martinelli (gabriel) santamaria (baptiste) (J.Prevost/L'Equipe)

Baptiste Santamaria (Angers SCO) : «L'essentiel c'est d'être capable de répondre à ce que le jeu commande»

Des passes claquées aux interceptions, en passant par la vitesse maximale aérobie et la prise d'information, Baptiste Santamaria, sentinelle d'Angers SCO, a tenté de nous expliquer ce qui faisait un bon numéro 6.

«Quand Baptiste Santamaria reçoit un ballon dans les pieds devant sa défense, qu’est-ce qui prime : la réflexion ou l’instinct ? 
Spontanément je dirais déjà que l’important c’est d’avoir vu avant, parce que l’adversaire va venir te chercher super vite. Et si tu n’as pas vu avant, si tu n’as pensé de manière anticipée à la zone vers laquelle tu souhaites orienter le jeu, ça peut devenir compliqué. 

Réflexion et travail au niveau de la prise d’information, donc. 
C’est ça. L’instinct va pour sa part te servir si tu n’as pas effectué ce travail en amont. Car tu devras te sortir de la situation délicate dans laquelle tu viens de te mettre. Ça passera par de la protection de balle et quelques touches supplémentaires.  

Lorsqu’on lui a posé la même question, Miralem Pjanic nous a répondu qu’il savait systématiquement ce qu’il devait faire lorsqu’il recevait le ballon, parce qu’il scannait continuellement le terrain. Tous les numéros 6 ont donc la même obsession… 
Je pense. À partir du moment où vous savez à peu près vers quelle zone vous allez jouer, que vous avez vu avant, vous gagnez du temps. Vous en gagnez parce que vous allez forcément mieux vous orienter et donc pouvoir enchaîner plus facilement techniquement. 

« Vous ne devez surtout pas ralentir le jeu en donnant un ballon un peu dans le dos ou trop dans les pieds»

Vous avez dû forcer votre nature pour bouger la tête dans tous les sens et ainsi prendre un maximum d’informations ou c’est quelque chose de naturel ?
J’ai amélioré ça au fil des années. Au départ j’avais moins besoin de prendre les infos car je jouais plus haut sur le terrain (NDLR : milieu offensif avec Tours). Le fait de reculer sur le terrain ne m’a pas laissé d’autre choix que de progresser dans ce secteur-là. Ce n’était pas forcément quelque chose d’instinctif mais quelque chose que j’ai dû améliorer pour ne pas me mettre en difficulté. Ensuite, à force d’entendre le coach (NDLR : Stéphane Moulin) me demander de le faire, de le bosser à l’entraînement, c’est devenu plus naturel.

La vision du jeu est donc quelque chose qui peut se travailler ?
C’est quelque chose qui peut se développer, oui. Mais au-delà de ça, à force de s’entraîner et de jouer, vous apprenez à connaître vos coéquipiers et donc à mieux savoir comment utiliser le ballon. Vous allez par exemple apprendre que tel ou tel joueur préfère recevoir le ballon dans l’espace alors qu’un autre préfère les ballons forts dans les pieds. Ce sont toutes ces petites choses qui font que vous prenez de meilleures décisions.

Au-delà de cette intelligence de jeu-là, quelles autres cases un numéro 6 doit-il nécessairement cocher ?
La qualité de passe, déjà. C’est quelque chose de très important car c’est ce qui vous permet d’accélérer le jeu, de faciliter la progression de votre équipe. Il vous faut être capable de claquer une belle passe qui va permettre de faire avancer l’équipe ou d’aérer le jeu. De toute façon pour moi c’est ça, le rôle du numéro 6. Vous devez rendre les choses plus faciles et ne surtout pas ralentir le jeu en donnant un ballon un peu dans le dos ou trop dans les pieds.

La qualité de passe et la concentration avant tout pour Baptiste Santamaria (A.Mounic/L'Equipe)

Vision du jeu, qualité de passe, vous voyez autre chose ? 
Casser des lignes ! Que ce soit par la passe ou la percussion. Mais je suis obligé de revenir sur la passe. Choisir les bonnes passes, c’est primordial. Et il y en a plusieurs ! Vous devez être capable d’alterner. Parfois l’équipe a besoin de souffler parce qu’elle vient de courir après le ballon. Dans ces cas-là, une simple petite passe vers une zone moins dense peut permettre à tout le monde de récupérer. Après il y a bien sûr la passe qui perfore, pour trouver un partenaire entre les lignes ou dans la profondeur. Vous devez aussi la maîtriser. 

