(A.Reau/L'Equipe)

«Ça restera gravé, c'est sûr» : Joueurs, entraîneur et président du Stade de Reims racontent leur soirée pas comme les autres face au PSG

Cette 7e journée restera dans l'histoire de cette saison 2019-20 de Ligue 1. Très bien organisé défensivement, le Stade de Reims a joué le coup à fond pour s'imposer 2-0 grâce à Kamara et Dia. Le président, l'entraîneur et les deux buteurs racontent cet exploit.

David Guion* : «Ç'a vraiment été le plan parfait»

«C'est quelque chose qu'on partage. On prépare tout ça ensemble, avec le staff et les joueurs. On est satisfaits quand on met un plan en place et que celui-ci aboutit. Et même au-delà de mes espérances, parce qu'en toute honnêteté, je pensais quand même qu'on allait encaisser (au moins un but)... Ç'a vraiment été le plan parfait. On sait très bien et on voit bien que cela a une grosse caisse de résonnance quand on fait cet exploit à Paris. J'avais demandé à mon équipe d'être avant tout elle-même, de jouer sans complexe, de saisir les opportunités et les temps de jeu qu'on allait avoir. Parce que j'étais convaincu qu'on allait en avoir. C'est pour ça que j'ai pris la décision de garder le même système de jeu, celui qui nous caractérise.

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C'était important pour que cela soit en phase avec mes paroles. Et de continuer avec nos caractéristiques d'équipe organisée et disciplinée. L'année dernière, on avait eu une très mauvaise expérience au Parc des Princes en marquant très rapidement (NDLR : But de Chavalerin dès la 2e minute. Défaite 4-1 au final). Les garçons découvraient le Parc pour la première fois. C'était une expérience que j'avais mal vécue. Et je souhaitais ainsi qu'on l'aborde différemment. Je savais qu'on était capables d'être organisés comme ça, mais de là à avoir de la constance... Je leur avais aussi demandé de l'endurance psychologique. Courir, coulisser, avancer, reculer pendant 95 minutes. Ce ne sont jamais des choses faciles à faire. Mes joueurs ont eu une concentration, une implication et un investissement total. Cette année, je sais que je peux compter sur un groupe. Un groupe très, très jeune. L'un des plus jeunes du Championnat. En ne changeant pas le système, j'ai montré aux joueurs qui ont joué que j'avais énormément confiance en eux, que j'étais convaincu qu'ils pouvaient entrer dans notre système. Et ce, malgré le fait qu'ils jouent un peu moins, je le reconnais. On n'a pas du tout renforcé notre ligne arrière ou notre milieu. On est restés dans nos principes. Mon idée était de s'occuper de nous et d'être nous-mêmes.

À la fin, je leur ai tout simplement dit de vivre le moment présent. Déjà, un match à Paris est un événement. Comme je leur ai dit : "On ne vient pas à Paris, on joue au Parc." C'est pour ça que je leur ai dit de savourer. Ce sont des belles émotions. Ils en ont donné à tous nos supporters et à leurs familles. Je ne leur ai pas parlé de Dijon (NDLR : prévu samedi). Ce sont des moments uniques. Ce genre de matches doit permettre aux joueurs de prendre conscience de leur potentiel. J'espère que ça va révéler en eux des qualités de compétiteurs. Ils s'aperçoivent qu'après l'avoir fait au mois de mai (NDLR : 3-1, 38e journée de la saison 2018-19), le refaire quatre mois plus tard veut peut-être dire qu'il faut qu'ils prennent plus d'initiatives, qu'il faut avoir encore plus de caractère et de tempérament pour faire basculer des matches en notre faveur. Depuis le début de la saison, il y a quelques matches qu'on n'est pas allés chercher comme je l'aurais voulu. Faire comprendre le potentiel qu'ils ont et les qualités qu'ils ont pour pouvoir les exprimer sur le terrain, mais tout au long du Championnat et avec beaucoup de régularité... Je suis ensuite rentré tranquillement à la maison, et j'ai dormi comme un bébé. J'étais bien, apaisé et fier du travail.»

*Entraîneur du Stade de Reims.

«Je leur avais aussi demandé de l'endurance psychologique. Courir, coulisser, avancer, reculer pendant 95 minutes. Ce ne sont jamais des choses faciles à faire. Mes joueurs ont eu une concentration, une implication et un investissement total.»

