(L'Equipe)

Angleterre : André-Frank Zambo Anguissa et Jean-Michaël Seri, destins croisés à Fulham

André-Frank Zambo Anguissa et Jean-Michaël Seri ont tous les deux quitté la Ligue 1 pour rejoindre Londres l'été dernier. A l'époque, leur choix de signer à Fulham avait surpris. Qu'en est-il aujourd'hui, quelques mois après leur transfert outre-Manche ?

Tout fraîchement promu de Championship, Fulham a été une des attractions du dernier mercato. Avec pas moins de douze joueurs enrôlés, le club du milliardaire pakistano-américain Shahid Khan a dépensé plus de cent millions d’euros. Le Championnat de France n’a pas échappé à l’ambition du club londonien : Maxime Le Marchand, mais surtout les deux milieux de terrain Jean-Michaël Seri et André-Frank Zambo Anguissa sont arrivés à l’intersaison.

Des temps de jeu opposés

C’est donc dans un contexte d’abord euphorique, avec la montée dans l’élite, qu’ils ont débarqué en Angleterre. Mais la donne a bien changé pour Fulham qui connaît une saison difficile. Un ultimatum a même été adressé à son entraîneur, Slavisa Jokanovic, plus que jamais sur la sellette selon The Times. En effet, les Cottagers pointent à la 18e place au classement, avec une seule petite victoire et la pire défense du Championnat.

Dans ce climat, difficile d’exister. Il est plus simple de briller dans une équipe qui tourne bien que dans une autre qui n’a plus gagné depuis sept rencontres en Premier League. Plusieurs mois après leur arrivée, à l’heure du premier bilan, force est de constater que Anguissa et Seri ont connu une intégration opposée. Seri a débuté toutes les rencontres de son club en Championnat, et est un élément central du dispositif tactique de son entraîneur. En conférence de presse, en août dernier, ce dernier déclarait à propos de l’international ivoirien : «Il travaille vraiment très dur, même sans le ballon, sa qualité technique est d’un très haut niveau, ses contrôles de balle et sa première touche le sont aussi». 

Mais depuis quelques rencontres, Seri est un peu dans le creux de la vague, moins en vue, comme si ses performances allaient de pair avec celles de son équipe. «Seri a très bien débuté et a fait une excellente impression, il a mis un superbe but contre Burnley, ça a attiré l’œil des gens, commente Lawrence Ostlere, journaliste pour The IndependentSur les dernières semaines, il n’a pas eu le même impact. C’est davantage lié aux difficultés de l’équipe qu’à lui-même. Il a pu ressentir un peu de frustration. On n’a pas revu ce qu’il avait montré au début lors de ses récentes sorties». 

A l’inverse, Zambo Anguissa n’a débuté que quatre rencontres pour au final ne jouer que moitié moins de minutes. Il y a tout de même un paradoxe qui va plus loin que ces simples chiffres bruts. Zambo Anguissa a été titularisé contre Tottenham, Brighton, Everton et Arsenal, qui sont pour la majorité de grosses écuries du Championnat. De quoi pondérer l’analyse sur son temps de jeu qui serait réductrice. Reste que cela étonne outre-Manche. L’ancien joueur de l’OM est le plus gros transfert de l’histoire de Fulham et les supporters sont curieux de le voir à l’œuvre. D’autant que si l’entraîneur souhaite que son équipe continue de produire un jeu séduisant, avec ses moyens, l’équipe ne s’en sort pas défensivement. Du Championship, où les hommes de Jokanovic dominaient la plupart des rencontres avec une grosse possession de balle, ils ont découvert la Premier League et en subissent l’écart de niveau. «Pour Zambo Anguissa, c’est plus difficile de tirer des conclusions, on ne l’a pas beaucoup vu. Mais quand il a joué, il n’a pas fait de grosses erreurs, il s’est montré physiquement fort mais en restant un peu dans l’ombre. Je pense que c’est le genre de joueur dont Fulham a besoin devant la défense. C’est surprenant qu’il n’ait pas plus joué mais il pourrait revenir dans l’équipe lors des prochains matches», explique Lawrence Ostlere.

