Bafetimbi Gomis (Reuters)

Bafétimbi Gomis (Galatasaray) : «J'ai la chance de vivre quelque chose d'unique»

En visite à Paris en début de semaine, Bafétimbi Gomis a rendu visite à FF. Le temps, durant une vingtaine de minutes, d'évoquer une saison de tous les records pour lui. Mais d'aborder aussi son départ de l'OM et l'équipe de France.

«Champion de Turquie, 29 buts en 33 matches : pouviez-vous rêver d’une meilleure saison pour votre première avec Galatasaray ?
Non. En plus de ça, j’ai eu la chance d’être un peu le petit chouchou de ce grand peuple de Galatasaray. Plus de 30 millions de supporters, ils m’ont pas mal chouchouté. Si j’avais voulu écrire cette histoire, elle n’aurait pas été aussi belle.
 
Ce lien avec les supporters s’est en effet très vite créé…
Bien sûr. Dès l’aéroport, j’ai été très touché par ce bain de foule. De par mon éducation, mes parents m’ont toujours inculqué qu’il fallait rendre ce qu’on nous donnait, avoir des valeurs tel le respect, le sens du partage et le goût du travail bien fait. À mon arrivée, après mes buts à Marseille, les supporters attendaient une tête de gondole, un attaquant qui doit représenter le plus grand club turc. Avec ma façon de jouer et de jubiler, Galatasaray réunissait tous les critères pour moi dans le cadre d’une expérience à l’étranger. Surtout que je sortais d’un passage mitigé à Swansea. J’avais envie de m’imposer hors de France.

«Marseille et Galatasaray ? Les frères jumeaux»

Y a-t-il un moment précis où vous avez compris que cela avait matché avec le public ?
Pas vraiment, parce que j’ai mis du temps à trouver mes marques lors du stage de préparation. J’ai joué cinq matches sans trouver le chemin des filets. Il y avait alors eu des interrogations pour savoir si j’allais m’intégrer. Lors du premier match de Championnat, j’ai réussi à marquer deux buts (contre Kayserispor). Là, je pense qu’ils se sont dit qu’ils avaient le joueur qui leur fallait. J’ai eu la chance d’appartenir à un collectif qui m’a bien gâté au niveau des bons ballons. J’ai pu alors marquer pas mal de buts…
 
Cela a pu vous surprendre d’en inscrire autant ?
Non, parce qu’à Marseille, l’an passé, si j’ai la chance de ne pas me blesser, je suis dans ces temps de passage-là. J’ai dû m’arrêter de jouer pendant deux mois avec cette blessure au genou. Donc non, je n’ai pas été surpris. Marseille m’a beaucoup aidé pour que je m’adapte au mieux à Galatasaray. Ce sont deux clubs que j’appelle souvent les frères jumeaux, ils se ressemblent, avec un engouement et un public très exigeant, très dur, où la pression existe vraiment. Ce n’est donc pas anodin d’avoir opté pour ce club.

Et à la différence de la saison dernière, cette fois, le physique a tenu de bout en bout…
J’ai l’impression que plus je vieillis, plus je suis performant.
 
Un Benjamin Button du football, Bafétimbi Gomis ?
Non, je pense avoir eu un déclic après cet échec en Angleterre, et aussi avec le décès de mon père. Je me sens plus libéré, avec moins de pression. Je travaille beaucoup plus qu’avant. J’ai fait en sorte d’être accompagné par un kiné, un préparateur physique : j’ai installé toute une cellule autour de moi afin que je puisse poursuivre sur la durée et ne pas me sentir vieillissant.

«Istanbul ? Une ville incroyable»

Quel est votre meilleur souvenir de cette première saison en Turquie ?
Le titre. C’était ce qu’il me manquait dans ma carrière. J’avais eu la chance de marquer pas mal de buts et d’appartenir à de très grands clubs, mais je n’avais jamais eu l’opportunité de remporter un titre. Et surtout marquer ce but qui nous fait gagner le Championnat : c’était symbolique, ç’a été à l’image de la saison.
 
Racontez-nous cette période assez dingue entre février et mars où vous inscrivez neuf buts en trois matches, dont un quadruplé et un triplé. On se sent injouable dans ces périodes-là ?
On se sent invincible. Tu marches sur l’eau. Mais on se devait surtout de garder notre humilité. Après la pluie, vient le beau temps… et l’inverse nous a fait mal parce qu’on a eu une petite période de moins bien juste derrière. Avec cette défaite à Genclerbirligi, qui était relégable, par exemple.

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Hors terrain, comment vous êtes-vous senti dans cette ville d’Istanbul ?
C’était une première pour moi. C’est une ville incroyable. J’ai été agréablement surpris. Mes enfants et ma famille se sont bien adaptés. C’est un régal d’y vivre. J’ai choisi d’habiter dans la ville, j’aime bien me mélanger à la population, c’est très important pour mes enfants. Avec le contexte actuel, on a un peu peur de l’inconnu mais je voulais casser ces on-dit. Istanbul est une belle ville pour ça. Mon fils se mélange à cette culture. À Istanbul, il est servi, et c’est très bien. Il parle un peu turc, un peu anglais, un peu français, c’est enrichissant pour lui.
 