David Guion a fait tomber le PSG de Thomas Tuchel pour la seconde fois en quelques mois. (A.Reau/L'Equipe)

J'étais conscient qu'on allait beaucoup défendre tout en ayant très peu d'occasions. Donc je jouais le coup à fond sur chaque action offensive. J'ai rendu fiers mes parents, mes amis. Le fait de faire plaisir à la famille, qui était dans les tribunes, est vraiment touchant. En plus au Parc. Premier but en Ligue 1. Contre Keylor Navas. Une sensation particulière. On est rentrés vers 3 heures du matin. J'étais avec Axel (Disasi). Il m'a déposé chez moi, on a discuté, j'ai checké un peu mon téléphone et je me suis endormi. Mais on ne s'endort pas facilement. J'ai dormi tard, peut-être à 5 heures. Déjà, après un match, c'est difficile de dormir avec l'excitation, alors là c'était encore plus difficile. Ça restera gravé, c'est sûr. Sans m'apitoyer sur mon sort, je n'ai pas un parcours facile. C'est comme un petit cadeau car pour en arriver là, cela a été très difficile. Et ce n'est pas encore toujours facile. Donc avoir cette prestation là au Parc des Princes, c'est comme une récompense.»

*22 matches de L1 dans sa carrière, auteur de son premier but dans l'élite mercredi soir.

Hassane Kamara* : «C'est comme un petit cadeau»

«On y a cru dur comme fer ! On se disait qu'on pouvait faire un résultat avec de la solidarité et de l'ambition. Après le match, on était tous contents, excités, nos familles étaient fières de nous. On a passé un très bon moment. C'était une préparation différente d'une semaine classique. Le coach nous a préparés, nous a dit qu'il fallait essayer de gagner un maximum le ballon parce qu'ils (NDLR : Les Parisiens) n'aiment pas courir et que si on leur rendait trop vite, c'est là qu'on allait souffrir. Ensuite, franchement, il a fait un très beau discours d'avant-match. On peut le résumer en quatre mots : Rigueur. Discipline. Audace. Ambition. C'est tout ce qu'il fallait pour gagner ce match. Il a donné de l'espoir à tout le monde. Ce matin, il m'a demandé quelle était la température quand j'étais en haut (NDLR : Lors de sa tête sur l'ouverture du score). Je lui ai répondu qu'il faisait peut-être -2. Non, je rigole (Il sourit.). Je lui ai dit que je n'avais pas sauté si haut que ça parce que le défenseur adverse ne m'avait pas vu. Ce n'était pas mon saut le plus haut, mais le plus important !

«Premier but en Ligue 1. Contre Keylor Navas. Une sensation particulière.»

Le symbole, c'est la façon de comment ils sont entrés dans ce match avec leurs copains. En toute humilité, parce que j'ai suffisamment d'expérience dans ce métier pour savoir que le match d'après est très différent, mais, quand même, on gagne 2-0 au Parc contre une équipe qui n'avait pas concédé de tir cadré face au Real Madrid et Lyon. Nous, on en marque deux, on a un tir sur le poteau, on a une tête d'Abdelhamid qui aurait pu rentrer... Si ça avait voulu sourire, ce n'était pas 2-0 mais 4-0. Qui pouvait imaginer un scénario comme ça avant le match ? C'est incroyable. On est un peu gêné quand, à la 95e minute, on saute de son siège les bras en l'air et qu'on est le seul dans la corbeille à dégager une telle énergie et un tel bonheur. J'ai beaucoup de respect notamment pour Leonardo qui était à côté de moi, et la première chose que je me suis empressé de faire, c'est de m'excuser d'avoir eu une joie aussi explosive. Il m'a dit bravo et félicitations. C'est un grand monsieur. On s'était entretenus avant le match. Et je crois que je l'ai fait sourire en lui disant : "Tu as vu, toi, tu étais parti à Milan, moi j'étais parti en Ligue 2. Et finalement, on se retrouve l'un à côté de l'autre pour un beau match de foot." Sans exagérer, je crois que j'ai reçu plus de 300 textos. Je suis un président assez émotif. Il y a certains messages que j'ai reçus où j'avais une petite larme au coin de l'œil. Sur un match comme ça, c'est l'occasion d'avoir des nouvelles de gens qu'on n'a pas eu depuis longtemps, qu'on aime bien. Ce ne sont pas forcément des gens connus mais qui sont heureux pour moi, et je sais qu'ils sont sincères. Quand on rend heureux les gens qu'on aime bien, on y est sensible.

