sarr (bouna) (F.Faugere/L'Equipe)

«Bouna Sarr en équipe de France ? Il a vraiment un coup à jouer» : deux spécialistes du poste de latéral droit donnent leur avis

Autrefois décrié à cause de prestations décevantes avec l'OM, Bouna Sarr semble revivre depuis qu'il a été installé un cran plus bas que son poste de formation par Rudi Garcia, en tant que latéral droit. Pour FF.fr, deux spécialistes du poste donnent leur avis sur ce nouveau Bouna Sarr.

Anthony Réveillère* : «La grande question, c'est de savoir ce que Rudi Garcia compte en faire sur la durée»

«C'est plus un repositionnement par rapport à l'effectif, et par manque d'arrière droit. Si on souhaite le repositionner en tant que latéral droit, l'important est de le faire travailler tactiquement, par rapport à la ligne de défense, et d'avoir ses repères défensifs, même s'il a déjà des habitudes parce qu'il a toujours joué sur le côté. Il faut savoir si c'est un poste auquel il veut vraiment se positionner pour l'avenir, parce quand on fait tous les postes on n'a pas vraiment de repères. Sur la longévité, pour devenir un bon latéral, il faut qu'il ait l'envie de progresser : à voir s'il veut y rester, à l'OM ou ailleurs, ou si c'est juste pour dépanner.

Il a les qualités offensives, avec ses facultés d'ancien ailier : il a la vitesse et le coffre pour faire des allers-retours, même s'il y a plus de courses en partant de derrière et surtout en position de repli. Il faut surtout avoir cette mentalité défensive, et l'envie de travailler tactiquement. Sur quelques matches, on peut dépanner, mais sur la durée, il ne faut pas être mis à défaut sur des dispositions tactiques, notamment sur la ligne, s'entendre avec son défenseur central pour ne pas laisser en action un joueur hors-jeu.

Anthony Réveillère. (A.Martin/L'Equipe)

De nos jours, l'apport des latéraux est fondamental. Il sera plus jugé dans des matches où l'OM sera mis en difficulté et dans une disposition plus défensive. Tout le monde veut monter, participer au jeu, mais avant tout il faut bien défendre : être sur sa ligne de défense, avoir l'âme d'un défenseur et ne pas prendre de but. Cela ne sert à rien de monter et faire marquer son équipe si c'est pour laisser des trous de son côté. Offensivement, il a les qualités, c'est défensivement qu'il devra travailler. Il a une qualité, c'est qu'il va vite : il a la possibilité, s'il se rate un peu, de pouvoir rattraper certains coups, même s'il ne faut pas jouer que là-dessus.
 
Pour moi, ce n'est pas acté que Bouna Sarr restera latéral dans l'avenir. Même s'il est toujours sur un coté, c'est quand même d'autres repères, et les adversaires peuvent jouer sur ce manque d'expérience et ces lacunes tactiques. Le fait que Didier Deschamps s'intéresse à lui, ça peut aussi changer la donne sur la vision qu'il a de son avenir. Cela peut être une vraie option pour lui. Mais à l'image de l'équipe de France, les latéraux, à droite, ça se fait de plus en plus rares.»

«Offensivement, il a les qualités, c'est défensivement qu'il devra travailler»

*Ex-latéral droit, cinq fois champion de France avec l'OL et sélectionné 19 fois avec l'équipe de France.

François Grenet*

«J’ai vu des matches de Bouna Sarr comme latéral droit, ça m’a interpellé parce que c’est relativement rare. C’est vrai qu’on l’a découvert avec de belles qualités dans un registre offensif et son repositionnement peut paraître curieux mais ce n’est pas si surprenant de voir une telle reconversion. Je suis même surpris que ça ne soit pas plus fréquent. Si son entraîneur tente de le faire jouer à ce poste, c’est qu’il pense que ça peut marcher. Ce sont ses prestations dans la durée qui vont nous montrer si c’est une réussite. Personnellement, je l’ai trouvé convaincant. Il suffit d’une pénurie, d’un concours de circonstances et l’entraîneur va choisir un profil qui a des qualités offensives naturelles et de la combattivité. Aujourd’hui, le profil du latéral moderne, c’est un joueur qui est d’abord défenseur mais qui est aussi capable de se projeter vers l’avant avec sa formation. Je pense que Rudi Garcia a tenu exactement le même raisonnement avec Bouna Sarr quand il a pris cette décision.

François Grenet. (LUTTIAU/L'Equipe)

Bouna Sarr doit être un joueur qui ne rechigne pas aux tâches défensives et qui comprend vite ce qu’on lui demande tactiquement. Il lui faut être encore plus concentré pour son nouveau poste. Il y a des bases qu’il doit assimiler : l’alignement, revenir fermer à l’intérieur quand le ballon est à l’opposé… Et pour ça il faut être à l’écoute, penser à 200% à sa part de travail défensif et à manger son adversaire. Quand on peut attaquer, ce n’est que du bonus. Il faut aussi du travail tactique sans ballon mais les repères arrivent vite.
 
L’avantage pour Bouna Sarr, c’est qu’il a le profil idéal pour une équipe comme l’OM qui a la volonté de faire le jeu. Il se retrouve plus vite dans une position offensive alors qu’il aurait eu davantage de difficultés dans une équipe qui joue le contre. De plus, pour sa reconversion, il s’agit de reculer d’un cran et c’est aussi un avantage. Il peut avoir tout le jeu face à lui, c’est plus confortable que pour un joueur qui a avancé d’un cran qui doit être bon dans les petits espaces voire dos au but.

Les carences de l’équipe de France, elles sont aux postes de latéraux ! Personnellement, je ne vois aucun latéral qui serait un titulaire indiscutable à l’heure actuelle, à part peut-être Sidibé. Si Bouna Sarr continue de progresser, il a vraiment un coup à jouer. C’est beaucoup plus ouvert qu’au milieu de terrain ou en attaque. Le sélectionneur va prendre les plus performants à ces postes indécis, alors pourquoi pas ? Une telle reconversion, ça permet aussi d’être polyvalent, ce qui peut faire la différence en club comme en sélection. Pour x raison, son entraîneur pourra l’utiliser plus haut, ce qui m’est arrivé dans ma carrière comme ç'a pu arriver à Bixente Lizarazu. Il faudrait aussi poser cette question : est-ce que Bouna Sarr aurait accepté de se reconvertir dans un club moins huppé ? Je n’en suis pas certain mais il est sûr que c’est une opportunité pour lui de s’imposer à Marseille et pourquoi pas d’aller plus haut.»

«Il peut avoir tout le jeu face à lui, c'est plus confortable que pour un joueur qui a avancé d'un cran qui doit être bon dans les petits espaces voire dos au but»

«Je ne vois aucun latéral qui serait un titulaire indiscutable à l'heure actuelle en équipe de France»

*Ex-latéral droit, champion de France 1999 et finaliste de la Coupe UEFA 1996 avec Bordeaux (193 matches en D1).

Jérémie Baron et Clément Gavard