Est-il facile pour vous de sortir dans la rue avec votre cote de popularité ?
C’est difficile, mais ça m’arrive de temps en temps de sortir en famille ou avec des amis au restaurant. Il y a une telle passion autour de moi, j’ai la chance de vivre quelque chose d’unique.

Diriez-vous que cette saison si réussie est une revanche sur tout ce qui a pu être dit à votre sujet ?
Je ne dirais pas une revanche. Mais, en France, à part à Marseille où on m’a donné les clés de l’attaque, je n’ai jamais eu la chance d’être l’attaquant numéro 1, sur qui on croit et à qui et on donne toute la confiance qu’un avant-centre doit avoir. Je pense à Lyon ou à Swansea. À l’OL, il y a eu Lisandro, puis Lacazette qu’on a essayé de pousser. Je ne me suis alors jamais senti comme le titulaire numéro 1. À Swansea, le vrai-faux départ de Wilfrid Bony m’a fait passer la plupart de mon temps sur le banc de touche. Derrière, des milieux ont joué à ma place. Je n’ai jamais été à mon aise. Mais à Marseille ou Galatasaray, j’ai essayé de rendre cette confiance de la plus belle des manières en me montrant efficace.

Au sujet de votre départ commenté de l’OM, il n’y a pas eu non plus de rancœur ?
Non, je suis très content d’avoir joué dans le club de mon cœur au moment où il avait le plus besoin de moi. Étant prêté, je savais que j’allais être sollicité. Et j’ai donc fait le choix d’opter pour Galatasaray, j’ai senti que c’était ce club qui me désirait le plus. Marseille aspirait à autre chose, sans envie de faire de moi l’attaquant numéro 1.

«Marseille aspirait à autre chose, sans envie de faire de moi l'attaquant numéro 1»

Beaucoup de choses se sont dites sur votre départ. Notamment au sujet d’un désaccord salarial. Qu’en était-il exactement ?
C’était un tout. Le fait était que je ne voulais pas être augmenté, mais je souhaitais retrouver le salaire qui était le mien. Ce qu’on oublie, c’est que j’ai fait un effort pour venir à Marseille, un club qui était en difficulté financière avant d’être racheté. Je fais cet effort car je vois que je vais avoir le temps de jeu pour retrouver mon niveau. Et, en plus, je souhaitais me rapprocher de mon père pour vivre ces derniers instants auprès de lui. Passer du temps avec nos parents, les piliers de la famille, est quelque chose de très important dans notre culture africaine. C’était une belle histoire de terminer à Marseille, qu’il me passe le relais. J’ai donc fini par réaliser cette bonne saison à Marseille mais il y a eu pas mal d’interrogations. Le challenge de Galatasaray était celui que j’attendais. Il réunissait tous les critères. Un an après, je suis très content de ça.

«Il n'y a rien de plus beau que de défendre les couleurs de son pays»

L’objectif est-il de continuer avec Galatasaray ?
Évidemment, après avoir effectué une telle saison, je me sais sollicité. Durant l’intersaison, je vais avoir le temps pour une discussion avec les dirigeants afin de trouver la meilleure solution et pour savoir ce qu’ils comptent faire.
 
On parle toujours des cinq grands Championnats, est-ce important pour vous d’en faire partie ?
Non, je suis content d’être dans le Championnat de Turquie. J’appartiens à un grand club, qui n’a rien à envier aux équipes des cinq grands Championnats comme vous le dites. Surtout que la Ligue turque est en pleine effervescence, on attire de plus en plus de grands joueurs. Et vous seriez surpris par le nombre de joueurs de renom qui m’appellent pour venir me rejoindre en Turquie.
 
Cette saison réussie en Turquie a-t-elle pu également vous donner certaines idées pour une possible participation à la Coupe du monde ?
Je n’y ai pas pensé. Je me suis dit que j’avais été performant et que cela aurait été très bien si j’avais eu la chance d’être appelé. Ça aurait été une récompense de tous les sacrifices que j’ai pu faire pour réussir cette saison. Malheureusement, cela ne s’est pas soldé par une convocation. Des choix sont faits. Je reste supporter des Bleus, j’espère qu’ils réussiront à remporter ce Mondial.
 
Avez-vous récemment reçu une pré-convocation ?
On ne m’en a pas parlé. Je ne pense pas. Je suis réserviste des réservistes. Et si Didier fait appel à moi, je ne déclinerai pas. Ce sera avec plaisir. Je pense qu’il n’y a rien de plus beau que de défendre les couleurs de son pays.»

Timothé Crépin