«Quand Zambo Anguissa a joué, il n'a pas fait de grosses erreurs, il s'est montré physiquement fort mais en restant un peu dans l'ombre.» (Lawrence Ostlere, journaliste)

L’entraîneur de Fulham ne s’est jamais exprimé clairement sur son cas. L’explication pourrait résider dans le choix de laisser une période d’acclimatation et d’adaptation à son joueur. Jokanovic expliquait devant la presse : «Nous avons besoin de temps. Ce n’est pas facile pour nous, et c’est le cas aussi pour les nouveaux joueurs, c’est normal, c’est naturel». Et sur Seri, il renchérissait : «Il a besoin de temps pour découvrir l’environnement autour de lui et comment il peut aider ses coéquipiers de la meilleure manière possible». A priori, cette théorie s’applique également à Zambo Anguissa. Les contre-performances de Fulham jouent contre lui. Quand il a été titulaire, son équipe a été facilement défaite par Tottenham (3-1), Everton (3-0) ou Arsenal (5-1).

Un duo complémentaire à l'avenir ?

La situation pourrait donc se décanter plus ou moins rapidement. Et l’association des deux anciens pensionnaires de Ligue 1 apparaît désormais comme une alternative crédible. «L’équipe a besoin d’un nouveau souffle et Zambo Anguissa est un de ceux qu’on imagine pouvoir apporter cela. En début de saison, ils jouaient en 4-3-3, un positionnement en pointe basse aurait été parfait pour lui, avec Seri devant. Ce weekend ils ont joué avec deux milieux centraux. Beaucoup de supporters veulent les voir jouer ensemble», analyse Ostler.

La complémentarité des deux est encore à prouver mais sur la base des caractéristiques et du style de chacun, les associer semble cohérent. Ils ont été plusieurs fois sur le terrain en même temps cette saison, que ce soit dans un milieu à trois ou dans un double-pivot. La présence de Zambo Anguissa pourrait permettre à Seri de jouer avec plus de liberté, débarassé de certaines tâches défensives et capable de se placer entre les lignes pour recevoir les ballons récupérés par le Camerounais. Si l’on regarde les sommes dépensées pour acquérir les deux joueurs, nul doute qu’ils joueront à un moment ou à un autre. Ils auront même certainement la possibilité de s’entraider, de performer ensemble et de permettre à l’équipe de repartir du bon pied.

En octobre, le Guardian consacrait un article à Jean-Michaël Seri. Dedans, le joueur expliquait que finalement, son «destin était peut-être en Angleterre, pas en Espagne», avant de justifier son choix. «Fulham s’est bien vendu à moi : la manière dont il jouait au football et la philosophie de jeu du coach, leur ambition et où j’aurais ma place. C’est un club qui m’a tout donné, je dois le lui rendre». Si la décision de l’ancien Aiglon a fait tiquer, il y a certainement une autre logique à comprendre : celle de considérer Fulham comme un point d’ancrage en Angleterre, d’utiliser le club comme un tremplin pour viser plus haut. «C’est probablement le plan, mais il n’y est pas encore, pour l’instant il a la malchance d’être dans une équipe désorganisée et en difficulté», nuance Lawrence Ostler. Que ce soit avec l’entraîneur serbe ou un autre, l’avenir dira si ces deux joueurs peuvent s’imposer en Premier League.

Le montant payé pour Zambo Anguissa, autour de trente millions d’euros, a aussi étonné en Angleterre. Ce qui a moins été le cas pour Seri. Son transfert avorté à Barcelone et les rumeurs l’envoyant aux quatre coins de l’Europe, ainsi que ses performances avec Nice n’ont pas laissé insensible. Concernant Anguissa, Ostler commente : «J’ai été un peu surpris par la somme déboursée pour Anguissa. Mais Fulham est un petit club, et quand tu veux acheter un joueur d’une équipe comme Marseille, reconnue en Europe, tu vas toujours payer cher. C’est ainsi en Premier League».

«Fulham est un club qui m'a tout donné, je dois le lui rendre.» (Jean-Michaël Seri)

Jérémy Docteur