elizegi (aitor) (B. Cremel/L'Equipe)

Athletic Bilbao, les derniers romantiques

Depuis plus de cent ans, le club 100% basque n'a jamais dérogé à la philosophie qui fait sa force et sa fierté. Malgré les risques qu'elle comporte, personne ne songe d'ailleurs à en changer. Unique il est, unique il restera.

Rafael Alkorta l’avait affirmé à la veille de la reprise du Championnat d’Espagne, alors que l’Athletic s’apprêtait à recevoir Barcelone : «Pour tous, il est admis que l’Athletic ne peut pas gagner la Liga comme on ne rêve pas de Ligue des champions. On peut battre le Real ou le Barca quand on les affronte mais à l’arrivée on sera derrière eux». Le directeur sportif du club basque, passé brièvement par le banc de l’OM au côté de Michel, ne pouvait rêver meilleur scénario que ce but incroyable du vétéran Aduriz à deux minutes de la fin du match plongeant San Mames dans la folie. Bilbao a battu le Barça mais Bilbao ne s’enflammera pas, Bilbao restera arc-bouté sur ses valeurs qui depuis plus d’un siècle en font un club unique au monde.

Pour jouer à l’Athletic, il faut être basque, ou avoir grandi dans la région. C’est pour rendre cette philosophie viable que le club a créé il y bientôt cinquante ans (en 1971), son centre de formation à Lezama, à une vingtaine de kilomètres de Bilbao. C’est là que les gamins les plus talentueux de la région, détectés par les yeux de l’Athletic qui traînent partout où un ballon roule, arrivent vers 10-11 ans. «Le club a fait le choix de la patience avec les gamins, explique Joseba Etxeberria, qui a fait toute sa carrière sous le maillot rouge et blanc et a en charge la réserve aujourd’hui. Parce que c’est le meilleur moyen de former un joueur quand les autres clubs visent la rentabilité rapide. Ici, tout le monde a cette patience, de la présidence au staff technique et jusqu’aux supporters qui adhèrent. C’est pour cela que ça fonctionne. Parce que les supporters, comme nous, estiment qu’il y a des choses plus importantes que d’empiler les titres et les stars».

Tant pis pour le palmarès : le huitième et dernier titre de champion d’Espagne date de 1984 et le dernier trophée, la Supercoupe d’Espagne remportée face au Barca en 2015, avait été célébré par toute une ville en liesse. Mais l’équipe joue en moyenne avec huit joueurs sur onze issus de Lezama. Tous ont appris durant leur formation l’histoire de leur club et de ses acteurs. L’histoire n’est pas un frein mais un moteur. Et un modèle d’avenir estime Aitor Elizegi, le président : «La bulle du foot-business finira par éclater  et les gens reviendront à l’essence même de ce sport. On verra alors combien notre chemin est juste». Juste et crédible sportivement : est-ce un hasard si l’Athletic est le seul club avec le Real et le Barça à n’avoir jamais été relégué ? «On n’est peut-être pas le meilleur club du monde, convient Etxeberria, mais on est sans doute le plus authentique. Nous sommes les derniers romantiques du foot».

«On n'est peut-être pas le meilleur club du monde, mais on est sans doute le plus authentique».

Patrick Sowden

Athletic Bilbao, les derniers romantiques, un dossier à retrouver en intégralité dans le France Football actuellement en kiosques ou ici en version numérique.