legarda (henri) (SEBASTIEN BOUE/L'Equipe)

Ces effets d'annonce qui tournent au fiasco

Paris, Monaco, Marseille, Nice, Lille... Récemment, plusieurs écuries de Ligue 1 ont muté et ont vu arriver des présidents et actionnaires sûrs de leur puissance financière. Ça n'a pas toujours été le cas. Retour sur ces effets d'annonce de clubs qui ont voulu voir gros trop rapidement.

Henri Legarda, dérapage incontrôlé

«L'objectif est de figurer parmi les cinquante meilleurs clubs européens d'ici 2013», avait déclaré Henri Legarda, alors président du Mans, en juillet 2008. Moins de dix années plus tard, la phrase prête à la gène tant le gâchis sarthois fut retentissant. Arrivé à la tête du club manceau en 2001, ce chef d'entreprise dans le BTP a permis de structurer le club et de vivre les six seules saisons de son histoire dans l'élite (2003-2004, puis 2005-2010). Le Mans s'imposait comme une valeur sûre du Championnat et rêvait de pérennité en Ligue 1. Fort d'un projet sportif cohérent, alliant formation et bonnes pioches étrangères, le MUC 72 parvenait à réaliser des bénéfices sur ses ventes de joueurs tout en réussissant, un temps, à les remplacer efficacement. C'était sans compter sur les ambitions de grandeur de son président. En se voyant grand trop vite, Legarda a impulsé la construction d'un centre d'entraînement, La Pincenardière, et d'un stade dernier cri, le MMArena, pour remplacer le vétuste Léon-Bollée. Mal lui en a pris. Faute de prudence, le club descendait d'abord en Ligue 2 et se voyait plombé d'un déficit de 7.5 millions d'euros qui le conduit à la liquidation judiciaire en 2013. Rebaptisé le Mans FC, le club végète aujourd'hui en National 2. Au pays des 24 heures, c'est ce qu'on appelle une sortie de route.

À Grenoble, l'éléphant végète au pied des Alpes

Le premier club de l'Hexagone à être passé sous pavillon étranger. Et si, au final, on ne retenait que ça, de l'aventure nippone du Grenoble Foot 38, tant la suite fut un échec sans nom ? L'ambition affichée à l'époque par Index Corporation, spécialisé dans la distribution de contenu de téléphonie mobile et détenteur de 99% des parts du club, est sans limite. La société japonaise rachète le club isérois en 2004, alors en Ligue 2. L'objectif est clair : «une montée en Ligue 1 dans les trois ans et une victoire dans les dix ans en Ligue des champions». Rien que ça. La montée a lieu, quatre ans plus tard, mettant fin à quarante-cinq ans d'absence au sein de l'élite. Une montée accompagnée d'un nouvel écrin, le Stade des Alpes, dont le coût avoisine les 78.5 millions d'euros. Malgré une première saison honorable (13e), la deuxième saison est marquée par un triste record : douze défaites dans les douze premières rencontres et un deuxième exercice terminé bon dernier. La chute se poursuit en Ligue 2, puis successivement en National, et les finances implosent. Au bord de la faillite, les propriétaires nippons ne trouvent pas de repreneurs et le club dépose le bilan en 2011. Son stade flambant neuf est devenu un "éléphant blanc" pour le club, mais aussi pour la métropole. Depuis, le club végétait en CFA avant de remonter en National, cette saison. Le début de la renaissance ?

Le Stade des Alpes est désormais désespérement vide. (F.Mons/L'Equipe)

Un Prince saoudien dans les Ardennes

«C'est un partenariat global, à la fois sportif et industriel. Mon but est de faire grandir le club sur plusieurs plans», avait alors déclaré le Prince Fahd bin Khalid Faisal, 29 ans, et neveu du roi Salman d'Arabie Saoudite. Son ambition s'est portée sur le CS Sedan Ardennes, club phare d'une région désindustrialisée, mais au passé footballistique glorieux. Une histoire qui sentait le mirage dès le départ. Le Prince envisageait d'investir 50 à 60 millions dans un vaste projet mêlant tourisme, santé et sportif dans une région au carrefour de la France et du Benelux. L'idée était de créer un complexe touristique en lieu et place du centre d'entraînement ardennais mais également de structurer le club pour rapidement rejoindre l'élite. Et même viser une participation en Ligue des champions, comme évoqué dans un reportage sur Canal + en janvier 2016. Amorcé en 2013, le projet est longtemps resté flou. Six mois plus tard, le Prince et ses conseillers se retirent de l'actionnariat sans raison apparente. «On est tombé sur des escrocs qui nous ont fait perdre trois ans», déclarait alors le président Marc Dubois. Pendant ce temps, le Sanglier des Ardennes reste empêtré en National 2.

À Lens, on attend toujours Ibra... et Mammadov

«Nous devons remonter en première division. Nous avons l'ambition d'être les meilleurs, et pour cela, il faut investir, autant qu'il y en a besoin. Si nous sommes capables de faire des coups à la Ibrahimovic ou Falcao sur le mercato ? Oui, pourquoi pas. S'il le faut, on le fera.» C'est avec ce propos qu'Hafiz Mammadov se fait connaître en France, après la diffusion d'un reportage de Canal + sur l'homme d'affaire azéri. Ce dernier avait même déclaré, lors de sa première visite à Lens : «Le RCL sera le meilleur club du monde». Force est de constater qu'en septembre 2017, le club artésien, lanterne rouge de Ligue 2, s'enfonce dans la crise. Entre temps, le sulfureux Azéri s'est empêtré pendant deux années dans des difficultés personelles, politiques et financières. Après seulement deux venues dans le Nord de la France, c'est silence radio du côté Mammadov. Il est loin le temps des grandes promesses où était évoquée une liaison directe entre l'état caucasien et le Racing Club de Lens. L'homme d'affaires n'a plus donné signe de vie. Désormais sous pavillon luxembourgeois, les Sang et Or aspirent à moins de tourments et plus de stabilité.

Monsieur Li peine à éclairer Sochaux

«Nous sommes là pour longtemps. S'il est nécessaire, nous sommes prêts à investir 10, 20 ou 100 millions d'euros», confiait M. Li à l'Équipe, au moment du rachat du FC Sochaux-Montbéliard. Après le rachat par Ledus France auprès de PSA, le nouvel actionnariat chinois promet de refaire du club doubiste une place forte du football français. En interne, de gros coups sont promis, mais tardent encore à arriver. Comme révélé dans le France Football du 8 août dernier, le patron de la société spécialisée dans l'éclairage LED est en grande difficulté. Sa filiale française a été placée en redressement judiciaire, et l'homme est étroitement surveillé en Chine. En parallèle, le club traverse également une situation compliquée et semble fragilisé sur le plan économique. «Sochaux avance aujourd'hui avec les warnings», avance un proche des affaires sochaliennes. À Bonal, la colère des supporters gronde devant le manque d'ambition d'un club qui peine à retrouver l'élite après y avoir passé autant d'années (66 saisons en Ligue 1, deuxième meilleur total derrière Marseille). En attendant, l'actionnaire n'apparaît pas dans la meilleure posture pour redresser le FCSM. Le club est en déficit structurel de 8 millions d'euros. Avant d'en investir 100 comme annoncé, il serait peut-être bon de penser à le remettre dans les clous.

Mehdi Mahmoud