bielsa (marcelo) (A.Reau/L'Equipe)

Championship : le Leeds de Marcelo Bielsa avance masqué

Pour sa seconde saison aux manettes de Leeds, Marcelo Bielsa se montre relativement prudent quant aux ambitions de son équipe. En sa défaveur, une fin d'exercice pénible et une préparation sans plus de réponses...

La déception a été immense. A Leeds, on a longuement cru que la remontée en Premier League, attendue depuis quinze ans, se produirait dès le premier chapitre de l'ère Bielsa. A Noël dernier, les Peacocks écrasent en effet le Championship de leur toute-puissance, à tel point qu'une position hors du top 2 semble inconcevable. A la pelle, le plus grand nombre de victoires, de temps de possession de balle, d'occasions créées, de centres, de passes réussies... En bref, tous les chiffres parlent en faveur d'une saison record. Nul besoin de prêcher des convaincus, Marcelo Bielsa en est aux yeux de tous l'instigateur, la figure de proue. L'homme par qui le miracle arrive, avec une dimension mystique où une formation du ventre mou se transfigure en un claquement de doigts en une machine à gagner. Fidèle à ses principes, le jeu est léché, les joueurs en état de grâce. Et au sein d'un Championship bercé au kick-and-rush, l'Angleterre tire son chapeau au magicien débarqué quelques mois plus tôt outre-Manche. Semaine après semaine, Elland Road s'embrase.

Le technicien argentin annonce pourtant la couleur peu de temps avant le repos hivernal. «Toutes les règles ont leurs exceptions», sourit-il alors en réponse à une statistique équivoque. Depuis l'échec de Watford en 2007, chaque leader en janvier a été promu en bout de course. La prudente maxime se transforme petit à petit en prémonition. Moins clinique, plus vulnérable, Leeds voit ses concurrents Norwich et Sheffield maintenir une cadence élevée, trop élevée. Les barrages face à Derby County sont fatals, le happy end programmé devient un authentique drama à l'anglaise.

Une reprise dans le flou

A la lumière du passif du Loco, chacun ne peut s'empêcher de regarder vers l'avenir avec perplexité. Car dans ses aventures mexicaines, bilbayennes ou marseillaises, la deuxième année de Bielsa a souvent posé question, entre baisses de résultats et querelles internes. Dans une compétition à quarante-six duels, le défi reste sensiblement le même : son équipe devra courir un marathon et non un sprint. En clair, accepter de baisser en intensité pour gagner en teneur sur la durée. Car si Leeds a connu une perte sèche d'efficacité dans les deux surfaces, c'est peut-être aussi parce que les efforts ont fini par peser sur la précision dans le dernier geste et entraîner des bévues défensives impardonnables. «Quand vous jouez autant de matches à une telle intensité et à un tel niveau de sacrifice, les organismes se fatiguent», analyse Sabri Lamouchi, nouveau manager de Nottingham Forest.

Bielsa lui-même admet que reproduire ce niveau de performance ne sera pas une mince affaire. D'autant que le défenseur Pontus Jansson, cadre de l'arrière-garde des Whites, a plié bagage à l'intersaison et pourrait bien être imité par Kemar Roofe et Kalvin Philipps avant le 8 août. Des départs anticipés par les prêts d'un défenseur (Ben White) et de trois feux follets, Hélder Costa (ex-Monaco), Jack Clarke et Jack Harrison. L'équipe est également décimée par les blessures de deux joueurs majeurs, Luke Ayling et Tyler Roberts. Avec trois victoires face à des formations plus modestes, un nul et une défaite (4-0 à Manchester United) lors de la préparation, on comprend que les Whites abordent la première journée à Bristol City sans réelles certitudes. Les bookmakers, convaincus de la fameuse méthode Bielsa et du fort potentiel de l'effectif, sont toutefois unanimes pour placer Leeds comme favori pour le titre, devant les revanchards Fulham et Cardiff.

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La saison d'un seul homme : Marcelo Bielsa

Partout où il passe, l'Argentin endosse en effet l'ensemble des responsabilités. Chaque match, chaque fait de jeu, chaque situation sont analysés sous le prisme de son coaching, dans le bon sens comme dans le mauvais. Quand il gagne, il est le Profesor façon Casa de Papel qui contrôle chaque micro-détail de plans minutieusement élaborés. Féru d'analyses vidéo et d'animations sorties du chapeau, l'excentrique taciturne révolutionne son sport. En France, sitôt les défaites arrivées, certains en ont fait un homme austère, irresponsable, voire incompétent. Qu'on se le dise, en Angleterre, la fin importe autant que le moyen, et l'on est friand d'une personnalité capable de sacrifier la montée en laissant Aston Villa marquer par fair-play plutôt que d'égratigner son éthique de gentleman. Pour l'heure, Bielsa jouit toujours d'une immunité diplomatique. «Si Bielsa n'était pas in situ, les chances de Leeds seraient considérablement plus faibles» assure le Guardian. «La bonne nouvelle, c'est que Bielsa reste», enchérit le Telegraph au moment d'évoquer les chances de promotion des Whites.

La marque de l'Argentin est telle qu'aujourd'hui, Leeds est l'escouade la plus attendue de l'antichambre du foot anglais. Son exposition médiatique dépasse les contours de la Manche et excède la plupart des formations de Premier League. «Au sein du Championnat, il y a des clubs meilleurs que Leeds United, mais je n'ai pas le sentiment qu'il en existe un qui génère autant d'unité et de passion alentour», dixit Marcelo. Après Netflix et Sunderland, Amazon a annoncé à la fin du mois de juillet la diffusion d'un docu-série sur la saison 2018-2019 de Leeds, intitulé Take us home : Leeds United. Au royaume du thé, le football reste un spectacle. Et Bielsa un idéal maître de cérémonie.

Corentin Rolland