Wahbi Khazri of Tunisia during the 2018 FIFA World Cup Russia group G match between Belgium and Tunisia at the Otkrytiye Arena on June 23, 2018 in Moscow, Russia *** Local Caption *** (Maurice Van Steen/VI IMAGES/PR/PRESSE SPORTS)

CAN : Wahbi Khazri (Tunisie), l'aigle combattant

Bien connu des pelouses de Ligue 1, Wahbi Khazri est un des cadres des Aigles de Carthage. FF.fr a rencontré différents acteurs du football tunisien pour qu'ils nous parlent de cet attaquant au grand coeur et à l'envie débordante...

Pas besoin d'insister bien longtemps pour que ceux qui l'ont côtoyé le couvrent de compliments. D'entrée, Georges Leekens ne mâche pas ses mots. «Wahbi ne triche jamais, il dit toujours la vérité, on parlait beaucoup tous les deux ! J'espère le revoir, il est très, très, très gentil, c'est presque comme un fils pour moi». Le ton est donné. Si Wahbi Khazri n'a jamais habité, ni joué en Tunisie, c'est tout comme. Walid Ben Rhouma, journaliste à Radio Express et spécialiste du football tunisien n'hésite pas une seconde lorsqu'il évoque l'attachement réciproque entre l'attaquant et les supporters. «On n'a pas senti qu'il n'avait jamais joué au pays, il se bat sur toutes les balles, il ne compte pas, il ne calcule pas, c'est un fighter ! Son esprit d'appartenance, son esprit d'équipe ont fait oublier à tout le monde que c'est un garçon qui a toujours vécu en France. Il est perçu comme un Tunisien à 100%, à juste titre» lâche-t-il.

Avec une hargne naturelle et son appétit toujours grand, Khazri a fait ses preuves au fil du temps, jusqu'à être loué par tout un peuple. Le natif d'Ajaccio a fait ses premiers pas avec le ballon rond en Corse, au JS Ajaccio, avant de faire ses classes au Sporting Club de Bastia, le club qui l'a révélé en Ligue 2, puis en Ligue 1. Au fil de sa carrière, il est passé avec plus ou moins de succès par Bordeaux, Sunderland, Rennes, et il fait aujourd'hui le bonheur des supporters stéphanois. Jeune, Khazri a alterné entre les sélections en Bleu et avec la Tunisie, mais à 21 ans, il choisit définitivement de jouer pour les Aigles de Carthage, avec réussite et prospérité. En 45 sélections, il a déjà inscrit 15 buts et délivré 9 passes décisives.

«Il se tue sur le terrain»

Une des premières caractéristiques pour décrire Khazri, c'est l'envie qu'il met dans ses matches avec le maillot tunisien. Souvent décrié en Ligue 1 pour ses protestations envers les arbitres, ce comportement est très apprécié au Maghreb. Son ancien coéquipier en sélection Hocine Ragued ne veut pas voir ce trait de caractère comme un défaut. «Son engagement sur le terrain, les Tunisiens aiment ça. On n'a pas une équipe avec énormément de talent, alors la première chose à faire c'est de se battre. Il se tue pour ce maillot-là. Pour ça, il est très bien vu en Tunisie.» Mais cette hargne et ses protestations parfois démesurées et injustifiées lui ont déjà posé problème, lorsque pour les quarts de finale de la CAN 2017 contre le Burkina Faso, un petit geste d'humeur avait fait beaucoup de bruit. Ben Rhouma raconte : «Henryk Kasperczak l'a remplacé et il a montré qu'il était mécontent. Il a refusé de lui serrer la main. Et cerise sur le gâteau, c'était passé à la télé en gros plan. Il avait écopé d'une petite suspension...» Depuis, la parenthèse a bien été refermée et le peuple tunisien adule Khazri, notamment pour sa fantastique Coupe du monde 2018, dans laquelle il avait inscrit deux buts (meilleure performance pour un Tunisien dans une phase finale de Coupe du monde).

«Et puis les supporters ne sont pas bêtes, il se tue sur le terrain et il véhicule une bonne image de la Tunisie à l'étranger, les supporters tunisiens sont fiers de l'avoir», rappelle Ragued. L'ancien joueur du PSG est ferme là-dessus, son engagement sans limites est un véritable atout pour Khazri. «C'est sa façon de jouer, parfois il gagne des ballons, il marque des buts parce qu'il est comme ça, on ne peut pas le changer à cet âge-là. Demandez à Jean-Louis Gasset s'il n'était pas content d'avoir un joueur comme ça dans son effectif, c'est ce qui fait la force de Wahbi

Un spécialiste des coups francs

Khazri est un créateur, capable de jouer partout sur la ligne d'attaque. Pendant sa carrière, il a joué sur les deux ailes ou en soutien de l'attaquant. C'était le cas avec la Tunisie version Leekens. «Je l'utilisais plutôt à droite ou à gauche, je lui laissais beaucoup de liberté dans un 3-4-3. Ils permutaient avec ses coéquipiers, il avait un rôle de créateur», décrit le coach. Mais depuis deux ans, il a pris place en pointe, suite à un choix de Sabri Lamouchi. Brillante idée, puisque ses statistiques ont explosé. De toute sa palette et de tout son talent, c'est son adresse sur les coups francs qui marque le plus les esprits en Tunisie.

«Quand il s'apprête à tirer un coup franc, il se passe quelque chose de spécial. Tout le monde sent qu'il peut marquer. 8 fois sur 10 c'est dedans, il peut mettre la balle où il veut, rigole Leekens. Dès ses débuts, il était perçu comme un spécialiste des coups francs, c'est un joueur qui sait varier ses frappes de balle, premier poteau, deuxième poteau, il a une frappe spéciale qui retombe juste derrière le mur... Il peut la mettre en force, brossée, il sait tout faire. En qualification pour la CAN 2015, il en avait inscrit un splendide lors d'une victoire 2-1 contre l'Egypte, je m'en souviens comme si c'était hier...» «Il est monté en puissance, il est devenu l'une des armes redoutables de l'équipe nationale, confirme Ben Rhouma. Son génie sur les coups de pieds arrêtés l'a beaucoup aidé auprès de ses coéquipiers et auprès des supporters pour qu'il devienne une star dans le pays

«Tout le monde l'aime bien, c'est un grand déconneur»

Là encore, Khazri met tout le monde d'accord. Sa profonde gentillesse et sa personnalité très attachante ont touché tous ceux qui l'ont côtoyé. «J'ai connu Wahbi quand il est arrivé très tôt en équipe nationale, je suis aussi franco-tunisien, on était très souvent ensemble. Malgré sa belle carrière, il n'a jamais pris la grosse tête, il n'a jamais changé, c'est très appréciable», insiste Ragued. Leekens partage son opinion et se souvient de ses années tunisiennes : «c'est un joueur que j'admire beaucoup. C'est un être humain fantastique, très gentil, toujours correct et positif. Il était bien dans le groupe, il avait un rôle de meneur».

Explosif sur le terrain, timide dans la vie, Khazri est un ambianceur, dans le vestiaire. «C'est une personne très attachante dans un groupe, il est toujours en train de faire des blagues, c'est le premier à déconner dans les parties de PlayStation, de cartes ou autre, tout le monde l'aime bien, c'est un grand déconneur», ajoute Ragued. Troisième meilleur buteur de tous les temps de sa sélection, Khazri a l'occasion d'écrire une nouvelle page de son histoire lors de cette CAN 2019. Après sa mauvaise prestation contre l'Angola, il devra réagir vendredi lors du second match de la compétition, face à d'autres aigles, ceux du Mali.

Nicolas Jambou