el jugador del Valencia Zaza con el jugador del Betis Mandi en una accion del partido perteneciente a Liga Santander, enfrentando al Real Betis vs Valencia CF,estadio Benito Villamarin, Sevilla,dia 15 de octubre del 2017,Spain,foto: Cristobal Duenas Cordon Press *** Local Caption *** (Cristobal Duenas/CORDON/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Betis Séville, Algérie, Boudebouz, Aissa Mandi dit tout : «Cette Coupe du monde 2018 sans l'Algérie va être très difficile à supporter»

Titulaire indiscutable au sein d'un Betis Séville qui figure dans le top 10 de la Liga, Aissa Mandi raconte son aventure loin de la France, sa paternité récente, sa relation avec Ryad Boudebouz, mais aussi le futur d'une sélection d'Algérie qui lui tient tant à coeur.

«Aissa, voilà un peu plus d'un an et demi que vous avez quitté Reims et la Ligue 1 pour le Betis Séville. Quel bilan tirez-vous de cette expérience pour le moment ?
J'ai changé de vie, c'est vrai, sur le plan sportif, mais aussi familial, avec la naissance de ma fille. J'ai envie de dire que c'est un bilan positif. Même si ma première saison a été une année d'adaptation, j'ai mis du temps, avec deux ou trois blessures. Ce n'était pas une catastrophe, mais cette saison ne s'est pas vraiment passée comme je le voulais. Depuis, avec le changement de coach (NDLR : arrivée de Quique Setien), je me sens plus à l'aise. Même chose au niveau de la langue, c'était un obstacle assez important au début. Maintenant, je maîtrise davantage et je me sens beaucoup mieux dans le vestiaire.
 
Au-delà de la langue, quelles autres difficultés avez-vous rencontré durant ce changement d'environnement ?
Ce ne sont pas vraiment des difficultés, mais plutôt un changement de style de vie. Même si celui-ci n'est pas déplaisant, surtout à Séville. Mais c'est vrai que j'ai eu du mal par rapport à la famille. Je suis très, très famille, et c'était la première fois que je quittais ma ville de Reims, mon environnement, ma mère, ma sœur, mon frère. Cela a été très dur pour moi. Je ne m'en rendais pas forcément compte sur le moment, mais avec le recul, les six premiers mois ont été compliqués. Et, en plus, sportivement, on a changé deux fois de coach, le directeur sportif est aussi parti. Mais je pense que tout ça m'a apporté.

«Rennes ? Il y avait des contacts»

De là à penser rapidement à un retour lors de vos six premiers mois difficiles ?
Non, pas forcément. Je ne suis pas quelqu'un qui lâche. Jouer en Liga était un vrai objectif, c'est un Championnat qui me correspond vraiment. Dans un très bon club d'Espagne, et ça, on ne s'en rend pas forcément compte en France de la ferveur qu'il y a autour du Betis. J'ai envie de m'installer vraiment et de montrer ma vraie valeur ici.
 
L'été dernier, des rumeurs vous envoyaient à Rennes. C'était vrai ?
Oui et non. Il y avait des contacts parce qu'on ne savait pas qui allait entraîner au Betis, mais aussi parce que j'ai une relation particulière avec le coach (Christian) Gourcuff. J'ai toujours voulu continuer ici. Cela n'a pas été plus loin.
 
Où se situe le déclic au cœur de votre début d'aventure compliquée ?
L'arrivée du coach y a fait. J'avais vraiment apprécié le passage de Gustavo Poyet, qui n'est pas resté longtemps. Cette saison, le coach a changé beaucoup de choses au niveau du groupe et je sens sa confiance. Je suis venu en Espagne pour côtoyer ce genre de coaches-là, qui joue au ballon, mais qui tient aussi son vestiaire. Même si je joue énormément, toutes les semaines, tu n'es jamais sûr d'être sur le terrain le week-end qui suit.

Vous évoquiez Gustavo Poyet, qui n'est resté que quelques mois, quels souvenirs en gardez-vous ? Il est aujourd'hui sur le banc de Bordeaux...
Avec Jonas Martin (son ancien coéquipier, parti depuis à Strasbourg), on a vraiment apprécié son passage. On était dégoûté qu'il parte aussi vite. Il a de très bonnes idées de jeu, et il nous avait très bien accueillis puisqu'il parle très bien français. J'ai de très bons souvenirs avec lui. Quand j'ai vu qu'il allait entraîner Bordeaux, je me suis dit que ça allait marcher. Il peut réussir en France.

«Gustavo Poyet ? J'ai de très bons souvenirs avec lui. Quand j'ai vu qu'il allait entraîner Bordeaux, je me suis dit que ça allait marcher. Il peut réussir en France».

Au Betis, vous n'êtes plus le seul Algérien puisque Ryad Boudebouz vous a rejoint. Comment évaluez-vous sa saison ?
Je l'ai incité à venir ici. Il m'a demandé comment était le groupe, le club, le coach. Je lui ai dit qu'il allait s'épanouir. Ça ne s'est pas très bien passé au début, il est arrivé blessé et il a eu du mal jusqu'en décembre avec son genou. Il manquait de rythme. Mais là, on voit que c'est un tout autre joueur depuis quelques matches. A 100% de ses moyens, en Espagne, il va faire très mal.
 