Vous en oublieriez presque le jeu sans ballon… 
Parce que c’est presque la même chose. Quand votre équipe a le ballon, vous devez savoir vers où il est judicieux de l’amener, non ? Et bien quand l’adversaire le possède, vous devez être capable d’imaginer vers où il souhaite aller. Tout est affaire d’anticipation, avec comme sans le ballon.  

Vous avez des modèles dans le domaine ?
Quand j’étais petit, je jouais plus haut donc j’aimais beaucoup regarder Steven Gerrard, Frank Lampard et forcément (Zinédine) Zidane. Pour parler de joueurs qui jouent ou jouaient au poste qui est désormais le mien je dirais Sergio Busquets et Xabi Alonso. J’aimais beaucoup Pirlo, également. Ce sont ces profils-là que je préfère. 

Des modèles en matière de protection du ballon, notamment. Comment est-ce que l’on apprend à résister à la pression imposée par l’adversaire ? Vous concernant, celle-ci a augmenté à mesure que vous avez pris de l’importance dans le jeu… 
Là encore, le fait d’avoir vu avant est déterminant. Il vous faut jouer de plus en plus simple, aussi. Et garder en tête que vos coéquipiers vont pouvoir se servir de ça, tirer profit des espaces que vous allez libérer. Et vous aussi, indirectement. Car quand bien même vous n’êtes pas touché sur la première relance, vous allez probablement pouvoir recevoir le ballon dans un second temps, parce que le jeu aura progressé et que des décalages auront été créés. 

Voir : Les meilleurs milieux de terrain de la saison en Ligue 1

Dans quel secteur de jeu avez vous le plus progressé depuis votre arrivée au SCO il y a maintenant quatre ans ? 
Dans la maturité ! Au début, je voulais tout donner mais je ne faisais pas forcément les bonnes courses. Maintenant, je réalise des courses plus réfléchies car je lis mieux le jeu. J’ai aussi progressé dans la gestion des temps forts et faibles. Dans la percussion ballon au pied, aussi.

Ces percussions-là, vous les affectionnez particulièrement. Le coach Stéphane Moulin vous a toujours donné carte blanche dans le domaine malgré les risques que cela comporte ? 
Il m’a toujours encouragé à le faire car il savait que j’avais cela en moi. Mais au départ on s’était dit qu’il ne fallait le faire qu’une ou deux fois par période. Ça m’a permis de me canaliser et d’apprendre à me concentrer sur le fait de bien défendre d'abord. Ensuite, à partir du moment où j’ai commencé à mieux maîtriser le poste, le coach m’a accordé un peu plus de liberté. 

À quel point le coach a été important dans votre progression ? 
Il a été très important ! Tactiquement, d’abord, mais aussi via plein de petites consignes. Je pense à l’orientation du corps lorsque je reçois le ballon ou à la manière de courir en diagonale plutôt que latéralement (NDLR : pour couvrir les espaces), par exemple. Ce sont plein de petits conseils qui m’ont permis de me sentir de mieux en mieux sur le terrain. Je n’oublie pas non plus Olivier Pantaloni et Marco Simone. Chaque coach que j’ai eu m’a fait progresser dans un domaine. 

Et qu’est-ce qu’il vous faut désormais améliorer dans votre jeu pour franchir un nouveau palier ? 
Bonifier l’ensemble. Ça passe par plein de petits détails, avec et sans le ballon. Après, s’il faut ressortir un axe de progression majeur, il faudrait que je devienne capable de donner des ballons encore plus meurtriers dans le dos de la défense. 

«C'est kiffant de sentir la réaction du stade quand vous récupérez un ballon !»

