1:0 Jubel v.l. Torschuetze Arjen Robben, Franck Ribery (Bayern)Fussball Bundesliga, FC Bayern Muenchen - Borussia Moenchengladbach (L'Equipe)

Bayern Munich : Franck Ribéry - Arjen Robben, le roman d'un duo iconique

Honorés par l'Allianz Arena la semaine passée pour leur ultime apparition en Bundesliga, Franck Ribéry et Arjen Robben disputeront ce samedi, en finale de la Coupe d'Allemagne face au RB Leipzig, leur dernier match avec le Bayern Munich. Point final d'un itinéraire hors du commun pour un duo légendaire.

«Quelqu'un là haut a écrit le scénario d'aujourd'hui.» Pour une fois, difficile de contredire une déclaration d'Uli Hoeness. Le patron du Bayern Munich ne pouvait mieux résumer l'après-midi parfait vécu par son public et son équipe, samedi dernier, face à l'Eintracht Francfort. Il y a eu cette large victoire (5-1) synonyme de nouveau titre national, bien sûr, mais aussi (surtout ?) les adieux idylliques de Franck Ribéry et Arjen Robben à l'Allianz Arena, avec un but chacun, suivi d'une joie simple, pure, franche, instantanée, remplie d'émotion. Ce 18 mai, "Rib und Rob" n'étaient pas les trentenaires poussés avec tact vers la sortie, plutôt deux enfants à qui on offrait un dernier bonbon.

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Faux pieds, vraie connexion

Entre ces deux-là, les friandises n'ont pas manqué durant leur règne en Bavière. Des courses vers l'avant, des dribbles, des crochets, des passes, des buts... Les chiffres donnent le tournis : 124 buts et 182 passes décisives pour Franck Ribéry (en 424 matches), arrivé en 2007, deux avant son alter ego Arjen Robben, qui totalise de son côté 144 réalisations et 101 offrandes en 308 rencontres. La connexion franco-néerlandaise n'a d'ailleurs pas tardé à enchanter le public bavarois, puisque la première apparition de Robben, le 29 août 2009 face à Wolfsburg (3-0), avait été couronnée de deux buts... sur deux passes décisives de Ribéry ! Prometteur et prémonitoire. «Lors de ce premier match, ça a cliqué tout de suite entre nous, et ce lien ne s'est jamais rompu», rappelait l'ancien Bleu début mai. À son échelle, le duo "Robbéry" a également incarné une certaine évolution du jeu. Au sein de son club, déjà, en imposant une menace constante et intense sur toute la largeur du terrain, rompant avec une culture historique très "axiale". Mais aussi au-delà, en démocratisant (ou en remettant au goût du jour) le rôle de faux pied au plus haut niveau.

Le Français a été vingt-trois fois, au total, le dernier passeur sur un but du Néerlandais (qui lui a rendu "seulement" huit fois). Le plus beau caviar de tous ? Sans aucun doute cette combinaison magistrale à Old Trafford, en quarts de finale de la Ligue des champions, lorsqu'un corner de l'ancien Marseillais a trouvé le pied gauche de l'ex-Madrilène pour une reprise de volée sublime, synonyme de qualification épique grâce à la règle du but à l'extérieur (2-1, 2-3). Ce printemps-là, le duo a touché du doigt ce pourquoi il avait rallié la Bavière : la gloire européenne. Mais sans Ribéry, suspendu, le Bayern Munich n'a pas fait le poids en finale face à l'Inter (0-2).

23 passes de Ribéry ont abouti à un but de Robben

Des gifles aux câlins

La Ligue des champions a d'ailleurs longtemps cultivé la frustration de ces deux assoiffés de succès. Au point qu'une discussion très animée autour du choix du tireur d'un coup franc, un soir de demi-finale sur le terrain du Real Madrid en 2012, s'est achevée à la mi-temps par plusieurs coups assénés par Ribéry à son coéquipier. Bilan : une qualification homérique (2-1, 1-2, 3 t.a.b. à 1), mais une amende salée (50 000 euros chacun), et un ressentiment partagé qui mettra un certain temps à s'atténuer. Et qui poussera en partie Robben, également ciblé par le public bavarois après deux penalties décisifs manqués, en Championnat face à Dortmund (0-1) puis en finale de C1 contre Chelsea (1-1, 3 t.a.b. à 4), à s'interroger sur son avenir. Mais les deux égos bien dimensionnés de Ribéry et Robben ont finalement appris, au fil du temps, à s'accepter, voire même à s'apprécier. «Je pense que ces dix ans passés ici auraient été totalement différents sans Franck, admettait le Néerlandais dans le Guardian il y a quelques semaines. Nous avons accompli quelque chose d'exceptionnel pour ce club, et je suis reconnaissant envers Franck parce que sans lui, ça n'aurait pas été pareil.»

Selon le président du conseil d'administration du Bayern, Karl-Heinz Rummenigge, les deux hommes ont même «aidé à construire la décennie la plus fructueuse de l'histoire du club, grâce à un football fantastique». Plus ou moins complices selon les époques (et les entraîneurs), les deux solistes sont de toute façon liés à jamais par leur aventure commune, teintée de gloire à Wembley, le 25 mai 2013. Ce soir-là, face au Borussia Dortmund, le couple le plus iconique du Bayern Munich n'a laissé à personne d'autre le soin d'écrire l'histoire. Déjà décisifs sur l'ouverture du score de Mario Mandzukic, les numéros 7 et 10 bavarois ont confisqué le trophée tant convoité à la 89e minute, au bout d'une action pleine de volonté et de sang-froid. Un aboutissement pour Franck Ribéry, qui sera légitimement mis en avant par le Bayern dans la course au Ballon d'Or FF (pour une troisième place finale). Une rédemption attendue pour Arjen Robben, qui enchaînera avec sa meilleure saison statistique (21 buts, 17 passes) et une brillante Coupe du monde 2014.

Rattrapés à tour de rôle par les pépins physiques, Ribéry et Robben ont ensuite peu à peu perdu de leur impact sur le long terme, malgré quelques coups d'éclats, à l'image de la double confrontation face au Real Madrid en 2017-18 (1-2, 2-2 en quarts de finale de la Ligue des champions) pour le premier, ou d'un doublé "vintage" contre Benfica (5-1) en novembre dernier pour le second. Leur temps de jeu s'est estompé, pas leur passion. «Arjen s'entraîne comme un joueur de vingt-cinq ans, appréciait leur entraîneur Jupp Heynckes en mars 2018. Quant à Franck, on a dû le freiner aujourd'hui parce qu'il a tellement d'énergie !» Interrogé récemment par ESPN, Serge Gnabry confirmait que ses aînés restaient d'exemplaires modèles au quotidien : «Ils sont tout le temps en train d'attaquer ! Ils ne laissent jamais passer la moindre occasion de jouer un un contre un. Avant, je me disais qu'il fallait parfois temporiser, mais ils m'ont aidé à me lâcher, à toujours oser, en me répétant qu'il y a toujours une chance de déstabiliser la défense adverse. Mentalement, ils ont défini une ère ici.» Et rendu leur succession (quasi-)impossible.

«Mentalement, ils ont défini une ère ici» (Serge Gnabry)

Cédric Chapuis