(L'Equipe)

A lire cette semaine dans France Football, le dernier tacle à retardement de Julien Cazarre : Kylian M'ozart

Comme chaque semaine, Julien Cazarre glisse son tacle à retardement dans France Football. Cette fois-ci, il évoque la précocité du phénomène Mbappé.

C'est fou comme la précocité peut fasciner dans le milieu du foot. En musique classique, ça fait longtemps qu'on a lâché l'affaire vu que le père Wolfgang a mis une accélération boltesque à tous les ringards qui l'entouraient et qu'en composant les yeux bandés sa première symphonie à six ans, il a mis fin à toute tentative de record de précocité dans le domaine musical (je mets de côté Booba qui, dès l'âge de trois ans, vomissait sur sa petite sœur, dévoilant déjà les précieux lyrics de son rap soyeux) !

Dans chaque discipline, on aime à se gargariser du petit dernier qui fait plus fort au même âge que le prodige d'avant. C'est pareil avec les gamins, tu ne peux pas aller à un goûter d'anniv' de ton mioche sans qu'un parent névropathe de Françoise Dolto (rien avoir avec Francesco Toldo) ne t'explique que son mioche est hyper en avance sur son âge en termes de langage et de motricité. «C'est dingue, il marchait déjà à un an et il a dit papa à huit mois...» Mais qu'est-ce qu'on en a à cirer ?! Il marche pour aller où, et il parle pour dire quoi ?

C'est fou comme on est obsédé par la précocité, comme si c'était un gage de réussite absolue et que ça garantissait une trajectoire exponentielle de nos capacités (je vous rassure, moi-même, je ne suis pas certain de tout comprendre de cette précédente phrase...). Moi, par exemple, adolescent, j'étais hyper précoce en éjaculation, est-ce que je m'en suis vanté ? Bon, oui, une fois, mais j'ai pas recommencé... Le pire dans tout ça, c'est que le pire endroit pour en faire des tonnes dans ce domaine, c'est bien le foot. Le monde merveilleux de la FIFA a vu passer tellement de petits Mozart avortés qu'on pourrait en faire une armée soviétique : Freddy Adu, Philippe Christanval, Hatem Ben Arfa, Gaël Kakuta ou encore Martin Odegaard, autant de feux de Bengale (ou de paille).

Kylian, lui, il a bien compris que tout ça, c'est de la foutaise (une manière polie de dire de la grosse connerie qui tache). Il sait que ce qui compte, c'est ce qu'on accomplit et pas l'âge auquel on y arrive. Zidane et Platini ont atteint leur apogée dans la maturité de leur carrière car ils se foutaient bien de savoir l'âge qu'ils pouvaient avoir. Il n'y a qu'à voir la tête de Mbappé quand il a reçu le titre de meilleur jeune de la Coupe du monde pour comprendre qu'être vu comme un jeune, un prodige ou un précoce ne l'intéresse pas, il n'en a cure (manière soutenue de dire qu'il s'en bat les steaks). Ce qui est fascinant, chez lui, ce n'est pas ce qu'il fait pour son âge... c'est ce qu'il fait, tout simplement ! Comme Mozart. Mon fils, lui, il est en avance pour son âge, il sait compter jusqu'à trente... Ça me fait une belle jambe, je sais compter jusqu'à mille, voire plus. En revanche, Mbappé sait compter jusqu'à l'infini et au-delà, et ça, personne n'y arrive à part lui... et Buzz l'Éclair. Mais ça, c'est mon fils qui le dit.

«Ce qui est fascinant chez lui, ce n'est pas ce qu'il fait pour son âge... c'est ce qu'il fait, tout simplement!»

Julien Cazarre