On imagine qu'il y a une très bonne complicité entre vous...
Il habite à 100 mètres de chez moi, et on a les enfants quasiment du même âge, ça rapproche. Mais déjà avant, en sélection, on s'entendait très bien.
 
L'arrivée de votre nouveau-né a-t-elle aussi changé beaucoup de choses ?
Quand tu rentres à la maison, tu sais que tu vas sourire et rigoler avec ta fille dans les bras. En fait, ça apaise. Tu ne penses à rien d'autre. Je suis un compétiteur, je n'aime pas perdre, et maintenant, même après une défaite, quand je rentre, je la vois et j'oublie tout. Tu passes vite à autre chose. C'est une force.
 
Lorsque vous vous voyez tous les deux avec Ryad Boudebouz, on imagine que la discussion porte parfois sur la sélection algérienne...
On en parle tout le temps (il sourit). On est vraiment déçus de ne pas aller au Mondial. Il n'y a pas eu de stabilité au niveau de l'entraîneur et du président. Tout le monde a sa part de responsabilité, joueurs compris. On s'est tous remis en cause, et, désormais, on va essayer de changer la donne et de redevenir l'Algérie de 2014 qui triomphait (éliminée en prolongation en huitième de finale du Mondial par l'Allemagne, future championne du monde). Car, là, c'est vrai que ça ne fait pas plaisir. En six matches de qualification pour la Coupe du monde, on a changé trois fois de coach...

«L'entraîneur préfère un 5-5 à un 0-0»

Plus tôt, vous parliez de cette ferveur autour du Betis, dites-nous en plus...
C'est un peu comparable à Marseille. Je ne sais pas si on se rend compte, mais on a 50 000 abonnés ! C'est vraiment extraordinaire. Personne n'a ça en France. Ça parle tout le temps du Betis, notamment sur les réseaux sociaux. C'est un club historique du pays, avec une grande passion. Je m'en suis réellement rendu compte la saison dernière. Avant un derby face au FC Séville, on a fait un petit réveil le matin, et il devait y avoir entre 5 et 10 000 personnes présentes. C'était extraordinaire.
 
Tout à l'heure, vous espériez montrer votre vraie valeur au Betis. Vous avez disputé vingt-deux matches de Liga sur vingt-cinq possibles, diriez-vous que vous êtes en train d'effectuer une saison pleine ?
Je fais de meilleures performances, je suis beaucoup plus régulier. Ma saison est bonne, je joue beaucoup, j'adore ça. Je m'entraîne vraiment dur. Et, collectivement, ça se passe bien, donc c'est top... mais ça n'est pas fini. On joue très bien, on encaisse toujours autant de buts (18e défense de Liga), mais c'est notre jeu qui veut ça. On a beaucoup de possession, on tente de faire du jeu : la philosophie de notre coach est de mettre un but de plus que notre adversaire. Un jeu très, très ouvert, on repart de derrière et on essaie de relancer proprement. L'entraîneur préfère un 5-5 à un 0-0, créer du jeu et donner du spectacle. Bon, on ne va pas mettre de côté le fait qu'on prend trop de buts, ça fait partie des choses à corriger.
 
Vous n'êtes pas très loin de la cinquième place. Quels peuvent être vos objectifs ?
On parle beaucoup d'Europe, c'est vrai, mais ce n'était pas l'objectif de départ. On en est là, avec notre qualité de jeu et notre bonne forme du moment. Donc on se dit pourquoi pas. Mais l'Europe n'est pas une fin en soi.
 
Et pourquoi pas aussi terminer devant le rival...
On aimerait bien être classé le plus haut. Mais on ne fait pas une fixette sur le FC Séville. Si on peut finir devant, on ne va pas s'en priver.

«Ryad Boudebouz ? A 100% de ses moyens, en Espagne, il va faire très mal».

«On va essayer de redevenir l'Algérie de 2014»

Croyez-vous à un renouveau de cette sélection ?
On a une très bonne génération avec les Brahimi, Mahrez... On a tous à peu près le même âge. Ce serait vraiment un gros échec de passer à travers avec tous ces joueurs. La CAN arrive en 2019, on va tout faire pour se remobiliser et faire quelque chose là-bas.
 
Allez-vous regarder la Coupe du monde depuis votre télévision ?
Je ne vous cache pas que ça va être très dur. Après ce qu'on a vécu en 2014, cette Coupe du monde 2018 va être très difficile à supporter. Je ne sais pas si je pourrai la regarder...
 
Quelque chose de beaucoup moins difficile à évoquer : votre Stade de Reims, votre club formateur, qui caracole en tête de la Ligue 2. Suivez-vous toujours leurs performances ?
Ce qu'ils font est incroyable ! J'ai eu l'occasion de venir deux fois dans le vestiaire cette saison. Ce qui ressort, c'est leur groupe. Ils vivent ensemble et c'est ça qui fait leur force. Il n'y a pas de tension ou d'états d'âmes. On ne s'en rend pas compte, mais c'est juste extraordinaire. Strasbourg a été champion la saison dernière avec 67 points, là, Reims en a 63 alors qu'il reste onze matches à disputer. Ça veut tout dire ! Je suis vraiment content pour eux, les joueurs, et toutes les personnes qui travaillent. Ce sont des amoureux du club.»

Timothé Crépin