C’est pour donner des bons ballons et casser des lignes que vous êtes devenu numéro 6 ?
Même pas ! Quand je suis arrivé au SCO, un joueur qui ne devait pas partir nous a finalement quittés (NDLR : Romain Saïss, recruté par Wolwerhampton) et j’ai donc dû évoluer à ce poste. Le coach m’a demandé d’essayer et ça s’est bien passé.

Et à partir de quand vous êtes-vous senti légitime pour occuper le poste ?
À partir du moment où j’ai progressé défensivement. Car quand vous évoluez en 8 ou en 10 vous défendez, bien sûr, mais ce n’est pas la même chose. À partir du moment où j’ai été capable d’élargir ma palette et de défendre, donc.

Baptiste Santamaria à la lutte avec Stanley Nsoki pour tenter de gratter un ballon de plus. (L'Equipe)

Vous avez dû forcer votre nature ou vous avez toujours aimé aller chercher le ballon dans les pieds de l’adversaire ? Certains joueurs sont loin d’avoir ça en eux…
Chez moi c’était quand même quelque chose de plutôt naturel mais vous pouvez développer ces qualités-là au quotidien. De toute façon, la question ne s’est pas posée longtemps. Si je ne récupère pas de ballons, je ne remplis pas complètement mon rôle et je ne suis donc pas assez utile à l’équipe. Or, si vous voulez récupérer des ballons, vous devez être agressif. Ça fait partie du métier. Et puis c’est kiffant d’entendre et de sentir la réaction du stade quand vous interceptez un ballon ! 

Et le coffre, vous l’avez toujours eu ? 
Ça, pour le coup, c’est complètement naturel. Même si à force d’enchaîner les entraînements et les matches à haute intensité vous devez certainement progresser un petit peu…

Ça donne palier combien au VAMEVAL (NDLR : test physique permettant de déterminer la vitesse maximale aérobie d’un sportif) ?
Palier 22,45 ou 23, ça dépend. 

Solide. 
Oui, ça va (rires). 

Revenons au ballon. Que pensez-vous des consignes que l’on a rabâchées à nombre de numéros 6 au cours de leur formation ? Des fameux "prends à gauche pour donner à droite" au "va vers l’avant", le risque n’est-il pas de former des sentinelles monotâches ?  
Je comprends ce que vous voulez dire. L’essentiel est d’être capable de répondre à ce que le jeu commande. Dans la formation, on nous apprend à aller de gauche à droite, à accélérer à tel ou tel moment. C’est très important car ce sont les bases du football mais vous devez aussi et surtout être capable de vous adapter aux situations. S’il y a une forte concentration de joueurs à gauche, on a tendance à dire qu’il vous faut aller à droite. Mais s’il n’y a personne sur ce côté, qu’est-ce que vous faites ? Une petite passe courte ou en retrait sera probablement plus utile qu’un renversement de jeu vers un coéquipier isolé. 

«Je pense que le système n'a pas toujours autant d'importance que ce que l'on entend parfois»

Qu’est-ce que vous pensez des fameux «profils» de numéro 6 ? Un numéro 6 ne devrait-il pas savoir tout faire ?
Il en existe des joueurs capables de s’adapter à n’importe quel style de jeu ! Après, vous avez certaines équipes qui ont besoin de tel ou tel type de joueur. Tout dépend de la manière dont joue l’équipe qui cherche à recruter. Mais oui, les meilleurs 6 sont ceux qui sont capable de faire les deux : défendre et attaquer.

Et d’évoluer indifféremment dans un milieu à deux ou à trois ?
À partir du moment où vous connaissez vos partenaires, je pense que le système n’a pas toujours autant d’importance que ce que l'on entend parfois. Si vous jouez seul devant la défense mais que vous avez l’habitude de jouer avec tel ou tel coéquipier un cran plus haut, vous ne serez pas forcément perturbé le jour où celui-ci redescendra à vos côtés.

Vous donnez l’impression d’être un gros consommateur de football. C’est important de regarder des matches ?
Pour moi ce n’est pas une contrainte car j’aime regarder du foot. J’aime observer la manière dont les uns et les autres se sortent des situations auxquelles ils doivent faire face. Il y a toujours des choses à prendre dans le jeu des meilleurs équipes, chez les meilleurs joueurs. C’est aussi comme ça que l’on progresse.»

Thymoté Pinon