C'est un plaisir, un bonheur et un honneur de gagner au Parc. Je l'ai vécu comme mon entraîneur et mes joueurs en me disant que ce qu'on vient de faire est fantastique, mais ça n'aura aucune valeur si on n'est pas capables de faire ce qu'il faut samedi (NDLR : face à Dijon). C'est le problème des compétitions : le bonheur est vachement éphémère. Ce ne sont que trois points, on ne se maintient pas en Ligue 1 avec trois points. On pourrait penser que ça peut dégager quelques certitudes, mais on sait que ce n'est pas le cas. La preuve en est : après Lille (2-0), on était tous dans cet état d'esprit parce qu'on avait aussi battu Marseille (2-0 au Vélodrome, 1re journée). Et derrière, on fait un match moins abouti qu'on perd à Nantes (0-1). Le prochain match va être très difficile, même face à une équipe qui est, sur le papier, moins armée que le PSG. On est heureux, mais on n'est pas non plus dans une euphorie. (On lui demande si, comme à son habitude, il a récupéré un maillot de l'adversaire) C'était trois points ou un maillot... J'avais fait ma commande en avant-match à mon ami Jean-Claude Blanc (NDLR : Directeur général délégué du PSG). Je ne l'ai pas revu à la fin. Je suis reparti exceptionnellement sans maillot. La dernière fois, Nasser (Al-Khelaïfi) m'avait fait le plaisir de m'offrir le maillot de Neymar, là, je n'avais pas spécialement de commande précise... (Ironique.) Vu qu'il paraît qu'ils avaient mis l'équipe B, personne ne les connaissait... Mais j'aurais bien voulu avoir le maillot de la saison. Ce n'est pas grave, ça n'a rien gâché à ma fête (Sourire)

*Président du Stade de Reims.

Hassane Kamara savoure devant les supporters rémois qui avaient fait le déplacement. (B.Papon/L'Equipe)

Jean-Pierre Caillot* : «C'est un plaisir, un bonheur et un honneur de gagner au Parc»

«Ce n'est pas anodin. Avec un peu de recul, je m'aperçois qu'on aura battu le PSG deux fois sur nos huit derniers matches. Je peux dire qu'on est le seul club actuellement qui reste sur deux victoires de suite face au Paris Saint-Germain. Tout ça, c'est pour se faire plaisir. C'est évidemment une grande joie, une grande fierté. On a une vision de notre club : on n'est pas trop dans le côté financier, capitaliste de certains, c'est plutôt la passion, être ambassadeur de notre région. Avant le match, j'avais dit à des journalistes : "Ce que je veux, c'est qu'on fasse bonne figure." Au-delà de faire bonne figure, on a très bien joué. En tant que président, je suis très fier de ce que les joueurs ont montré. À chaque fois on nous fait la même quand on tape un gros, et pourtant on commence à en avoir tapé quelques-uns, on nous explique qu'ils n'étaient pas en forme, qu'ils n'avaient pas envie de jouer, qu'ils n'avaient pas leurs vrais joueurs...

Dans le vestiaire, tout le monde était en train de crier. Chacun a conscience qu'il a fait un grand match et que c'est le collectif qui en tire profit. L'ambianceur ? Ça dépend. Il y a Axel (Disasi) avec sa grosse voix. Mais, sinon, c'est le petit Natha (Nathanaël Mbuku) qui fait le cri de guerre. Dans le bus, c'est redescendu. Ce n'est qu'un match. Ce n'est pas comme si on avait gagné en Ligue des champions... Il faut vite se reconcentrer. En plus, ça revient très vite.»

*Attaquant rémois auteur du deuxième but d'un retourné.

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«On en marque deux, on a un tir sur le poteau, on a une tête d'Abdelhamid qui aurait pu rentrer... Si ça avait voulu sourire, ce n'était pas 2-0 mais 4-0. »

«C'est le problème des compétitions : le bonheur est vachement éphémère. Ce ne sont que trois points, on ne se maintient pas en Ligue 1 avec trois points.»

Jean-Pierre Caillot n'a pas boudé son plaisir de voir les siens l'emporter au Parc des Princes. (A.Reau/L'Equipe)

Boulaye Dia* : «Je n'avais jamais marqué de retourné»

«(Sur le but) Je vois le ballon arriver, et, franchement, je ne me pose pas de question. J'effectue le geste, je vois que c'est rentré et là, c'est de la joie pure. Avec le match qu'on a fait, les efforts fournis, tout... Ça venait concrétiser une belle soirée. C'est pour ça que je suis allé célébrer avec le banc, avec tout le monde. Je n'avais jamais marqué de retourné. Je n'en ai pas le souvenir. Le plus beau but de ma carrière ? Oui, pour l'instant. On savait qu'on pouvait le faire, qu'ils laissaient beaucoup d'espaces et qu'on pouvait avoir nos chances en effectuant bien les contres, tout en ne perdant pas le ballon à la récupération. On l'a bien fait. On a essayé de jouer. Ça nous a souri.

«Ce n'est qu'un match. Ce n'est pas comme si on avait gagné en Ligue des champions... Il faut vite se reconcentrer.»

Propos recueillis par Timothé Crépin