vouloir changer notre façon de jouer. C'est ce qui nous a posé problème. Après, la blessure de Sangaré (NDLR : en octobre, trois mois d'absence) nous a vraiment fait mal aussi, il était très bien au milieu en début de saison. On a donc dû faire des ajustements et ça n'a pas toujours marché.

Si vous deviez évaluer la saison toulousaine en la notant sur 20, combien mettriez-vous ?
C'est dur... Chacun a un avis différent. J'avais beaucoup d'attentes sur cette saison et je pensais vraiment qu'on allait faire quelque chose de bien. Donc je dirais 5/20.

Carrément ?
Ah oui, oui. Pour moi, ç'a été une très mauvaise saison collectivement. Je m'attendais à beaucoup de choses. Peut-être que d'autres personnes diront qu'on s'est maintenu et qu'elles mettront donc un 10/20. Avec tout ce qu'on avait comme talent, c'est dommage. On se l'était déjà dit la saison dernière...

«Je trouve que j'ai une bonne progression»

Toulouse se doit d'être plus haut en Ligue 1 ?
Je pense que oui avec la qualité qu'il y a sur le terrain... Je ne sais pas ce qui fait vraiment défaut sur ces dernières saisons, et qui fait qu'on se retrouve à chaque fois dans la même position. À l'entraînement, tous les jours, je vois la qualité qu'il y a et c'est vraiment dommage.

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Cela fait trois ans que vous êtes à Toulouse. Vous avez atteint 98 matches de Ligue 1. Comment jugez-vous votre progression ?
Si je n'avais pas été suspendu à Saint-Étienne (0-2, 34e journée), j'aurais pu atteindre les cent matches. Mais, franchement, je trouve que j'ai une bonne progression. Je suis vraiment arrivé sur la pointe des pieds, discret, lors de la première année. J'ai essayé de faire mes preuves. J'ai connu une deuxième année très difficile, j'ai eu des performances qui n'étaient pas de mon standing, aussi parce que j'avais eu des problèmes dans ma vie personnelle. Sur cette troisième saison, j'arrive davantage à identifier certains matches, à davantage examiner les situations, à être un peu plus un leader dans cette équipe car je pense qu'il en faut un derrière. J'ai plus de facilités à pouvoir commander mes coéquipiers et en même temps faire mon boulot. Au fur et à mesure du temps, tu commences à connaître tes adversaires et à t'habituer à leur jeu pour savoir quoi faire ou ne pas faire et donc savoir sur quoi il faut progresser.

Vous parliez de leader : Toulouse a-t-il manqué de leader cette saison ?
Il n'a pas manqué de leader. Notre leader, c'est notre capitaine, c'est Max (Max-Alain Gradel). Mais Max est vraiment un leader technique. Notre leader par la voix et par le comportement a été Cahu (Yannick Cahuzac). En défense, je pense qu'il aurait fallu une personne qui essaie d'élever un peu plus la voix, avec le même profil que Cahu. Je pense avoir pris ce rôle-là sur la fin, mais un peu trop tard. J'aurais dû prendre ce rôle plus au sérieux et l'exécuter tout au long de la saison. Sur la deuxième partie de saison, je ne suis pas content mais satisfait de comment j'arrive à communiquer avec mon équipe. Il y a toujours à faire pour s'améliorer...

Dans un futur proche, Christopher Jullien a envie de devenir «infranchissable». (A.Reau/L'Equipe)

«Je n'ai jamais caché mon envie de pouvoir jouer un jour dans un grand Championnat»

Le match de Toulouse à Dijon ce vendredi est-il le dernier de Christopher Jullien avec un maillot violet ?
Je ne pense pas. Officiellement, je suis encore à Toulouse, avec mon contrat.

Avez-vous des envies ?
Oui, oui, ça, je pense que je ne le cache plus et la direction le sait. Mon objectif est vraiment de bien finir. Aujourd'hui, la direction et mes agents savent faire la part des choses et vont décider de la meilleure des choses pour que tout le monde soit content. Je n'ai jamais caché mon envie de pouvoir jouer un jour dans un grand Championnat, pouvoir élever mon niveau et atteindre d'autres objectifs.

L'aventure d'Issa Diop, votre ancien coéquipier, à West Ham, ça donne envie ?
Oui, tout à fait. Je l'ai revu récemment, il me parle de beaucoup de choses, de son aventure, de comment c'est là-bas. C'est vrai que c'est alléchant et que cela donne envie. On sait que la Premier League est un Championnat super impressionnant. Il est convaincu que je vais le rejoindre bientôt (Il sourit.). Mais, comme je l'ai dit, je suis encore à Toulouse et on verra le futur.

La fiche de Christopher Jullien

Quels détails racontés par Issa Diop vous ont mis l'eau à la bouche ?
Il m'a beaucoup parlé de la façon de jouer là-bas. Avec un foot à base de transitions offensives, défensives. Tous les week-ends, dans des stades pleins, il rencontre des adversaires athlétiquement, techniquement et mentalement incroyables. Il n'y a pas photo, je pense que ce Championnat est l'un des meilleurs, il n'y a rien à dire là-dessus.

Il y a quelques instants, vous expliquiez vouloir évoluer dans un grand Championnat : de là à dire que la Ligue 1 n'en est pas un ?
Si, totalement ! Et il le devient de plus en plus, mais je pense qu'il y a encore mieux. Pour moi, la Premier League est d'un niveau plus élevé.

«La Premier League, il n'y a pas photo, je pense que ce Championnat est l'un des meilleurs, il n'y a rien à dire là-dessus»

«Le PSG est trop supérieur pour la Ligue 1»

Cette saison, le niveau de la Ligue 1 a été assez décrié. Vous, les joueurs, qu'en avez-vous pensé ?
Les gens disent ça par rapport au fossé qu'il y a entre le PSG et les autres équipes. La différence est trop énorme et tu te dis que la Ligue 1, c'est ennuyant, alors que non ! On est tous les week-ends sur les terrains, on sait qu'il y a de très bons joueurs. La plupart des grands clubs vont chercher des joueurs en Ligue 1. Le PSG est trop supérieur.

Individuellement, sur quoi auriez-vous envie de vous améliorer dans un futur assez proche pour être encore plus performant ?
Ma concentration et mon leadership sont des choses sur lesquelles j'essaie de travailler chaque année. C'est primordial à mon poste. Sinon, je pense à ma vivacité sur les premiers mètres et ma corpulence. J'ai envie d'être un peu plus costaud sur certains duels. C'est un peu présomptueux mais j'ai envie de devenir infranchissable. Je me donne ça comme objectif dans ma tête. Mais c'est dur et c'est un objectif que je dois me mettre en tête si je veux jouer pourquoi pas dans un club on va dire un peu plus huppé.»

Timothé Crépin