Rabah Madjer (Algérie) (L. Fel jean/L'Equipe)

Algérie : Rabah Madjer, nouveau sélectionneur, en Vert et contre tous

Rabah Madjer, l'homme à la célèbre talonnade, est de nouveau sur le terrain. Après plus de dix ans loin éloigné des bancs de touche, il est le nouveau sélectionneur des Fennecs. Le choix est très discuté en Algérie où la sélection traverse une crise.

Une légende en automne pour relancer les Verts. C'est le pari osé de la Fédération algérienne de football. Retombés dans l'anonymat du football continental, et à une piteuse 67e place au classement FIFA, les Fennecs pédalent dans la semoule. Depuis le départ conjugué de Vahid Halilhodzic (après le Mondial 2014), puis de son successeur Christian Gourcuff (en avril 2016), c'est clairement la descente aux enfers. Des résultats catastrophiques, un contenu effroyable pour une sélection, qui, même si elle manque d'équilibre, ne doit pas pointer avec un misérable point après cinq journées lors des éliminatoires au Mondial 2018.

Djamel Belmadi faisait pourtant l'unanimité

Les ingrédients, on les connaît. Après le départ de Gourcuff, l'épisode Milovan Rajevac (juin-octobre 2016), a fait basculer la sélection vers le bas. Après un nul face au Cameroun (1-1) à Blida, les joueurs cadres obtiennent alors la tête du Serbe, prennent le pouvoir, et cela a donné des résultats équivalents à l'autogestion socialiste des années 70... En somme, un fiasco qui a continué à être validé par des choix d'entraîneurs low cost. Le dernier en date :  Lucas Alcaraz, qui a payé l'addition pour ces trois dernières années. Le moment idoine pour  rafraîchir l'écran avec un bon F5. Le moment rêvé pour le nouveau président de la FAF de changer complètement de logiciel, et de génération avec la possibilité de donner les pleins pouvoirs à Djamel Belmadi. Entraîneur à succès au Qatar, l'ancien joueur de l'OM et de Manchester City faisait l'unanimité dans la caravane des suiveurs d'El-Khedra. Finalement, d'une talonnade qui a pris tous les observateurs à contre-pied, Rabah Madjer est sorti du chapeau...

Madjer : deux premiers mandats très décevants à la tête de l'Algérie

En Algérie, le choix interpelle, interroge et suscite même une forme de défiance. On parle même d'intervention au plus haut sommet de l'État pour investir l'ancienne star de Porto comme sélectionneur national. Comme la défense algérienne lors des éliminatoires au Mondial 2018, certaines lignes sont parfois poreuses, et ouvertes aux influences extérieures. Imposées ou pas. Il faudra faire avec... Objectivement, les deux premiers mandats de Rabah Madjer ont été décevants (1994 à 1995, puis de 2000 à 2002), et marqués par une élimination au premier tour de la CAN 2002. Son CV d'entraîneur est infiniment plus petit que son parcours de joueur. En Algérie, voire en Afrique, Rabah Madjer est une légende. Sélectionné 87 fois entre 1978 et 1992, il a participé à deux Coupes du monde (1982 et 1986) et a remporté la CAN 1990. L'ancien joueur de Valence a également remporté la Coupe d'Europe des clubs champions avec le FC Porto en 1987, grâce, en finale, à cette fameuse talonnade.

Confronté à des joueurs qu'il n'a pas ménagé ces derniers temps

Ces dernières années, il est resté sur le devant de la scène comme consultant télé. Friands de ces émissions où la culture du café du commerce l'emporte totalement, les Algériens l'ont beaucoup écouté voire entendu. Rabah Madjer s'en est notamment donné à coeur joie sur l'investissement des binationaux au sein de la sélection, marquant comme à son habitude sa préférence pour les joueurs locaux. Éternel clivage idéologique des sélections africaines. Il nous avait confié en 2010 son sentiment sur la question : «Aujourd’hui, 19 des 23 sélectionnés sont nés en France et ont été formés en Europe. Je ne partage pas du tout ce choix. Mais je le respecte. En Algérie, nous avons des talents. Il faut les mettre en avant et arrêter de les marginaliser. La seule CAN (1990) remportée par l’Algérie l’a été avec des joueurs du cru.» Désormais, il va être confronté à ses propos, et surtout à des joueurs qu'il n'a pas ménagé ces derniers temps. L'autre réalité, bien plus cruelle : l'Algérie a délaissé sa formation. Ainsi, composer une équipe très compétitive issue du Championnat local est utopique.

Premier match face au Nigeria le 10 novembre

À son actif, il possède une aura unique en Algérie. Meilleur joueur arabe de tous les temps, considéré comme un des meilleurs footballeurs africains de l’histoire, Rabah Madjer connaît l'Afrique, et le poids du maillot d'El-Khedra. Pour cette mission, son staff paraît solide. Madjer a su s'entourer de son ancien coéquipier Djamel Menad, qui a entraîné le CR Belouizdad ou le MC Alger ; et de Meziane Ighil, ex-sélectionneur national (2005-2006), ancien du NA Hussein Dey et qui fut champion avec l'ASO Chlef en 2011. Cette nouvelle équipe fera ses débuts le 10 novembre prochain, à Constantine, face au Nigeria, lors du dernier match de qualification pour le Mondial 2018. Un adversaire que Rabah Madjer avait battu en finale de la CAN 1990 (1-0) où il avait envoyé son pays pour la première fois sur le toit de l'Afrique. Un match qu'aucun des joueurs qu'il aura sous ses ordres n'a dû réellement voir. L'écueil générationnel est aussi un handicap qu'il va falloir surmonter. Et notamment les nouveaux comportements des joueurs. Bien loin des années 80 où Madjer et consorts pouvaient eux-mêmes payer leur billet d'avion pour aller défendre les couleurs de la jeune nation algérienne. Il faudra plus que le lointain souvenir d'une talonnade pour relancer une sélection dans le coma. À 58 ans, comme lors de sa carrière, l'enfant du NAHD va devoir se sublimer...
 
Nabil Djellit